Chapitre 79

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Joâo Osabio avait vécu vingt-neuf ans. Homme droit et sans cœur, il était cependant mort en souriant. Héritier de la Grande Mafia Européenne et destiné à prendre place sur le trône du Parrain, il laissa derrière lui un des héritages des plus grands de ce monde.

Soraia regardait dans le vide. Dans sa chambre, au QG de la Eme.

Seule, avec ses pleurs.

Le départ pour le Portugal était prévu au lendemain matin.

Partit à dix, ils ne revenaient qu'un nombre de cinq.

Cinq et un cadavre.

Un corps sans vie. Celui d'un homme brun, d'une trentaine d'année, à la peau halée. Un visage détendu, yeux verts fermés à tout jamais, visage qu'un père et une sœur attendaient de revoir une dernière fois.

Anastasia et Inacio s'étaient fermés à l'arrivée des secours. Ne reflètant aucune émotion, ils s'étaient contentés de rester auprès du corps et consoler Soraia. On leur avait posé des question, par centaines. Jusqu'à ce que par leurs regards noirs ils fassent taire tous ceux qui les entouraient.

Le deuxième fils, devenu unique, avait plié le bras droit de son ainé, afin que personne ne puisse voir les deux phrases qui y étaient tatouées.

Que personne ne sache que la Grande Mafia Européenne venait de perdre son prince héritier. Invisible couronne de bronze trônant au-dessus de son corps, faisant plier quiconque posait les yeux sur son enveloppe charnelle.

Il ne daigna ouvrir la bouche qu'à de rares occasions :

« Comment est-ce arrivé ?

Il a payé de sa vie pour sauver les nôtres ».

Joâo Osabio accalmée en héros. Acclamations silencieuses, que personne n'osaient crier, sous peur de subir le courroux des proches du l'homme.

Les mains de la portugaise se crispèrent contre la rambarde, alors que ses yeux violets, noyés de larmes, revoyait le visage de ce garçon à qui elle était tant attaché.

« Nace, la fille est là ». Voilà les premiers mots qu'ils lui avait dit, alors qu'elle entrait pour la toute première fois dans la villa des deux hommes. Croyant, à l'époque, être employée par de discrets hommes d'affaire.

« Tu es dans la famille, quoiqu'il arrive. Ma famille, Soraia ». Elle étouffa un nouveau sanglot, repensant à ces dernières paroles qui lui étaient adressées. D'inconnus distants, ils étaient passés à proches. Très proches.

C'était un ami qu'elle venait de perdre. L'un des amis des plus chers en ce bas-monde. Ils étaient même passés par la case de couple, quand on y repense. Joâo Osabio, malgré son âme de roc avait accepté qu'un petit bout de femme apeuré vienne se réfugier dans ses bras.

— Il avait promis qu'ils ne partiraient jamais. Gémit-elle en repensant à ce vingt janvier, quand Tamryn avait quitté le Portugal pour rejoindre la Russie. Ce jour où son cœur s'était déchiré, en voyant le jeune homme s'éloigner d'elle. Ce jour où Inacio lui avait promis qu'eux, ils ne l'abandonneraient jamais.

Mais Joâo n'avait pas pu rester.

Il avait quitté ce monde.

Probablement l'observait-il, en ce moment-même, lui soufflant à l'oreille de ne pas pleurer. Qu'il était beaucoup mieux là-haut. Loin de ce monde qu'il haïssait tant. De ces humains qui ne savaient que s'entre-tuer. Des humains qu'ils ne voyait que comme des insectes pestilentielles détruisant tout sur leur passage, eux-mêmes y compris.

Au moins, il avait quitté ce monde qu'ils détestait du plus profond de son être.

Soraia raval ses larmes, à l'idée que Joâo était bien plus heureux à la place qu'il tenait maintenant.

Longue vie au prince JoâoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant