29 - Baiser de vie

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Les armées du fils de l'Équilibre progressaient chaque jour vers le royaume. Des centaines de milliers de soldats aux emblèmes d'or et d'argent, coiffés de plumes et brandissant fièrement les étendards du dragon osphar. Ils marchaient à la cadence musicale des chansons du Sud, joyeuses et victorieuses, prêtes à venger leurs morts et apporter l'harmonie au Continent. Ils étaient les réalisateurs de la prophétie, tous et chacun d'entre eux. Contrairement aux hydraliens, ils ne se battaient pas pour survivre mais avaient un but supérieur qui les motivait. Là tenait la plus grande différence.

En apprenant que les colonnes osphares approchaient, le roi Adorjan rassembla les restes de son ban décimé. Deux tiers de l'armée hydralienne avaient été tués, et de grandes maisons comme les d'Halvar n'avaient toujours pas répondu à l'appel du roi. C'était une trahison, mais Adorjan n'était pas étonné. Son royaume s'effondrait sous ses yeux depuis plusieurs années et il était resté passif ; voilà le revers de la médaille.

Le seul soutien de taille qui lui restait fidèle était bien entendu la famille du Desmond. Adorjan étant trop âgé pour combattre sur les champs de bataille, il avait délégué son rôle de général à son neveu Oswald, tandis que son père, l'amiral, protégeait les mers. Ce dernier n'avait pas eu l'occasion d'attaquer Eshren ce qui faisait que sa flotte était parfaitement intacte. D'immenses bâtiments de guerre mouillaient au port de la capitale, aussi imposants que des forteresses flottantes.

En les comparant aux navires royaux du roi Atlas, Raphaël trouva ces bateaux bien sinistres avec leurs voiles noires et leurs coques recouvertes de plaques d'acier. Ils ressemblaient à des monstres destructeurs, construits pour mettre l'océan à feu et à sang.
Faute de pouvoir quitter des yeux les navires, Raphaël donna malencontreusement un coup d'épaule à un marin passant par là.

- Hé, regardez où vous allez ! s'écria le matelot.

Il vit que lorsque son regard se posa sur lui et remarqua son masque de cuir sur sa moitié de visage, le marin recula puis s'éloigna rapidement. Peut-être était-ce inhabituel, par ici. Raphaël ne connaissait pas grand-chose de la vie de matelot, et peut-être était-ce la raison pour laquelle le docteur Lasimov l'avait envoyé sur un navire en tant que soldat.

Dans sa main valide, il tenait la fausse lettre de recommandation rédigée par le docteur qui le missionnait sur un navire nommé le Prince Ingvar. De ses souvenirs, Ingvar était le premier fils d'Adorjan et Kalypso, mort alors qu'il n'était qu'un enfant. Raphaël inspectait chaque bateau à la recherche du bon. Le port était tellement bondé de soldats et de marins que cela devenait infernal.
Il décida finalement de demander de l'aide à un homme qui observait la foule depuis la passerelle de sa galère.

- Le Prince Ingvar ? répéta t-il d'une voix rocailleuse. Ouais, ça me dit quelque chose. Deux secondes...Je réfléchis.

En le détaillant, Raphaël creusa dans sa mémoire. C'est drôle, il me rappelle quelqu'un..., pensa t-il.

- Vous êtes soldat, c'est ça ? demanda le vieux marin.

- Ça se voit tant que cela ?

- Je sais pas, mais vous avez l'air pas mal amoché et cette lame que vous avez me paraît bien belle.

Le marin sourit.

- Je me souviens maintenant ! Le Prince Ingvar est le bâtiment en face du cinquième ponton, là-bas. Vous ne pouvez pas me rater. Il mouille juste à côté du navire de l'amiral.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant