Chapitre 86 : ossessione mortale

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Les yeux dans le vague, Giana cligna des paupières à plusieurs reprises. Les pages noircies d'encre qu'elle avait sous les yeux, ne lui apportaient plus aucune satisfaction depuis que Lissandro s'était insidieusement glissé dans ses pensées et ce, à cause d'un foutu passage de son livre qui lui rappelait son "maître" et ravivait bien des souvenirs troublants. Elle ne savait plus depuis combien de temps exactement elle avait oublié de comprendre ce qu'elle lisait, mais une bonne vingtaine de minutes avaient certainement dû s'écouler au vue du nombre de pages tournées sans qu'elle ne s'en soit rendu compte. Une bonne partie de l'histoire occultée et toute envie de découvrir le fin mot de l'histoire, envolée !

Elle enragea intérieurement.

Quelque chose hurlait au dedans d'elle. Une chose ou plutôt un désir ardent, un manque bruyant mais à la fois si silencieux, une envie irrépressible, un sentiment inassouvi... Giana ne savait pas trop quoi. Tout du moins, elle était sûre d'une chose, le seul responsable de son état n'était nul autre que le père de ses enfants.

C'était comme cela à chaque fois. Le regard désarmant de son homme infiltrait la moindre petite parcelle de ce qu'il lui restait de bon sens. Tel un virus, il se propageait et anesthésiait sa capacité à pouvoir réfléchir correctement. Elle se rappelait ses caresses à la fois douces et mordantes, et plus rien n'avait son importance pour elle. Il tuait sa concentration, envahissait son cortex qui ne carburait plus qu'aux souvenirs de leurs deux corps enlacés. Souvenirs enfiévrés qu'elle n'attendait plus de revivre. Mais son compagnon semblait avoir mis un point d'honneur à ne plus la toucher ; du moins plus du tout jusqu'à ce qu'elle soit complètement rétablie.

N'empêche, ça ne l'a pas empêché de te punir et de te mettre des fessées alors que l'autre malade t'avais presque éventré à main nue. lui souffla malicieusement son esprit.

Giana jeta son livre sur la table basse en soufflant grossièrement pour exprimer son total désintérêt, mais pas que. Il y avait aussi sa frustration qui lui rongeait l'âme. Son incapacité à comprendre cet homme même après l'avoir côtoyé pendant des mois... Oui, tout juste des mois. Isadora lui avait volé quatre ans de sa vie. Quatre années qu'elle aurait pu passer à découvrir le mystère tapis en lui, les peurs qu'il conservait jalousement dans son cœur, son amour tordus en passe de se transformer en autre chose qu'un chaos sans nom, la patience qui l'habitait désormais depuis qu'il avait appris à élever Dario comme il se devait, la dévotion sombre qu'il lui vouait à elle, et toutes ces choses qui avaient fait de lui le père formidable qu'il était. Giana aurait voulu le voir, voir l'âme de cet assassin grandir et ça aurait sans doute été possible si Santiago ne s'était pas glissé dans sa vie au moment où tout, ou presque, paraissait enfin lui sourire. Il était arrivé sans qu'elle ne s'y attende, tel un orage bousillant et abîmant davantage l'abîmé dans son être. Et aujourd'hui, Lissandro avait retrouvé ses vieilles habitudes, son caractère de chien éternellement enragé, assoiffé de sang, de vengeance, à la recherche perpétuelle d'âme aussi putride que la sienne dont il pourrait se repaître.

Se repaître de ténèbres quand tenter de se doper de ses cris comme on se shoote à la cocaïne, ne lui suffisait plus.

Une autre preuve de l'impulsivité monstre qu'il avait du mal à contrôler et contenir.

Santiago...

Giana jeta un coup d'œil discret en direction de la porte interdite comme si on aurait pu la reprocher de la regarder. La punir de songer à ce qu'il se trouvait derrière. Ça aurait pu être le cas en présence de Lissandro. Elle le connaissait assez pour savoir qu'il aurait été capable de lui flanquer une fessée pour avoir pensé à l'homme qui agonisait sous ses pieds. S'imaginer recevoir cette claque dure et mordante sur la peau délicate de son fessier lui déroba des frissons. Elle sut que quelque part, l'interdit attisait ses envies les plus secrètes. Elle retint son souffle, à nouveau submergée par cette excitation grandissante dont elle ne parvenait à se défaire.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant