37 - Les larmes de l'archidiacre

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Le Temple se situait sur la plus haute colline de la capitale qu'on appelait le mont d'Iyr.
Cette bâtisse de marbre blanc impressionna encore plus Soren que la forteresse royale de par sa taille et son architecture. Chacune des quatre façades du Temple avait été sculptée de colonnes presque aussi grandes et larges que la Tour administrative de Desmarid. Tout y était démesuré. Soren se sentait aussi insignifiant qu'un insecte, ici.

- Serait-ce l'œuvre des dieux...? souffla l'archiduc d'Halvar. Comment l'Homme a-t-il donc pu bâtir ce temple ?

- Ce n'est pas l'Homme, monsieur, mais la déesse qui en est à l'origine, répondit Esmo en souriant.

Puis il s'adressa au prince :

- Bienvenue au Temple, Votre Altesse. Cet endroit sacré a été bâti en même temps que Eshren elle-même et est dédié à une multitude de corps de métiers comprenant bien entendu les prêtres de l'Équilibre et d'autres divinités de lumière mais aussi les alchimistes et les magiciens.

- Tout ce monde réuni ici ?

- Oui, Votre Altesse. Dans ce sanctuaire, tous jurent fidélité au roi et au progrès serein d'Osphariel dans la perfection, ou du moins, celle qu'ils définissent ainsi. La religion, la magie et les sciences se côtoient en harmonie et il n'est pas rare, dit-on, de les voir collaborer au service de la Couronne. Cela est même le principe-même du Temple. D'aussi loin que je me souvienne, je suis venu ici au moins quinze fois et jamais je ne m'étais senti aussi apaisé sur le Continent qu'au milieu de ces gens...

Ils finirent par entrer dans le bâtiment et furent engloutis dans une fourmilière surractive où on jouait des coudes pour se frayer un chemin dans l'optique d'accéder à l'une des ailes spécialisées du Temple. C'était un bien drôle de ballet à observer jusqu'à ce que les regards se tournent vers ce groupe d'inconnus habillé de ces tons sombres si étrangers au habitants du pays.
Leur visite n'était pas prévue mais tous comprirent de qui il s'agissait dès l'instant où ils sentirent la magie noire sous leur nez. Un mouvement de panique fut déclenché. Des prêtres crièrent au scandale, au blasphème, et des magiciens se tenaient les mains en commençant à prononcer des formules de bouclier anti-sorcellerie tandis que d'autres relativisaient comme ils le pouvaient en se rappelant que c'était l'Arkaniel qui les avait accueillis dans cette ville.

Une nouvelle fois, le prince ne se sentait plus tellement différent d'une bête de foire. On le regardait avec tant d'insistance, de peur et de haine que cela en devenait insupportable. Ces yeux lançant des éclairs lui rappelaient ceux de son père, le roi Adorjan, quand il se plaisait à laisser sa rage se déchaîner sur son jeune fils. C'étaient les mêmes. Les images se confondaient. Soren recula et se cogna malencontreusement au comte de Carlisle qui lâcha un petit cri puis fondit en excuses.

Le jeune homme tenta de se reprendre en disant :

- Pour tout avouer, j'aurais aimé qu'il existe un lieu similaire chez moi, à Desmarid. Un lieu où tout le monde pourrait cohabiter sans doute ni crainte de l'autre...Des ensorceleurs, des médecins, des profanes, voire même des démons. Une sorte d'utopie comme on en entend souvent parler dans ce royaume. Je trouve cela fascinant.

Esmo sursauta à l'entente d'un certain mot.

- Des démons ? répéta t-il, abasourdi. Votre Altesse, s'il venait à ce que l'un de ces prêtres vous entende...

- Ne le prenez pas au pied de la lettre, Esmo ; je ne faisais que plaisanter.

Le prince haussa les épaules mais rien dans sa physionomie de trahissait une quelconque forme de nonchalance. Au contraire, Soren était tendu. Il se sentait toujours aussi nauséeux.
Au même moment, le diplomate le prit à part et l'entraîna avec sa garde rapprochée dans un jardin proche de l'aile spirituelle du Temple. La foule s'éloigna, laissant place à une sérénité digne d'un petit paradis perdu.
Soren remarqua que ce jardin ressemblait beaucoup à ceux qu'on pouvait trouver au Palais royal. Voilà un point commun, au moins, pensa t-il.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant