Chapitre 7

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Autant dire qu'après quelques années à expérimenter la maltraitance, Soraia savait à présent se servir d'une palette de maquillage. Ce n'était pas du tout son style, et à vrai dire même, elle détestait ça. Mais il y avait des jours où la jeune femme n'avait pas trop le choix, comme ce matin-là. Il n'y avait que ce moyen qui pouvait lui permettre de dissimuler au maximum l'énorme bleu qui avait pris place sur sa pommette. Bien sûr, rien ne pouvait cacher sa peau enflée, mais c'était déjà ça.

Ce fut Joâo qui lui ouvrit la porte lorsqu'elle arriva. Elle se sentit inspectée, comme chaque jour, de la tête aux pieds. Puis, l'homme se décala d'un pas sur la droite pour la laisser passer.

Tête baissée, elle rentra dans la demeure, et déposa son manteau ainsi que son téléphone dans le hall d'entrée, avant de se diriger vers la première pièce à nettoyer.

Aucun des deux frères ne fit mine de lui prêter attention. Bien sûr, ils n'étaient pas dupes, car même si la brunette maniait à la perfection l'art du maquillage ; eux, ils fréquentaient depuis les premiers jours de leurs vies la douleur, la violence, et les corps rompus par le poids de l'existence.

Cette joue enflée avait été la première chose que Joâo vit. Mais le mafieux n'avait pas relevé ce fait. Et puis, en y pensant, tout pouvait être cause de cet hématome : meuble, porte, mauvaise chute ou encore somnambulisme.

Que la fille se pointe un matin avec une blessure n'était pas chose extraordinaire, ça arrivait à tout le monde. Et à ce moment-là, aucun des deux ne soupçonnait que leur employée allait revenir de plus en plus fréquemment en mauvais état après, un week-end ou une simple soirée passé chez elle.

Inacio était seulement insatisfait de cette poudre artificielle qui cachait la peau attrayante de sa domestique.

Ce n'était, à son avis, pas une simple ecchymose qui allait gâcher la beauté simple de son visage. Le brun était bien loin de se douter que là n'était pas un fait divers de coquetterie, mais l'acte d'une jeune femme apeurée par le jugement d'autrui et les conséquences qu'enclencheraient la réalité des choses.

De toute façon, les deux frères ne prêtaient pour l'instant pas assez d'importance à la jeune femme pour s'attarder sur la santé de celle-ci.

N'oublions pas : deux cœurs noirs.

Aucun sentiment.

Les légendes disent que les âmes de Joâo et Inacio Osabio furent forgés dans les plus profondes horreurs de ce monde.

Comme quoi, ne vous fiez pas aux apparences, car la beauté physique des deux hommes ne servait qu'à cacher leurs sombres intérieurs.

– Non mais il ne pourrait arrêter de nous demander de tuer tout en n'importe quoi ?!

C'est la voix colérique du cadet qui s'était élevée dans les airs, alors qu'ils discutaient depuis quelques secondes avec son aîné. Celui-ci s'était contenté d'hausser les épaules, d'un mouvement presque imperceptible.

– Ça fait une semaine que cet abruti nous envoie des caméras et des cadeaux piégés.

– Et à quoi servent ton Sottocapo, tes Capo, et toute la clique, si à chaque fois il nous demande à nous de jouer aux bouchers ?

– Tu oublies de qui tu parles.

Inacio soupira. Son frère avait raison, de toute façon : leur père avait toujours décidé d'élever ses enfants à la dure, les faisant venir sur le terrain dès leurs plus jeunes âges. Ils avaient été confrontés à la violence de ce monde avant même de pouvoir comprendre ce qu'elle était.

Ils n'avaient même plus assez de place dans leur mémoire pour répertorier le nombre exact de personne à qui ils avaient ôtés la vie.

– Il nous appelle pour quand ?

Longue vie au prince JoâoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant