17 - La salle des Damnés

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- La reine veut vous faire rencontrer quelqu'un ? répéta le prince en prenant une pause. Vous en êtes sûre ?

- C'est ce qu'elle a dit...Je ne sais pas quoi en penser.

Électra et Soren s'entraînaient à l'épée dans la cour du Général. La veille, ils étaient retournés pour la première fois depuis longtemps au Palais royal et déjà, ils reprenaient de leurs bonnes habitudes. Chacun comparait son style de combat à l'autre. Électra, personnellement initiée par Dorothea, avait adopté une approche rapide et précise de l'escrime tandis que Soren, qui se remettait encore de sa paralysie, remettait en pratique les conseils d'Oswald. Il maniait son épée en faisant de grands moulinets, moins vif que la marquise mais plus puissant.

- Il ne reste presque plus personne à la Cour, déclara Soren. Je ne vois pas vraiment de qui elle veut bien parler. Mais pour qu'elle veuille s'en charger elle-même, ça doit être quelqu'un de très important.

Électra n'arrivait plus à se concentrer. Elle lâcha son épée, le front couvert de sueur, et vint s'asseoir à côté du prince.

- Clarys d'Asthamos...C'est elle qui a tendu une embuscade à la reine.

Soren acquiesça, les poings serrés.

- C'est une violation de la trêve signée après l'arrêt des combats, fit-il. Une tentative d'assassinat ! cela n'était jamais arrivé entre nos royaumes. Et si facilement, surtout...

- Au fait, comment est-il, ce fils de l'Équilibre ? questionna Électra.

- C'est un homme étrange. Même en ayant discuté avec lui, je n'arrive toujours pas à le cerner. Il ne possède pas la même haine qu'ont les osphars envers nous. J'ai eu le sentiment que sa haine était mêlée à une sorte de fascination.

- Une fascination ? répéta t-elle. Quel genre de fascination ?

La jeune femme ne s'était pas attendue à une telle réponse. Elle qui avait entendu toute son enfance les récits des exploits du grand roi Atlas d'Osphariel, elle aurait pensé qu'il n'agissait que par devoir. Bien sûr, elle ne croyait plus en ces histoires, mais il persistait au fond d'elle une certaine image du roi.

- Je ne sais pas trop..., admit Soren. Face à moi, il s'était comporté de manière si dérangeante qu'on aurait dit qu'il ne se reconnaissait même pas lui-même. Un fils de l'Équilibre aussi instable ne pouvait que conduire à ce type d'événement. Toutes les actions de Clarys d'Asthamos sont commanditées par le roi Atlas en personne.

- Il est clair qu'il veut vous voir mort, vous et votre famille, déclara Électra. L'assassinat a échoué mais un tel acte est une nouvelle déclaration de guerre. Maintenant, allez-vous encore rentrer dans son jeu ?

Et devrais-je le suivre s'il le fait ? se demanda t-elle.

- Il s'agit de ma mère mais surtout de la régente. Même raté, ce complot plonge encore plus le royaume dans le danger...Le problème est que ce jeu auquel joue Atlas est, selon lui, régi par les règles divines de la déesse. Il gagne la partie si je suis tué. Dès lors, du moment je demeure en vie, il n'arrêtera pas de jouer. C'est un cycle infini.

- Alors vous repartirez en guerre ? Une nouvelle fois ?

- Mon honneur en tant que prince le veut, répondit-il. Mais je ne suis pas encore fou : je n'ai ni pouvoirs, ni armée, ni argent. On ne mène pas une guerre équipé de son seul sens de l'honneur, je crois.

Électra sourit, mais ce sourire s'effaça instantanément quand elle repensa aux milliers de gens qui dormaient dans le froid, derrière les enceintes de la citadelle.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant