chapitre 76 : tous ces mots que tu ne me dis pas

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Ce fut la douche froide pour Lissandro.

Cette révélation lui ôta les mots de la bouche comme elle ôta à son cœur l'infime espoir qu'il avait de la conquérir encore quand il avait compris qu'elle n'hésiterait pas à s'éloigner de lui et de ses démons qu'il ne contrôlait plus.

Son excitation baissa graduellement. Tout le contraire de sa colère qui atteignit des pics inimaginables. Et ce fut elle, cette colère dévastatrice que Giana sentit en premier lieu. Elle ne passait pas inaperçu. Nul besoin d'être un fin observateur pour s'en rendre compte.

Ses muscles se tendirent et sa respiration n'en devint que plus saccadée. Les insufflations sauvages ne la rassurèrent pas vraiment sur son état d'âme. Giana en vint à regretter de lui avoir avoué ses peurs. Ce n'était pas rien. En tout cas pas pour un homme tel que lui.

Elle chercha son regard en espérant pouvoir adoucir la fournaise qui ravageait tout sur son passage, mais Lissandro lui refusa ce contact visuel. Ça brûlait beaucoup trop fort en lui. Elle n'y aurait vu que l'éternel enfer qu'il connaissait depuis deux mois. Depuis qu'elle n'avait plus ouvert les yeux après l'opération délicate qu'elle avait subi. Lissandro avait fini par désespérer quand il avait compris qu'elle ne s'éveillerait pas quand il passait ses matinées à lui brosser les cheveux, à prendre soin d'elle comme du plus précieux de ses trésors. Il l'avait quitté et avait fait place au Soldat qui préférait nettement mieux la compagnie des personnes qu'il assassinait et torturait de sang froid. Il préférait leurs hurlements qui chantaient à ses oreilles comme la plus belle des mélodies. C'était un million de fois préférable au silence de mort de Giana seulement ponctué par sa faible respiration. Ce n'était qu'après avoir saigné des gorges, sectionné des doigts à la pince et mit quelques tripes à l'air qu'il revenait vers elle pour lui brosser les cheveux, passer un gant de toilette mouillé sur l'ensemble de son corps avant d'enfin lui faire de bien sombres confidences comme il avait pris l'habitude de le faire.

Et ça, toutes ces horreurs, il ne voulait pas qu'elle le voit, ce même enfer qui l'avait conduit à perdre de son humanité un peu plus chaque jour.

Giana s'immobilisa sur sa chaise lorsqu'il raffermit la poigne quelque peu agressive qu'il avait sur ses cheveux noirs, les tirant légèrement entre ses doigts pour l'obliger à renverser la tête en arrière. Elle s'exécuta sans brancher, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Lissandro s'autorisa à relâcher la pression lorsqu'il enfouit son nez dans son cou, là où subsistait encore les fragrances de son parfum sucré qu'il prit plaisir à inhaler tel un animal. Ça avait le don de le calmer. Pas complètement, mais un tout petit peu du moins. En toute honnêteté, ça le frustrait plus qu'autre chose.

Il baisota la peau fine de sa gorge en essayant de ne pas céder à ses pulsions qui l'ordonnait de la mordiller. Il avait juste besoin d'évacuer sa rage et ce n'était malheureusement pas la bonne façon pour lui. Ce n'était pas suffisant. Ce n'était presque rien. Du gnongnon pour adolescents dont il se serait bien passé pour ainsi dire. Il accumulait frustration sur frustration et ça ne pouvait pas être bon pour lui. Il se sentait piégé, ligoté dans un corps aux gestes restreint qui ne demandait qu'à s'exprimer pleinement. Jouir de toute la violence qui coulait abondamment dans ses veines et émanait de son être, voilà ce qu'il désirait.

Mais... Ça lui faisait peur à elle. Petite chose fragile pour qui son cœur se consumait plus que de raisons. Le pire, c'est qu'il prit conscience qu'il adorait ça. Et c'est ce désir sombre, cette excitation toute particulière et pas nécessairement bonne sous tout rapport qui le poussait à se détester.

Il bouillonnait de haine et de mépris pour sa propre personne. Il avait la haine d'être arrivé à lui faire peur et il se détestait de se délecter de l'odeur de sa peur. Quelque part, là, tout au fond de lui, Le Soldat s'en léchait les babines. Alors tout doucement, dans un dernier soupir, il renonça à l'utiliser comme canalisateur de toutes ses émotions et s'écarta d'elle.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant