chapitre 62 : une princesse pour Le Soldat

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— Tu ne dis rien ?

Sans plus prêter attention à Lissandro, Giana croisa les bras sur son ventre, la tête tournée vers la vitrine par laquelle elle observait le paysage défiler sous ses yeux alanguis.

Depuis qu'ils avaient quitté le motel après une douche plutôt frisquette pendant laquelle Giana s'était abstenu de prolonger leurs baisers et caresses, elle s'était calfeutrée dans un mutisme à lui briser les noix à Lissandro. S'il s'écoutait, cela faisait longtemps qu'il serait en train de la secouer comme un vulgaire prunier pour obtenir des explications beaucoup plus parlantes que les incessantes et agaçantes onomatopées qu'elle jetait dans leur conversation en guise de réponse. Mais il n'aurait fait que la braquer davantage, ou même de crée une grosse dispute parce qu'il savait que ce n'était sans aucun doute la proposition concernant la visite chez ses parents qui avait jeté un froid entre eux.

Lui qui croyait qu'elle lui aurait sauté dans les bras, s'était de toute évidence trompé en se prenant un vent par la même occasion lorsqu'elle avait, dans le plus grand des calmes, secoué faiblement la tête et l'avait planté devant le miroir pour rejoindre la cabine de douche, quelque peu bouleversée, en proie à des souvenirs très peu ragoûtant.

Les mains crispées sur le volant, Lissandro lui lança un regard en biais par dessus son épaule, agacé de la voir se ronger les ongles. Les yeux dans le vague, elle semblait sur une autre planète, comme perdu et ramener dans un moment précis de son histoire dans lequel elle aurait aimé ne pas s'y trouver. Jamais. Lissandro accusa le coup, frustrée, en colère, mais calme, terriblement calme. Il n'osait pas s'emporter après elle. Un tas de mauvaises choses tourbillonnait en boucle dans sa cervelle et à tous les coups elle avait dû se repasser son enlèvement un milliard de fois au moins lorsqu'il lui avait proposé d'aller voir ses parents. Lissandro savait au fond de lui qu'il se devait d'essayer d'agir avec finesse et subtilité, mais il n'était pas certain de parvenir à garder loin de son corps tremblant, ses paluches d'ogre avide de la toucher et pas délicatement. Pas quand elle tirait la gueule dans son coin. Ça l'énervait ostensiblement.

— Et si tu me parlais, histoire que ça ne parte pas en couille une deuxième fois ! tenta-t-il gentiment avant de ne plus pouvoir y parvenir et de l'attraper par la nuque pour la faire réagir.

Giana ne releva pas. Prostrée dans son coin, elle haussa les épaules avec désinvolture, ne voulant pas aborder de sujet qui fâche en plus de lui rappeler des mauvais souvenirs. Lissandro hocha négligemment la tête en fulminant. Il avait horreur de la voir se transformer en huître. C'était l'un des traits de caractère de la jeune femme qu'il avait le plus de mal à supporter, à accepter. Elle avait toujours privilégié les discussions à cœur ouvert pourvu qu'ils parviennent à avancer dans cette relation tumultueuse et ça, même si son amant était du genre à prendre toutes les décisions, qu'elle soit d'accord ou pas du tout. Aujourd'hui, dès que ça touchait d'un peu trop près ses traumatismes, elle se braquait, se renfermait sur elle-même, quitte à ne plus mettre un pied à Londres pour ne pas avoir à revivre son enlèvement.

Lissandro laissa échapper un soupir amer, se retenant d'exploser. Son mutisme lui était insupportable, limite agressif. N'y tenant plus, il se gara sur le bas côté de la route et se tourna vers elle. Giana ne pût ignorer ses demandes d'attention plus longtemps et se tourna vers lui à son tour, attentive et toute ouïe, mais pas moins sereine ni même rassurée par sa posture de guerrier on ne peut plus agressive. Les épaules bandés, un bras replié sur le volant, il semblait prêt à sauter sur elle au moindre petit mot dit de travers qui aurait pu vexer sa nature dominante.

— Qu'est-ce que tu redoutes tant dis moi ?

— De toute façon quoique je dise tu as déjà pris ta décision, pas vrai ?

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant