Gia et Le Soldat

chapitre 41 : à demi-mot dans nos pensées

Confortablement prostrée en position fœtale, à bord du jet privé qui les emmenait tout droit en direction de Londres, Giana ramena le plaid, que le pilote lui avait donné quelques minutes avant le décollage, sur son corps lorsque Le Soldat prit place à ses côtés, sur le canapé jouxtant l'une des parois de l'appareil. Il se laissa aller contre le dossier en cuir blanc du fauteuil, en ne cessant de la fixer, inquisiteur et scrutant le moindre de ses faits et gestes. Il passa au crible toutes les micro expressions de son visage et en vint à la conclusion, qu'elle lui en voulait définitivement.

Elle ne lui avait adressé la parole à aucun moment depuis qu'ils avaient foulé le sol de l'appareil et elle s'était encore moins émerveillée devant tout le luxe qui l'entourait. Plus rien ne semblait lui faire de l'effet, pas même sa coupe de champagne à laquelle elle n'avait accordé aucune importance et pas plus à son minestrone qui avait largement eu le temps de refroidir.

Le regard presque hagard, elle regardait la télévision sans grand enthousiasme, ni intérêt. Même Jim Carey ne parvint pas à lui arracher un petit sourire de rien du tout. Elle s'était comme refermée sur elle-même et Le Soldat détesta ça. Il avait horreur de la savoir aussi distante, insensible, triste et déboussolée. Seul Dario, couché dans son berceau, attirait son attention quand il faisait de petits bruits ou lâchait quelques cris adorables qu'il ne supportait pas.

— Tu vas faire la tête encore longtemps ?

Giana enfoui son nez dans son plaid, comme si elle ne l'avait pas entendu, décidé à ne pas lui adresser la parole.

— Gia ! Parle moi !

Elle haussa les épaules, calfeutré dans un mutisme qui lui donnait mal au crâne au Soldat et l'agaça sérieusement. Il usa de tout son self-control pour ne pas poser les mains sur elle juste pour la faire réagir.

— Gia, je t'ai dit mille fois que j'étais déso...

— Une coupe de champagne Monsieur ?

L'arrivée imminente de l'hôtesse de l'air mit fin à ses tentatives désespérées d'essayer de lui faire cracher un mot ou émettre ne serait-ce qu'un petit son. Pas très content de s'être fait interrompre de cette façon, Le Soldat se ratatina dans son siège en expirant bruyamment. Excédé, il fusilla du regard la femme penchée en face de lui avec l'envie de lui foutre deux bonnes claques pour avoir osé lui couper la parole. Elle lui tendait sa coupe sur un plateau, un sourire aguicheur plus que suggestif plaqué sur ses lèvres badigeonnées de rouge sang.

Il ramena rageusement ses cheveux sur le sommet de son crâne avec la ferme intention de la renvoyer elle et sa coupe de champagne hors de cet espace privé comme quand on chasse un chien, mais ses yeux qui se perdirent dans son décolleté outrageusement plongeant avortèrent ses plans. Si elle avait pu, c'est sa poitrine opulente qu'elle aurait voulu lui servir sur ce plateau.

Ce petit spectacle qui se déroula sous les yeux de Giana ne lui avait pas échappé.

Dès l'instant où la pimbeche brune en talon haut avait mis les pieds dans cette partie de l'avion, Jim Carey en tutu rose en train de faire les fous dans un asile, avait perdu tout désintérêt à ses yeux qu'elle porta immédiatement sur Le Soldat. Le sourire en coin qui fit son apparition sur ses lèvres lui donna des maux de ventre.

Elle fronça les sourcils alors qu'un elle-ne-savait-quoi vint lui titiller le cœur et ce que c'était désagréable, agaçant et affreusement dérangeant. Son malaise empira avec le petit regard lourd de sens qu'ils échangèrent tous les deux.

Giana bifurqua les yeux sur sa paire de sein repérable à des kilomètres à la ronde et se sentit mal. Un goût amer se répandit dans sa bouche et une sensation d'acidité remonta le long de son œsophage quand Le Soldat tendit la main vers la coupe. Elle se mordit l'intérieur de la joue, piquée au vif qu'il réponde à ses avances plus que flagrante alors qu'elle se trouvait juste à ses côtés.