chapitre 68 : le fantôme

678 56 63
                                    

Le cœur en morceaux, Giana s'arracha fébrilement des bras de Bruno, plus à même de faire la différence entre la souffrance et la douleur qui se répandit en elle comme un virus, anesthésiant chacun de ses sens. Focalisée sur les yeux de Bruno qui la scrutait méchamment avec désapprobation, elle eut beaucoup de mal à se reconnecter à son corps qui ne chercha plus qu'à obéir à ses instincts lorsque, l'espace d'une seconde, elle eût l'impression d'avoir en face d'elle Dario, l'air hautain, presque aussi dédaigneux que celui de son père. Cette hallucination dû à la ressemblance frappante entre ces deux hommes lui donna le tournis. Elle voyait Dario à travers Bruno. Tout ce qu'il venait de lui cracher au visage sans vergogne, c'était un peu comme si ça sortait directement de la bouche de Dario. Giana ne pût supporter cette situation plus longtemps.

Le souffle coupé, l'estomac en vrac, elle écouta les murmures incessants de son instinct qui lui chuchotait insidieusement de prendre la fuite. Giana s'écouta. Avant d'avoir le cœur complètement détruit puisque Bruno n'avait pas l'air d'en avoir fini avec elle, elle évita de prolonger la confrontation sans jamais répliquer une seule fois.

Elle choisit de sortir par la porte de derrière qui donnait sur l'arrière-cour de la maison pour ne pas avoir à croiser le petit comité tout spécialement réuni pour elle dans le salon. Ils attendaient impatiemment de voir apparaitre sa tronche pour la couvrir d'éloges à propos de Dario, la prendre dans leur bras pour certains ou peut-être lui coller des gifles pour d'autres. Elle ignorait quel genre d'accueil Francesca, Marcella et Érina lui réserveraient. De plus, elle pouvait entendre les rires des enfants mêlés à celui des jumelles qui devaient être en train de leur courir après dans toute la maison en jouant à chat. Giana se voyait mal se présenter à eux dans cet état déplorable. Elle souffrait beaucoup trop pour faire semblant. Coller un ridicule et faux sourire sur ses lèvres étaient l'effort de trop qu'elle ne fournirait pas aujourd'hui.

Des éclats de voix emprunt de colère fusèrent dès qu'elle eut refermé la porte derrière elle. S'en suivirent des insultes, des cris, des coups, des bruits de verre qui se brisaient sur le carrelage... c'était la guerre à l'intérieur et elle ne voulait pas y retourner.

À bout, elle s'éffondra à même le sol, face contre terre. Giana se couvrit les oreilles et pleura toutes les larmes de son corps. Elle hurla sa douleur à s'en déchirer les cordes vocales jusqu'à ce qu'un frôlement sur son épaule ne vienne la sortir de cet état second qu'elle ne désirait plus quitter. La jeune maman sursauta violemment. Méfiante et en colère, elle se redressa prête à crier de toutes ses forces à ce nouvel arrivant de lui foutre la paix, mais lorsque de grandes billes bleues croisèrent son regard avec force, les mots virulents que sa bouche s'apprêtait à vomir moururent au fond de sa gorge. Elle retrouva un semblant de calme et sécha ses larmes pour ne pas inquiéter ses deux petits garçons.

— Maman, pourquoi tout le monde crie ? s'enquit Dario d'une petite voix triste.

— Papa est très fâché ! compléta Alessandro. Il a tapé nonno Bruno !

L'entendre prononcer le mot papa pour la toute première fois dans de telles circonstances fendilla son cœur. Lissandro attendait ce moment avec tellement d'impatience et quand ça arrivait enfin, il n'était même pas là pour l'entendre de ses deux oreilles.

— Oh mes chéris ! C'est rien ! C'est qu'une dispute. Ça va s'arranger.

Giana prit le soin de sécher ses larmes avant de prendre ses garçons dans les bras. Elle colla un baiser sur chacune de leurs joues rebondies, puis ébouriffa gentiment leur cheveux pour détourner leur attention de la dispute violente qui se déroulait dans la maison, mais ce ne fut pas assez. Dario finit par éclater en sanglot quand il vit sa maman verser des larmes qu'elle ne parvenait pas à réprimer. C'était plus fort qu'elle. Elle était triste et le petit garçon sensible qu'il était n'avait pas le cœur à le supporter, à contrario d'Alessandro qui, malgré le fait qu'il soit triste, gardait un contrôle total sur ses émotions d'enfants. Une force héritée de son père, sans l'ombre d'un doute. Une facette chez son fils qui avait toujours inquiété Giana.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant