Chapitre 80

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Je ne sais pas si vous avez déjà perdu un ami. Un proche. Une connaissance lointaine peut-être même.

Mais souvent, la mort effraie. Abondamment.

Ce n'était pas le cas pour Joâo Osabio. On pouvait presque dire avec certitude que lui, il avait été heureux de mourir. Enfin.

Cependant, pour l'entourage, la mort est bien la pire des épreuves. Car lorsqu'on rompt avec quelqu'un. Qu'on se dispute, s'éloigne. Quoiqu'on en dise, notre for intérieur est rassuré par ce fait que quelque part, sur cette planète, l'autre est bien en vie. Qu'on pourrait le revoir, peut-être même qu'un jour on tombera sur lui dans la rue. Ça nous mettrait de mauvaise humeur, on jurera ne jamais avoir voulu revoir cette tête tant détestée. Mais dans le fond, on sera un peu rassurée. Parce que cette personne est encore là, faisant vivre avec elle ce petit bout de notre propre existence que nous avons passé ensemble.

Perdre quelqu'un.

Enfin, je veux dire, perdre quelqu'un définitivement.

Ça, c'est un évènement capable de vous détruire.

D'abord, c'est le son de sa voix qui va s'effacer. Puis, peut-être que vous oublierez petit à petit son odeur. Et ses mimiques. Comment c'était, déjà, sa façon de sourire ? Ces rides qui se formaient lorsqu'il était fâché ? La manière dont il nous regardait quand il nous écoutait...

Et, le moment le plus dur, c'est quand son visage commence à s'enlever de notre mémoire. Vous savez, quand on est obligé de regarder des photos, de temps en temps, pour se rappeler comment il était.

Parce qu'on a eut beau se promettre de ne jamais l'oublier, trop tard. Nos souvenirs se périssent, rongés par la tristesse.

Heureusement, pour les proches d'Inacio, nous n'étions pas encore rendus à ce stade. Soraia savait exactement où tomberait sa tête si elle l'enlaçait, quelle odeur ses narines humerait, de quelle manière il réagirait : un main sur la cuisse. L'autre sur la joue. L'observant de ses yeux verts d'un air si profond.

C'est les iris grisés par les souvenirs, regards pendants sur le vide qui défilait, que les mafieux étaient rentrés au Portugal. L'avion noir filait dans le ciel bleu. Et si personne n'osait parler, c'était tout autant pour respecter le silence du mort, que pour ne pas s'attirer les foudre d'Inacio et d'Anastasia.

Le portugais s'était complètement métamorphosé à la mort de son frère. Violent, excessif. Il avait détruit à lui seul la salle de sport, cassant de nombreuses machines d'entrainement. Et la salle d'interrogatoire. N'en parlons pas. Combien de cris de douleurs avaient-ils entendus sortir de là ? Combien d'appels à l'aide que les malheureux prisonniers hurlaient, désespérés.

Un démon.

Voilà ce qu'avait créé la mort de Joâo. Comme s'il avait emporté avec lui tout le bon qui occupait l'âme de son cadet. Même Soria avait du mal à gérer le jeune homme, quoiqu'elle fut la seule qui puisse l'approcher sans danger. Luiz lui-même, pourtant Capi de Getulino, avait préféré tenir ses distances.

Le fils Osabio était assis sur un siège. Ne bougeant pas d'un seul centimètre depuis le décollage, soit plusieurs heures déjà. À ses côtés, la brunette, qui osait à peine poser sa main sur la sienne pour l'apaiser.

Les autres, autours, qui n'osaient même pas chuchoter.

Et Anastasia.

Assise au fond de l'avion.

C'était une femme aux yeux bleus. De magnifiques iris. Qui pouvaient rendre de glace par un simple regard. Vous envoyer en enfer, et faire en sorte que vous y resteriez jusqu'à l'éternité. Dans la douleur et la souffrance la plus atroce qu'il puisse exister.

Longue vie au prince JoâoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant