6 - Des libellules

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Allongé sur une table en bois, Soren gardait les yeux clos, tentant de doucement lever une jambe tandis que le guérisseur du nom de Xenos changeait ses bandages.
Supporter la douleur des remèdes que lui administrait Xenos semblait être un jeu d'enfant pour le prince qui, de toute manière, ne faisait même plus attention à lui. Il se concentrait seulement sur le peu de sensations que ses jambes expérimentaient, comme si on l'avait coupé en deux.

Le guérisseur lui avait plusieurs fois expliqué que le sortilège lancé par le Commandant des Chevaliers Ailés lui valut une paralysie du bas de la colonne vertébrale, entraînant avec elle un dysfonctionnement de mobilité sur tout le bas du corps. En somme, Soren pourrait probablement remarcher un jour, à condition qu'il suive une rééducation intensive et dépourvue d'usage de toute magie noire car les effets de ce sortilège " empoisonné " comme l'appelait Xenos pouvaient ne pas avoir encore été tous révélés.

- Votre blessure commence à cicatriser, lui indiqua t-il d'un ton satisfait. Ressentez-vous quelque douleur si j'appuie ici ?

La main du guérisseur palpait le dos de Soren. Il secoua la tête.

- Bien...Je pense que nous en avons fini pour aujourd'hui. Ne vous forcez pas à essayer de remarcher, mon prince. Cela sera fait en temps et en heure. Pour le moment, il faut simplement que vous preniez du repos et que vous mangiez beaucoup plus. Votre poids m'inquiète. C'est...

Soren n'entendait que la moitié de ce qu'il lui disait. Sa voix était lointaine et ses propos incohérents. Le jeune homme rouvrit les yeux.

- Xenos, souffla t-il en l'interrompant. L'essence des pouvoirs d'un ensorceleur est ce qui anime son coeur et son âme, n'est-ce pas ?

- En effet...C'est pour cette raison qu'il est impossible de priver un ensorceleur de ses pouvoirs sans le tuer. Pourtant, vous êtes encore vivant, ce qui montre bien que vos pouvoirs sont encore actifs.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Le vieux Xenos parut interloqué.

- Je...j'ai l'impression que je meurs, petit à petit, lâcha Soren. Depuis cette bataille, tout me semble moins vivant. La musique, les couleurs, les odeurs...Il n'y pas plus que la peur et la tristesse qui arrivent à m'animer avec vigueur. Ce n'est plus que lorsque je ressens de l'effroi que je me sens vivant, Xenos. Est-ce normal ? Est-ce un effet de ce sortilège ou de quelque chose d'autre ? J'ai le sentiment que ce sont les deux à la fois. Je n'arrive plus à faire la part des choses.

Ce discours troubla le guérisseur. Ce dernier avait reçu les ordres de la reine lui demandant de soigner le corps de Soren, mais que pouvait-il donc bien faire pour panser son âme si tourmentée ? C'était à peine s'il le comprenait. Xenos n'avait jamais eu affaire à un cas pareil puisque tous ceux qu'il avait auparavant traités en étaient décédés une poignée de jours plus tard. Là, le prince tenait encore le fil de la vie mais il craignait qu'il ne le lâche volontairement, un jour ou l'autre.

- Ne vous laissez pas avoir par la Mort, Votre Altesse, dit Xenos d'une voix chevrottante.

- Je ne compte pas mourir...Seulement, j'essaye de comprendre ce à quoi je suis destiné et si ce destin est celui d'un héros ou d'un monstre.

- Un monstre ? répéta Xenos. Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Vous savez bien que c'est le roi Atlas qui est la cause de cette guerre sanglante. Tout était déjà joué d'avance.

Il aida Soren à se rasseoir sur son fauteuil roulant. Le prince répondit d'un ton distrait :

- Avant cet incident, mes pouvoirs étaient extrêmement instables, au point où je n'étais plus maître de moi-même lorsque je les utilisais avec une grande d'intensité. C'était aussi ce qu'avait vécu le premier roi d'Hydralia, il y a deux millénaires...

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant