16 - L'écroulement

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Les trois jours suivants, le groupe de chasseurs de eurent l'occasion de mettre leurs compétences à profit.
Pour cause, s'ils ne croisèrent le chemin d'aucun Voleur-de-Voix, les créatures de l'ombre n'avaient jamais autant peuplé les campagnes. L'écureuil et le rossignol se confondait avec le loup géant et les hybrides, comme si la Nature défaillante commençait à s'adapter à l'avancée du Mal. C'était instinctif pour Elle, tandis que les Hommes ne faisaient que reculer, traînant derrière eux les dépouilles de leurs enfants.
Dans une urgence pareille, Soren ne pouvait plus se cacher derrière ses pouvoirs d'illusionniste et frappait de sa lame chaque démon à sa portée.

Les monstres, comme en ont si peur les petits, surgissaient la nuit et se fondaient en elle. Cette menace constante qui pesait sur leurs têtes finissait par empiéter sur leur sommeil ; leurs nerfs étaient à vif et leurs corps épuisés, poussés à leur limite.
Heureusement, le monde connu approchait. Électra, qui s'était tant isolée ces dernières années, n'arrivait pas à croire qu'elle revenait sur ses pas, vaincue mais prête à prendre sa revanche.

Au bout d'une semaine, les murailles sombres de Desmarid, capitale du royaume d'Hydralia, apparurent derrière la forêt touffue. Ici, le ciel gardait cette teinte mauve et on sentait le sel marin dans la brise. Les chasseurs, qui n'avaient encore jamais aperçu la cité, pensèrent rêver. Ils ne comprenaient pas comment une ville pouvait être aussi gigantesque. Oubliés les démons empalés et les pleurs ; devant eux se dressait peut-être un futur nouveau, un futur qu'ils construiraient aux côtés de leur dame et de ses ambitions.

- Comment est-ce possible...? souffla le capitaine Harris. Ces murailles n'ont pas de fin, on dirait.

- Elles en ont, pourtant, dit Soren. Et elles sont très fragiles.

Malgré le masque de marbre qu'arborait le prince, sa voix trahissait son émotion. Soren rentrait chez lui, en fin de compte. Entre ces murs qui l'avaient vu naître et grandir, cette ville dont il avait tant rêvé revoir sur les champs de bataille. Seulement, il ne revenait pas avec son armée en triomphant chef de guerre, mais comme un dauphin déchu à l'âme fissurée, prêt après tout à se relever.

Au pied des murailles, devant une immense porte barricadée, des soldats vinrent à leur rencontre.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? lança l'un d'entre eux. Vous êtes des réfugiés ?

- Des réfugiés ? répéta Électra. Vous voulez dire, ceux des villes alentours ?

- Ceux de tout le royaume ! Ils arrivent par milliers chaque jour. Ils fuient les démons et n'ont plus rien à cause de la guerre...Ce n'est qu'une question de temps avant que la famine pointe, je vous le dis.

Les soldats finirent par les laisser entrer après un quart d'heure de négociations. Pour cause, avec leurs armes et leurs allures dévergondées, ils avaient tout l'air de brigands venus piller la capitale. Le docteur Lasimov usa de son tact pour les convaincre, et ils débouchèrent immédiatement sur le grand district marchand.

Ce qui frappa d'abord Électra fut le silence. Alors que Desmarid avait pour habitude de grouiller de monde et de bruits, il flottait désormais un calme dans les rues. Ce n'était pas normal, ce n'était pas rassurant...
Le district marchand, qui approvisionnait la ville sur ses étalages et dans ses échoppes garnies, n'existait plus. À la place, on ne voyait plus que des volets fermés et des mendiants qui, appuyés sur leur cane ou tenant un bébé au bras, les imploraient de leur donner une pièce. On en comptait par centaines sur cette seule avenue, vêtus de haillons, la peau et la chair marquées par la misère.

- Tous ces gens..., souffla Akira. Ils...

- La gangrène, répondit Lasimov. Et d'autres maladies aussi. Les hospices doivent être débordés en ce moment, et tout le monde ne pourra pas être soigné, surtout s'ils n'ont pas d'argent. C'est malheureux.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant