Le Cygne Noir

12 - Pluie de sang

- Mais, monsieur..., bégayait le guérisseur Xenos. Je crains que vous ne soyez pas encore en état de vous battre. Surtout contre des démons aussi féroces !

- Ne vous inquiétez pas, le rassura Soren. Vous voyez, je marche et je n'ai rien perdu de mes enseignements martiaux. Si tous les chasseurs s'en vont en expédition, je dois leur prêter main-forte.

Le vieil homme n'était pas convaincu. Après avoir vérifié si personne de les écoutait, il dit :

- La reine ne vous aurait pas autorisé cela si elle était ici. Votre séjour dans ce château se devait être exclusivement thérapeutique.

- J'en doute, Xenos. La reine n'est pas du genre à fuir ses devoirs, et j'aimerais moi aussi en faire de même. Je ne suis plus un prince ici mais un homme d'armes comme les autres.

- Mais si vous mourez...

- Je ne mourrai pas, affirma Soren. Lasimov ne me le permettra pas, je vous le garantis.

Il enfila sa chemise toute immaculée, laissant entrevoir au guérisseur l'immense cicatrice qui fendait son dos. Elle ressortait au milieu d'autres ébauches de blessures, d'un rouge encore vif. C'était l'épée du commandant des Chevaliers Ailés qui imposait encore sa marque terrible sur le prince.
Xenos soupira. Je ne puis rien contre lui..., se disait-il. Il faut que j'en informe la marquise de Saul.

En catimini, le guérisseur se glissa dans les appartements privés de la jeune femme. Il toqua à la porte et fut reçu par la camériste, Astrid, qui apportait le thé. Elle lui fit un grand sourire et l'invita à patienter dans le vestibule. Ce dernier, décoré de tapisseries recouvertes de poussière, sentait la fumée et le vieux bois.
Quand la Marquise finit par l'accueillir dans son salon, il plaida qu'il était trop dangereux pour le prince Soren d'aller combattre. Elle l'écouta attentivement, sembla y réfléchir, puis déclara :

- C'est moi qui lui ai demandé de venir.

Xenos prit quelques secondes pour assimiler ce qu'elle venait de dire, puis bondit, ahuri.

- Madame ! s'écria t-il. Vous avez conscience que la reine vous fera exécuter s'il arrive quoique ce soit à Soren ?

- Est-ce une menace ? Je ne crains rien de la Couronne, à présent. Si je ne lui obéissais pas, je serai en train de pourrir dans un cachot depuis déjà plusieurs années. Croyez-moi, je ne gagne rien à faire courir des risques à Soren.

- Alors pourquoi le solliciter ?

- Parce que je ne puis plus faire d'exceptions, répondit-elle gravement. Il est clair que Soren n'est plus l'ensorceleur ou le soldat qu'il était, mais il demeure important pour le bon déroulement de notre mission, c'est-à-dire l'extermination des démons. Le docteur Lasimov est du même avis. Le prince lui-même est le plus volontaire d'entre tous, et puis il est plus doué à tuer des monstres que des humains, je l'ai vu de mes propres yeux.

♤♤♤

Dans la cour de La Volière, chaque départ en expédition des chasseurs était bien rodé. Les chevaux déjà attelés attendaient dans les écuries, les épées lustrées et les hommes drainés d'adrénaline. Ce qui les motivait encore plus en ce jour était qu'ils allaient être menés par Électra elle-même qui se préparait seule, dans un coin de l'enceinte.
La jeune femme enfilait sa veste de cuir bouilli et sa longue cape sombre, les mains moites. Pourquoi suis-je si nerveuse ? se demanda t-elle. Ce n'est qu'une expédition comme les autres. Elle n'arrêtait pas de penser à Soren qui devait lui aussi être en train de s'équiper, quelque part dans la cour.

Dans son esprit lui revenait sans cesse la lettre de Rina qu'elle avait lue, la veille.

《 Chère Rina,