Le Cygne Noir

21 - Retrouvailles

Soren les avait comptés ; douze arbalètes étaient actuellement braquées dans sa direction. Demeurés cachés dans les branches, le jeune homme n'avait même pas senti leur présence.

- Ne lui faites rien, dit-il en s'agenouillant. Elle n'a rien à voir avec moi. Ce n'est qu'une domestique.

- Une domestique au service d'un prince d'Hydralia est une domestique condamnée. Maintenant, détachez ce ceinturon, et pas de gestes brusques où c'est la petite qui prend.

Soren vit l'homme qui venait de parler s'avancer vers lui. Contrairement à ses congénères, il marchait à tête découverte et son accent osphar était beaucoup moins fort. Mais ce qui attira l'œil de Soren fut ce masque qui cachait la moitié gauche de son visage et cette main d'or au bout de laquelle était accroché un fouet en fer. Son autre main tenait un sabre qui étincelait sous le clair de lune. Toutes ces armes inspiraient une richesse incroyable, sans parler de l'arrogance qu'arborait l'inconnu.

- Vous êtes envoyés par le roi Atlas, devina Soren, comme Clarys d'Asthamos est venue pour assassiner la reine.

- Facile, vous ne trouvez pas ? Il suffit simplement d'interroger quelques mendiants et le tour est joué. Mais ne vous inquiétez pas, ils ne reparleront plus de sitôt. Avec tous ces démons qui traînent aux environs, plus personne ne s'occupe vraiment de leur sort.

- Relâchez-la. Voyez, je suis désarmé.

- Attendez...

Soren fixait la main de l'homme à la dague. Il commençait à la baisser, agrandissant l'espace entre la lame et la gorge d'Astrid qui se mordait la lèvre pour ne plus sangloter. Mes pouvoirs ne seront pas suffisants ni complets..., pensa t-il. Et je ne suis pas assez rapide. Une seconde de retard et elle sera tuée, et moi aussi, peut-être. Ces arbalètes le menaçaient et ne lui laissaient aucun échappatoire. Il fallait gagner du temps.
Heureusement, l'inconnu, qui dirigeait visiblement les assassins, le lui en donnait :

- Vous ne me reconnaissez pas ? lança t-il.

Soren ne répondit pas. L'homme, de son fouet, le frappa brutalement à l'épaule. Le prince serra les dents en sentant la douleur explosive qui lui parcourait le corps. Des jets de sang vinrent tâcher la neige de rouge. L'inconnu eut un drôle de rire.

- Moi, je vous connais, Soren. J'ai vécu avec vous, même, dans cet ignoble palais de Desmarid.

Il arracha son masque d'ivoire pour dévoiler des brûlures terrifiantes.

- Je ne vous reconnais toujours pas, déclara calmement Soren. Je ne sais pas qui vous êtes, monsieur.

- Ah, vous ne savez pas ? Je suis-

- CAPITAINE, ATTENTION !

Lorsque les premières flèches se mirent à émerger des bois, Soren courut les mains tendues devant lui ; une barrière se matérialisa entre l'agresseur et Astrid qui s'extirpa de son emprise, affolée. Le jeune homme se jeta ensuite au sol, hurlant à la jeune fille de s'enfuir, et sous l'effet de ses pouvoirs, la neige s'envola dans les airs pour redevenir solide. Les flèches et carreaux échangés fusaient tandis que Soren projetait ses pics de glace sur l'homme à la main d'or. Il avait vu Rina utiliser ce type d'attaque, à Eshren. Néanmoins, son adversaire était doué ; il brisait chaque pic grâce à son fouet dont la portée était phénoménale.

Derrière lui, un autre combat s'amorçait. Les chasseurs débarquaient, épées en main et poussant des cris de guerre. Les magiciens que comptaient l'ennemi s'opposaient au docteur Lasimov qui faisait surgir des lianes de terre. Akira valsait au milieu des carreaux tirés, agile et vif, et taillait la chair sans plus attendre. Des forces équitables semblaient s'affronter dans cette forêt, humains contre humains.