11 - Le dernier verrou

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Un mois avait passé, et la vie suivait son cours dans le château de La Volière.
Soren, grâce aux soins prodigués par Xenos et un rétablissement rapide attribué aux ensorceleurs-nés, avait fini par pouvoir remarcher. Le guérisseur lui-même était stupéfié de cette prouesse qui, en soi, relevait surtout de la force mentale du jeune homme. Cela lui prouvait qu'il ne comptait pas abandonner, après tout.

Soren marchait, doucement et toujours avec une cane, mais cela lui suffisait. Xenos lui expliqua que le sort lancé par le commandant de Coral, s'il avait été puissant contre sa magie noire, n'avait pas complètement bloqué ses capacités motrices. Soren ne sut s'il devait en être rassuré ou non...
Le reste du temps, il le passait en compagnie du docteur Lasimov qui le mettait à rude épreuve. Chaque jour, il redoublait de détermination en se concentrant sur ses pouvoirs d'illusionniste.

- L'illusion n'est pas un domaine à sous-estimer, lui disait Lasimov. Les illusionnistes n'ont rien à envier aux télékinésistes, aux élémentaires ou aux nécromanciens.

- La nécromancie est formellement interdite dans le royaume, lui rappela Soren.

Lasimov haussa les épaules.

- Ça se voit que vous n'étiez pas beaucoup sorti de votre citadelle...Dans des cités du Nord, je connais autant de taverniers que de maîtres en nécromancie.

- La mort ne devrait pas être contournée ainsi ! répliqua Soren avec sérieux. C'est...immoral.

- Ah, vous croyez encore à la linéarité des événements, n'est-ce pas ? Je vais vous dire ce qui est vraiment immoral, à mes yeux : se laisser mourir sans résister. Autoriser des vers à vous grignoter les entrailles sans même avoir tenté par tous les moyens de survivre !

Soren, qui s'appliquait à réarranger la forme du labyrinthe, s'arrêta net.

- C'est pareil pour vous..., ajouta son mentor. J'ai entendu dire que face à l'armée du roi Atlas, vous étiez souvent resté passif, même lorsque la mort venait. Si vous croyiez vraiment en la linéarite des événements, vous ne seriez pas vivant en ce moment, mais vous l'êtes. Vous avez contourné la mort sans même avoir eu recours à la nécromancie.

- Il s'agit de chance, dans ce cas-là. Ou de malchance.

- Qui sait ? Les âmes ne parlent pas de ce dont elles ont manqué mais de ce qu'elles sont destinées à accomplir. Alors je pense que si vous êtes vivant, c'est qu'il existe une raison.

Soren ne répondit pas. Aussitôt, il se remit à manipuler la réalité de par sa pensée et bientôt, les murs du labyrinthe se refermaient devant lui. Tout était faux et tout était insensible, mais la perception de l'Homme voulait qu'il croit en cette illusion. Là résidait la force de ce pouvoir. Un illusionniste ne pouvait soulever des rochers, faire souffler la tempête ou réveiller des cadavres mais était en capacité de le faire croire aux autres.
Dans sa recherche de vérité, Soren devra pour le moment se reposer sur ces pouvoirs-là. Il pratiquait toujours l'épée et se réhabituait à monter à cheval. Lasimov le surveillait de près, affichant constamment une mine sévère.

Au fond, l'ancien professeur essayait de comprendre comment Soren pourrait réussir à retrouver ses pouvoirs. Les mécanismes du coeur du jeune homme étaient complexes, presque trop, même pour un spécialiste tel que lui. Il ne lui en parlait pas, mais la véritable raison pour laquelle Griffith Lasimov le détestait à l'Académie est parce qu'il pensait que Soren était maléfique. Son âme ne présentait rien de possiblement bon, même à un âge si jeune. Il n'était que traumatisme et culpabilité.
Désormais, à l'âge adulte, Soren n'avait toujours pas vaincu ses vieux démons et était sans doute poursuivi par de nouveaux, mais Lasimov arrivait à déceler quelque chose d'autre en lui. Derrière les verrous de son âme et son apparente faiblesse, il existait une profondeur chez le prince. Un désir plus grand, peut-être.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant