14 - La transe symphonique

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      La maladie avait toujours effrayé Électra au plus haut point. En s'y penchant quelques instants, cela n'avait rien de bien extraordinaire, surtout quand les moyens pour se procurer les soins d'un guérisseur vous étaient limités.
Certaines personnes ne supportaient pas le fait d'être enrhumées, d'autres ne craignaient guère la douleur. Électra n'appartenait à aucune de ces écoles ; en réalité, elle détestait tomber malade parce que cela la rendait encore plus dépendante qu'elle ne l'était déjà d'une tiers personne. Plus jeune, elle suppliait toujours Mikhaïl de ne pas se soucier d'elle lorsqu'elle avait de la fièvre et que son frère hésitait à la laisser seule au foyer. Elle se sentait coupable d'être un fardeau et se forçait se lever et sautiller dans tous les sens pour lui prouver que tout allait bien avant que son état n'empire.

Dès lors que la jeune femme se sentit prise de vertiges après leurs aventures chez le professeur Waltz, elle indiqua à Raphaël qu'elle prendrait une journée de repos à l'auberge, lui demandant de s'occuper d'Elis. Il accepta mais elle vit dans son expression que cela le dérangeait.

       Elle n'avait plus du tout la même considération envers lui, d'ailleurs, car le Raphaël qu'elle avait connu à bord de la galère de Lodd était bien étranger au Raphaël avec qui elle cohabitait dans cette chambre étroite. Tout d'abord, il avait changé drastiquement d'apparence et Électra put s'en rendre compte en passant des heures allongée dans son lit, les yeux mi-clos, à le suivre faire les cents pas. Ses cheveux coupés courts et le début de barbe qui lui poussait sur le menton et les joues le rendaient beaucoup plus vieux. De plus, il avait perdu du poids ce qui le rendait moins vigoureux qu'aurapavant. Ainsi, il se fondait facilement dans la masse des citoyens hydraliens lambdas. Mais le plus choquant était sa métamorphose à son encontre ; les manières raffinées, les sourires lumineux et les paroles mielleuses se faisaient de plus en plus rares et semblaient d'un artifice constant.

Quand il était attentionné avec elle, ses yeux reflétaient le sentiment inverse. Quand il tentait de plaisanter, son rire sonnait faux. Quand il lui racontait des anecdotes d'enfance, sa voix n'exprimait rien que l'ennui. Électra ne comprenait pas pourquoi. Elle n'arrivait plus vraiment à réfléchir dans un état pareil, tout compte fait. Elle avait l'impression que sa tête était devenue de la lave. Qu'est-ce qu'il faisait chaud, dans la pièce ! Juste après s'être fait cette remarque, elle sentait des sueurs froides lui couler dans le bas du dos, l'obligeant à remonter la couverture jusqu'à son menton, puis une nouvelle vague de chaleur venait et ainsi de suite...
La jeune femme ne sut ce qui l'avait plongé dans un mal aussi persistant.

Au bout du sixième jour alitée, elle se sentit légèrement mieux et put se redresser sur son lit.
Raphaël était parti, Électra ne se souvenait plus pourquoi. Elle posa prudemment le pied au sol et s'appuya sur ce dernier pour observer si elle avait assez d'énergie pour se lever. La jeune femme en déduit que oui et posa le deuxième pied puis se mit debout. Sa tête lui tournait encore un peu.
Électra avait vu son acolyte rédiger des lettres alors qu'elle se reposait, et cela lui donna envie de donner de ses nouvelles à M. Sybell. Elle se munit alors d'un papier à lettre, excitée à l'idée de confirmer à M. Sybell que ses précieuses cartes allaient bien, sauf que l'encre lui manquait.
La jeune femme se mit alors à la recherche d'un petit flacon d'encre qu'elle avait pensé à emporter avant de quitter le duché Koraz, mais ne se souvenait plus où elle l'avait posé. Elle chercha dans sa sacoche, sur l'étagère puis dans la commode qui séparait son lit de celui de Raphaël.

- Tiens..., murmura t-elle.

Ce qu'elle avait d'abord pris pour le flacon tant désiré n'avait pas la même forme que ce dernier ni ne contenait un liquide de couleur obsidienne. Il était en fait d'un vert étrange et d'une texture légèrement gluante. Électra se saisit du récipient et le mit sous la lumière du carreau, n'arrivant pas à déterminer de quoi il s'agissait. Elle comprit qu'il appartenait sans doute à Raphaël. La jeune femme s'apprêtait à reposer l'objet à l'endroit où elle l'avait trouvé quand la porte s'ouvra et que ledit Raphaël apparut. Il affichait le même sourire forcé qu'il avait habitude d'affichef, mais quand il se rendit compte de qu'elle avait dans les mains, ce sourire disparut et il s'approcha d'elle à grands pas.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant