À travers les bois denses du Nord résonnaient le pas des chevaux et le murmure gelé du vent. La plupart des élèves de l'Académie n'avaient encore jamais été si loin dans le pays, eux qui ne connaissaient que le confort de leurs dortoirs et la chaleur du feu de cheminée. C'était presque un autre monde qu'ils découvraient ici, sombre et désolé.
Wynn avait la tête ailleurs depuis leur départ de Desmarid. Il n'arrivait pas à dire adieu à sa vie d'étudiant, à ses habitudes si précieuses et à toutes ces choses qui avaient forgé son quotidien depuis son enfance. Le jeune homme se rendait compte que l'Académie ne les avait jamais préparé au sacrifice, ni ne leur avait enseigné les rudiments de la vie d'ensorceleur en temps de guerre. Il serra les poings autour de ses rênes, frustré.
- Dépêche-toi Damerei ! cria Élisane. Les autres ont déjà trop d'avance sur nous !
- J'arrive, j'arrive !
Wynn se retourna et vit Élisane au trot, attendant que leur camarade ne les rattrape. Ils étaient les derniers du groupe.
- On ne devrait même pas l'attendre..., pesta Wynn. Il nous ralentit. À ce rythme, on n'atteindra jamais l'Arsenal.
- Peut-être, mais on ne peut pas l'abandonner non plus. Le docteur Lasimov nous a dit de veiller les uns sur les autres si l'on veut survivre. En plus on voit très bien les montagnes, d'ici.
Élisane leva le bras et prononca une formule en langue ancienne. Immédiatement, le vent se mit à souffler plus fort et vint donner de l'élan à la pauvre monture de Damerei qui finit par les rejoindre.
- Merci..., dit-il.
- Suis-nous de près, conseilla Élisane. Nous avons du retard. Il faut qu'on accélère, maintenant.
Elle se remit au galop, suivie des deux jeunes hommes.
Wynn ne pouvait s'empêcher d'être admiratif de son amie. Avec ses cheveux clairs et son visage rond, elle ressemblait beaucoup à l'une de ces poupées qu'on donne aux bébés encore incapables de s'amuser avec des jouets de bois. Mais contrairement à elles, Élisane semblait toujours maussade et faisait surtout preuve d'une gentillesse sans égale.
Il détestait le fait que cette gentillesse soit gâchée pour quelqu'un comme Damerei, qui vivait littéralement de celle de tout le monde. Dès lors, cette gentillesse ne se révélait n'être que de la pitié. Wynn voulait secouer le bossu par les épaules et lui dire : Regarde, ils ont pitié de toi ! Ils ne te prennent que pour un infirme qui a besoin d'être protégé. Réveille-toi !
- Vous trois, qu'est-ce que vous faisiez ?! s'écria Lasimov lorsqu'ils rejoignirent le groupe. J'ai presque cru que vous aviez disparu.
- C'est de ma faute, répondit Damerei. Je ne suis pas très doué à cheval. Je suis désolé.
- Bon, soyez prudents. Les démons ont disparu dans le royaume mais ce n'est que parce qu'ils préparent leur ultime offensive, et elle peut éclater à tout moment. Si ce n'est pas aujourd'hui, ça sera demain.
Les académiciens avaient atteint une zone marécageuse bordée par une nouvelle forêt, cette fois-ci beaucoup plus étendue que les autres. L'Arsenal s'élevait au-dessus d'elle, effleurant le ciel nuageux de ses sommets.
- C'est la Forêt blanche, docteur ? demanda une jeune fille.
- Exact. Habituellement, vous ne pouvez pas faire un pas sans rencontrer un démon, ici. Restez vigilants, et utilisez la magie noire avec précaution.
En explorant la forêt, rien ne semblait pouvoir troubler la sérénité qui gouvernait les lieux. Pas même des croassements de crapauds ou les battements d'ailes d'une chouette ne venaient perturber le silence qui devenait pesant.
Après plusieurs jours de voyage, Wynn se demandait ce qui les attendait par-delà les montagnes. Il espérait au moins qu'il y fasse moins humide que dans ces bois et qu'il y ait plus d'action. Tout ceci le rendait mal à l'aise.
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Le Cygne Noir
Fantasy《 Il existe, sur terre ancienne appelée le Continent, deux royaumes ennemis s'affrontant depuis des millénaires. Électra est une habitante de l'insignifiant royaume de Cyrianie. Rejetée par son village, elle décide de tout quitter lorsqu'elle appre...
