26 - Derniers de la classe

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Raphaël avait fini par s'habituer à sa cellule.
L'obscurité, l'odeur immonde, l'humidité...Rien n'avait changé en quatre ans. Les cachots royaux l'accueillaient de nouveau dans leurs bras terribles, et il pouvait être certain qu'il n'en sortirait que pour monter sur l'échafaud.

De l'autre côté des barreaux de fer se trouvait le prêtre de l'Équilibre qui les avait accompagné, lui et les autres assassins de Sa Majesté. Pour l'empêcher d'utiliser sa magie, les gardes lui avaient confectionné une espèce de muselière qui lui scellait les lèvres. Le prêtre semblait avoir accepté son sort et dormait la plupart du temps, sans vraiment prêter attention à ce que Raphaël faisait. Il ne priait même plus la déesse, visiblement. Hypocrite, jugea t-il. Tu parles d'un prêtre...

Le jeune homme se demandait bien ce que les gardes avaient fait de sa main d'ivoire. Ils le lui avaient arraché en entrant dans la citadelle, en même temps que sa bourse remplie du zafos auquel il était dépendant. C'était tellement humiliant que Raphaël avait dû se mordre la lèvre pour ne pas pleurer comme un petit garçon. Ils eurent seulement la grâce de lui laisser son masque, cette façade qui camouflait la moitié brûlée de son visage. Même les meilleurs guérisseurs d'Osphariel n'avaient pas réussi à faire disparaître ses cicatrices. Le feu avait emporté une partie de lui, ou plutôt ce qui restait encore de lui. Raphaël ne comprenait pas pourquoi il était encore vivant, ni pourquoi la vie avait été si cruelle.
Il ne comprenait pas.

- Hé, prêtre, appela t-il. Est-ce que les collines d'Émeraude existent vraiment ?

Le magicien dormait à poing fermé sur son lit de paille. Raphaël rit.

- Clarys disait à tous ses amis que lorsqu'elle mourrait, la déesse viendrait la chercher pour l'emmener sur les collines d'Émeraude, le domaine des héros...Mais ce ne sont que des légendes. Comme la prophétie, n'est-ce pas ?

Raphaël pensa que le manque de drogue faisait encore des effets, mais il se sentait vide avec l'esprit très clair.

- L'Arkaniel aussi. Il n'a même pas été capable de correctement tuer le prince d'Hydralia ! Il n'existe pas non plus. Le fils de l'Équilibre n'existe pas ! Il n'a jamais existé. Sinon, je ne serai pas ici. Hein, monsieur le prêtre ? -ah, vous ne pouvez pas parler, j'oubliais...

Raphaël continua ainsi pendant des heures. Il disait tout ce qui lui passait par la tête, mécaniquement, comme si ses folles pensées avaient fini par s'échapper dans la réalité. Le prêtre ne montra aucun signe de vie durant ce temps. Raphaël se demandait s'il n'était pas mort, et cette réflexion l'inspira de nouveau.
Il voulait mourir de manière grandiose sur un champ de bataille, pas dans une piètre salle d'exécution. Il voulait revoir sa maison une dernière fois. La prairie derrière le château des d'Asthamos, les pâquerettes, le nid du rossignol. Il voulait prendre un bain. Il voulait sentir les rayons du soleil sur sa peau. Il voulait...

- C'est l'heure.

Une voix coupa le fil de ses pensées. C'était celle de l'homme qui les avait ramené ici, lui et le prêtre. Il avait un nom étrange : Masimov, ou quelque chose du genre.

- Raphaël d'Asthamos, fils du comte Melos d'Asthamos, sous-commandant de l'ordre des Chevaliers Ailés d'Osphariel.

- C'est bien moi.

- Vous êtes accusé d'avoir comploté contre la Couronne d'Hydralia dans la tentative d'assassinat du prince héritier. Pour ce crime, la mort sera votre châtiment.

Raphaël hocha la tête. Quelle surprise, pensa t-il.

- Avez-vous une dernière volonté ? Peu importe laquelle, vous y serez autorisé. C'est une générosité de ma part, voyez-vous.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant