Dans la cour inférieure du Palais royal, les trompettes donnaient de la voix tandis que le pont-levis se levait sous les yeux ébahis d'Électra Saul. En tête d'un drôle de cortège composé d'hommes vêtus tels des brigands, une femme guidait son cheval noir d'une main distraite. Elle balayait les courtisans du regard comme si elle faisait face à de vieilles connaissances, un étrange sourire lui courbant les lèvres.
Électra avait descendu les escaliers quatre à quatre en apercevant sa silhouette au loin, depuis les remparts. Au début, ça n'avait été qu'un doute, une espèce de pressentiment, mais plus elle se rapprochait d'elle, plus son visage, même obscurci par la nuit, lui était familier. Dorothea, l'appelait-on. Simplement Dorothea.Électra n'était plus qu'à quelques pas d'elle, contenue par une rangée de gardes royaux faisant traverser la cour à la nouvelle arrivante et à ses protégés. De là, elle pouvait clairement voir ses traits de quarantenaire, sa peau hâlée, sa cape sombre et tachée, son visage couvert de cicatrices. Cette femme, Dorothea, était la même qu'elle avait vue au duché des Koraz, il y a bien longtemps. Elle avait tué un groupe d'hommes en un rien de temps, et ce avec une certaine moquerie.
La jeune femme n'en croyait pas ses yeux ni ses oreilles car la coïncidence lui semblait inespérée, mais en observant les réactions autour d'elle, elle se rendit compte qu'elle n'était pas la seule à porter un jugement sévère envers cette Dorothea dont la venue à la Cour inspirait la crainte.Électra n'était plus la cible des chuchotements des dames et des comtes ; Dorothea avait pris sa place. On lui lançait des regards foudroyants, menaçants et emplis de haine. Sa mauvaise réputation ne pouvait en rien être comparée à cela, cette aversion palpable et presque dangereuse.
- Mon père la connaissait.
Électra remarqua que Neptune de Kasava était apparue à ses côtés, bras croisés.
- Pour quelle raison ? questionna la première. Vous aviez dit que M. votre père n'avait jamais mis les pieds dans la citadelle.
- C'est vrai, mais il fut un temps où Dorothea était une femme grandement appréciée par M. l'archiduc d'Halvar, et mon père travaillant à son service, il eut l'occasion de la rencontrer. Je suppose que vous ne la connaissez pas ?
Électra choisit de ne pas évoquer sa rencontre fortuite avec elle et secoua la tête en guise de non. Neptune sourit tristement.
- Cela ne fait rien. Dorothea était auparavant une des maîtres d'armes de la Cour. Extrêmement douée et estimée par Sa Majesté Adorjan Elle-même. Presque personne en Hydralia ne pouvait rivaliser avec son talent à l'escrime, ce qui lui bâtit une réputation formidable dans tout le pays.
- D'où tient-elle ce talent ? Peu de femmes sont autorisées à suivre un entraînement poussé à l'épée.
- Vous avez raison, mais Dorothea était une autodidacte. Une prodige.
L'intéressée venait de disparaître dans le donjon d'entrée. Les portes se refermèrent derrière elle dans un claquement sourd. La plupart de ses hommes étaient demeurés à l'extérieur, ne descendant pas de leurs montures.
- Tout semblait se passer pour le mieux pour elle jusqu'au jour où le roi la bannit du pays pour une raison qu'on ignore encore, de nos jours...La Couronne dit qu'elle a tenté d'assassiner un de ses ennemis lors d'un voyage hors du pays, ce qu'elle a également reconnu, mais les zones d'ombre qui entourent cette affaire sont nombreuses, et on sait très bien qu'avec Leurs Majestés, le mystère n'est jamais exclu...Quoi qu'il en soit, le fait qu'elle revienne finalement à Desmarid après tant d'années est assez déroutant ! On peut supposer que c'est le prince Soren qui l'a rappelé, elle et sa guilde, pour un soutien logistique contre les attaques de démons. Cette femme est une spécialiste reconnue de la traque démoniaque.
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Le Cygne Noir
Fantasy《 Il existe, sur terre ancienne appelé le Continent, deux royaumes ennemis s'affrontant depuis des millénaires. Électra est une habitante de l'insignifiant royaume de Cyrianie. Rejetée par son village, elle décide de tout quitter lorsqu'elle appren...