24 - L'anomalie

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À l'instant-même où les Voleurs-de-Voix firent leur apparition, Soren comprit que Akira ne pouvait plus être sauvé. Il était parti sous ses yeux, impuissant, totalement inutile face à la fatalité. Son sang refroidissait sur ses mains tremblantes, et cela faisait maintenant plusieurs minutes qu'il avait poussé son dernier souffle.
Le prince leva la main pour créer un dôme au-dessus des chasseurs, à la même façon de celui qui protégeait autrefois Desmarid. En voyant cela, le métamorphe haussa un sourcil.

- Je pensais que tuer cet adolescent suffirait à vous abattre, mais je me suis trompé, dit-il. On ne doit jamais sous-estimer un prince, sans doute ? Seulement, vous ne contrôlez pas encore l'entièreté de vos pouvoirs, ce qui veut dire que maintenir cette barrière et vous battre en même temps est impossible.

Celui qu'on appelait Théodor Ara jeta un sortilège à Soren qui tenta de le contrer, en vain. Le jeune homme essayait de garder la main levée en voyant les Voleurs-de-Voix s'approcher des chasseurs, mais une douleur si intense lui perforait la tête qu'il finit par lâcher. La barrière céda.

- Vous êtes faible, déclara Ara. Pourtant, vous avez en vous la force de devenir le plus grand ensorceleur que ce monde ait connu...Un dieu capable de vaincre le fils de l'Équilibre. Mais vous avez fait le choix de demeurer un simple mortel. Même votre don, ce que si peu d'ensorceleurs possèdent, n'est qu'un simulacre. Lire dans les coeurs, quelle idée !

Les hurlements des chasseurs envahissaient la crypte et se confondaient aux cris des corbeaux. Les mâchoires claquaient, le sang coulait, et Soren ne pouvait plus bouger. Il était étendu à côté du corps d'Akira, paralysé, à la merci de Théodor Ara qui finit par poser sa main crochue sur la sienne.

- Qu'est-ce que vous lisez, prince ? lança t-il. Le Mal ?

Soren serrait les dents pour ne pas crier sous la douleur. Il n'avait jamais autant souffert de toute sa vie. C'était comme si ses organes étaient en train de fondre, lentement, à petit feu...Dans cet état second, il se demandait si l'absence de vision qu'il avait en touchant la main du métamorphe était réelle ou non.

- Non, vous ne sentez rien dans mon coeur, confirma Ara. Je n'en ai plus depuis longtemps. Comme vous, j'étais un ensorceleur-né, mais ma famille avait toujours haï ceux qui manipulent la magie noire. Ils disaient qu'ils étaient des parasites pour le royaume...Vous comprenez ? Des parasites dans un pays d'ensorceleurs. Cela n'avait aucun sens. Pour cette raison, je voulais comprendre les origines de cette magie et vénérer celui que les légendes nommaient le Démon muet, alors-

- Vous parlez trop.

En poussant un cri de rage, Soren se saisit de son poignard et le planta dans la main de Théodor Ara. Un jet de sang jaillit et le métamorphe, déstabilisé, rompit le sortilège. Le prince se releva et courut dans la direction des chasseurs qui se battaient farouchement contre les terribles Voleurs-de-Voix. Ceux-ci, ayant vécu dans l'obscurité totale depuis plusieurs années, étaient moins grands mais plus féroces que ceux de la Forêt blanche. Ils balançaient leurs interminables doigts dans tous les sens, cherchant une gorge à étrangler ou un bras à arracher. Soren aperçut les corps de trois chasseurs gisant à ses pieds, tout souriants.

Le jeune homme sortit son épée de son fourreau et se jeta sur le premier démon qu'il vit. Sa lame taillait l'air et la chair meurtrie du Voleur-de-Voix qui le fixait de ses yeux noirs si expressifs. La dernière fois, Soren avait utilisé ses talents d'illusionniste pour vaincre un démon de cette sorte, mais il ne contrôlait plus ses émotions et savait que cela se répercuterait sur ses pouvoirs. Tout en se battant, il tenta de reformer une barrière mais son adversaire ne lui laissait aucun répit : il frappait partout, sans arrêt, et Soren savait que s'il se laissait surprendre, il se ferait instantanément tué.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant