24 - Apprendre, apprendre

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Les heures passaient lentement à la citadelle, encore plus pour Électra Saul qui expérimentait, un peu déconcertée, la quiétude d'une vie rythmée par les balades dans les jardins royaux et les discussions interminables avec les dames de la Cour.

Sur cette colline, dans ce palais, on semblait voler au-dessus des nuages, presque intouchables. Bien sûr, ce n'était qu'une chimère ; Électra n'avait simplement pas encore été confrontée aux véritables dangers que peut présenter une existence de secrets et de mensonges menée par bien des courtisans. La jeune femme se forcait à ne pas se laisser amadouer par ce confort matériel dont elle n'avait jamais pu bénéficier auparavant, principalement caractérisé par un estomac rempli. La faim n'existait plus pour elle ! Ce trou que paraissait creuser cette harpie invisible dans votre ventre, vous arrachant la fatigue et parfois même la douleur au prix de sensations terribles...Tous ces gens, ici, ne connaîtraient certainement jamais la faim motivée par l'instinct de survie.

Hélas, manger ne suffisait pas à combler l'ennui ou l'anxiété de la marquise. Pour cela, elle décida de passer ses journées à la bibliothèque royale, située tout près de ses appartements.
Avec un hall entier dédié, la bibliothèque du roi Elis ne pouvait même pas rivaliser, ne serait-ce que sur un quart de sa surface, avec celle de la Couronne d'Hydralia. Devant Électra s'alignait des rayons infinis d'ouvrages récents ou antiques que les intellectuels du palais consultaient à la lumière des lustres rudimentaires qui éclairaient leur terrain de jeu. Ici, les bougies brillaient d'une flamme bleue vibrante et illuminait le hall comme le soleil en plein jour. Électra s'était déjà assignée une place de choix sur un grand fauteuil rouge, situé dos au rayonnage des livres traitant de l'histoire du Continent.

Étonnement, en Hydralia, les ouvrages concernant les autres pays et royaumes ne manquaient pas. Au contraire, ils étaient nombreux, tous rédigés par des anonymes ou des auteurs prestigieux issus du Nord, du Sud, de l'Est, de l'Ouest et même du lointain empire des Archipels. L'éventail littéraire regroupé en ces lieux était impressionnant. Stupéfaite, Électra ne se priva pas de dévorer plusieurs livres qu'elle choisissait un peu au hasard tant l'envie de découvrir ce dont elle ignorait depuis sa naissance. Des légendes fabuleuses, des guerres sanglantes, des dynasties perdues...Le Continent, petit à petit, semblait s'ouvrir sous ses yeux. Et bien qu'elle préférait feuilleter et balayer du regard tous ces énormes pages manuscrites au papier fragile, elle avait l'impression -non, elle en était convaincue- d'en apprendre mille fois plus sur l'histoire de ce monde qu'en cent ans passés en Cyrianie.

Au beau milieu de ces archives historiques se trouvait une petite section réservée aux divinités continentales. Un livre particulier attira son attention. Il s'agissait d'un ouvrage très ancien aux reliures d'or écaillé. Cet ouvrage entrecoupé de passages écrits en langue ancienne que la jeune femme ne comprenait guère traitait d'une divinité hydralienne, un certain Démon muet. Électra apprit via ces pages cornées que ce démon au statut de diable régnait jadis sur Hydralia. Il semait le chaos et la destruction partout où il allait, cruel, puissant et indomptable. L'Équilibre Elle-même n'a rien su faire face à ce démon surgi tout droit des enfers.

La particularité de cette créature, appartenant pour certains au domaine des contes et du mystique, était qu'elle se nourrissait de vies humaines qu'elle arrachait aux Hommes, avide de chair et de sang. Néanmoins, après des siècles à prospérer sur le Nord sans que personne ne puisse rien faire face à lui, le tout premier roi d'Hydralia réussit l'impossible et vainquit le Démon muet avec l'aide des mages fondateurs. En guise de châtiment éternel, il fut enchaîné au fin fond des montagnes de l'Arsenal dans une caverne réputée introuvable par quiconque ne posséderait guère une âme suffisamment tourmentée.

Mais avant même que la jeune femme ne put tourner la page pour poursuivre sa lecture, un homme se planta devant elle, visiblement impatient. Elle ne l'avait encore jamais vu et ne semblait pas être un garde royal.
Électra referma le livre et l'interrogea du regard, confuse.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant