40 - Évasions

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Raphaël ne savait plus vraiment s'il était encore vivant.
Son corps ne répondait pas aux invectives de son esprit divaguant et cela ne le dérangeait guère. Il ne voulait pas ouvrir les yeux et être de nouveau confronté à ce monde.

Ce monde cruel et morose, si loin de l'avenir qu'il s'était promis de bâtir. Lui qui avait cru être l'élu d'un peuple, s'imaginant revenir sur la lumineuse terre de ses ancêtres la tête haute et celle du roi d'Hydralia entre ses mains. Raphaël aurait voulu rendre fier ceux qui l'avaient renié toute sa vie et leur prouver, animé d'un entêtement frôlant l'immaturité, que sa valeur était égale à celle de sa soeur, même après avoir perdu ses pouvoirs.
En fin de compte, tout ceci n'était donc qu'une histoire d'égo et de rivalité enfantine. Un jeu auquel le jeune homme avait foncé tête baissée, naïf.

Parfois, lorsque le temps paraissait s'arrêter, il lui semblait que le sol humide et crasseux de sa cellule avait le même toucher que l'herbe verdoyante du domaine des d'Asthamos. Les barreaux ressemblaient aux chênes blancs et les rats grouillants aux papillons multicolores. Le plafond lui-même pouvait alors se mouvoir au gré du vent printanier et laisser entrevoir des nuées blanches recouvrant un ciel d'azur. Cette cellule était devenue le jardin de Raphaël. Sa maison pour le restant des jours qui lui restaient à vivre, forcé à contempler ce paysage jusqu'à ce qu'il reprenne sa forme initiale.

Lorsqu'il s'éveilla de ce songe lucide, son premier réflexe fut de se tortiller comme un ver pour éviter que des rats ne viennent faire de lui leur repas. Il y eut quelques couinements aigus de rongeurs puis un silence complet. Raphaël leva doucement le menton vers le plafond de sa cage et ne vit rien que l'obscurité. Il n'y avait pas d'étoiles dans le ciel d'Osphariel, cette nuit-là. C'est étrange..., pensa t-il. Pas même de lune ? Puis, inlassable et vicieuse, la douleur le frappa de plein fouet, si forte qu'elle lui arracha un grognement. Il ne savait même plus où elle se concentrait tant l'entièreté de son être le torturait. Chaque parcelle de peau, chaque os, chaque articulation semblait être en feu. Raphaël cria au secours. Il y eut un écho, mais personne ne vint. Pour quoi faire ? Il était un criminel, un ennemi de la Couronne. Son destin était scellé.

De longues heures passèrent sans qu'aucune âme ne parut l'approcher, pas même les spectres hantant les cachots du Palais royal. Raphaël combattait sa conscience, son imagination qui devenait un monstre prenant le dessus sur la réalité. Aucun mot ne saurait décrire le désespoir dans lequel le jeune homme était plongée.

- Je n'ai pas voulu lui faire cela..., psalmodiait-il. Non, non, non...C'est lui. C'est Théodor Ara...

Des pas approchaient, discrets et calculés. Raphaël se tut. Il se demandait si on l'emmenait déjà à l'échafaud ou lui brûler les membres un par un pour lui soutirer quelque information. Selon lui, il n'existait que ces deux possibilités dorénavant, mais ce qui se déroula sous ses yeux ébahis lui prouva le contraire.
Une silhouette apparut, très près des chênes blancs. Elle se cachait derrière les troncs qu'elle finit par écarter grâce à une clé. La grille s'ouvrit dans un grincement et l'inconnu s'arrêta brièvement, comme s'il redoutait qu'un garde ne vint vérifier l'origine du bruit, mais encore une fois, personne ne vint.

- Raphaël.

Le jeune homme réagit brusquement à l'entente de son véritable nom. Il eut peur et se recroquevilla sur lui-même. La silhouette avait quelque chose dans la main droite.

- C'est moi, dit l'inconnu. Électra.

- É...Électra ? balbutia t-il. Mais que faites-vous...

La jeune femme leva le bras et Raphaël crut qu'elle allait le tuer. En réalité, Électra abattit son marteau de toutes ses forces sur les chaînes qui retenaient les bras du détenu et continua jusqu'à ce qu'elles cèdent, aidée par la rouille.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant