25 - La mal-aimée

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- En ligne ! Le cours va bientôt commencer.

Électra et les autres novices s'exécutèrent maladroitement, un peu désorientés. Seul le jeune Akira semblait s'y plaire, bombant le torse comme un petit coq prêt à conquérir la basse-cour.
L'homme qui venait de leur donner cet ordre se prénommait maître Rei et était l'un des fameux maîtres d'armes de la Cour d'Hydralia. Avec son physique costaud, son crâne brillant comme du bronze poli et sa mâchoire carrée, il n'avait pas l'air de plaisanter. Ses manières nerveuses sautèrent aux yeux de la jeune femme qui évita de croiser son regard perçant, alors qu'il examinait chacun de ses élèves avec une expression menaçante.

Puis, s'arrêtant devant Akira, il lui lança d'un ton agressif :

- Toi, tu es bien le fils de l'archiduc d'Halvar ?

- Oui, maître ! Je m'appelle Akira.

- Qu'est-ce qu'un môme roulant sur les pièces d'or comme toi fait ici ? Ton père ne t'as pas payé un maître d'armes personnel ?

- Non, maître ! J'ai décidé moi-même de suivre vos enseignements car je pense devoir bénéficier du même traitement que les autres gens de la Cour.

Pour un adolescent, il s'exprimait avec une assurance étonnante qui surprit même M. Rei. Ce dernier eut tout de même un rire sans joie et fit un pas brusque vers Akira qui flancha par mégarde. Cela constitua tout de même une victoire pour le maître d'armes qui lui assura que les vrais hommes ne réagiraient pas de cette façon. Akira ne répondit rien, discipliné comme il l'était.
Le cour commença après. Chaque novice prit possession d'une longue épée de bois ressemblant plus ou moins à un manche à balais. Face à cela, certains d'entre eux poussèrent des cris d'indignation, réclamant les lames de fer car, toujours d'après eux, elles les feraient progresser bien plus rapidement. M. Rei fut catégorique : une protestation de plus et ils finiraient renvoyés du palais à leurs propres frais pour non-respect de l'ordre.

Électra tentait du mieux qu'elle le pouvait de ne pas se faire remarquer, et cela avait bien commencé puisque le maître d'armes ne s'était pas intéressé à elle, lors de la revue. Cependant, elle voyait très bien qu'elle était la moins à l'aise avec ce bout de bois qui lui servait d'épée. Les instructions militaires de M. Rei ne semblaient pas pénétrer dans sa cervelle. Lorsque le groupe se plaça de nouveau en ligne, elle fit exprès de se mettre à l'extrémité, espérant se faire oublier.
Durant plus d'une heure, le maître d'armes s'acharna à leur faire apprendre les postures de base de l'escrime, se pratiquant en Hydralia avec une préférence pour l'estoc. En effet, comme Électra pouvait s'en apercevoir sur sa piètre réplique, l'épée ne possédait pas de tranchants ; ainsi, le maniement de celle-ci se faisait exclusivement avec la pointe, nécessitant souplesse et précision.

Il fallait bien avouer que la souplesse n'était pas vraiment le fort de la jeune femme qui peinait à toucher ses pieds en demeurant debout. Elle se demandait bien comment elle arriverait à maitriser ce bout de bois si dérisoire.
Alors que M. Rei passait sa troupe en revue, cherchant de son oeil d'aigle les mauvais placements de pieds et mauvaises tenues d'épées, Électra ressentit soudainement une douleur derrière le genou gauche : l'homme qui se tenait à côté d'elle venait de lui asséner un violent coup du plat de l'épée. Déséquilibrée, elle tomba lourdement à genoux, et avant même que la jeune femme ne put se relever, M. Rei accourut et lui attrapa le menton de sa grosse main.

- Qu'est-ce que j'ai dit, tout à l'heure ?! lui cria t-il au visage. Pas de femmelettes ici si c'est pour qu'elles ne s'entraînent pas comme tout le monde !

- J'ai été frappée par monsieur, à ma gauche, répondit-elle le plus calmement possible.

- Ah, toujours des excuses avec les noblardes...C'est bien vous la marquise de Saul, hein ?

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant