Le Cygne Noir

8 - L'Arkaniel

      Le lendemain, tout était prêt pour le retour du Tigre des Mers vers la cité de Sainte-Couronne d'où était originaire l'équipage et surtout, le vieux capitaine Lodd. Ce dernier s'était beaucoup inquiété pour Électra après leur rencontre avec les démons volants, et il fut bien soulagé de constater que l'état de la jeune femme n'était en fait pas préoccupant. Debouts sur le quai du port de Desmarid alors que l'aube se levait à peine, il caressait le crin d'Elis d'une main distraite. Finalement, Herton Lodd dit :

- Je vous présente encore mes excuses, mademoiselle, pour certaines...turbulences durant ce voyage. J'aurais dû être mieux préparé, mais voyez-vous, je ne suis pas très habitué à naviguer dans le Nord.

- Oui, je comprends. Au moins, nous sommes arrivés sains et saufs.

- Heureusement ! c'était quand même une belle somme que vous m'aviez donnée.

Électra se souvint des pièces qu'elle avait échangées avec lui contre une cabine et un aller vers Hydralia. C'est M. Sybell qui en sera outré..., pensa t-elle non sans un sourire. Il me reste assez peu d'argent, maintenant. Elle fit ses adieux au capitaine qui lui jura de revenir un jour ou l'autre pour lui rembourser les frais de ce périple puisqu'il n'avait réussi à garantir sa sécurité. Électra lui assura que ça ne serait pas nécessaire, puis il avoua qu'il disait cela parce qu'il voulait être certain qu'elle irait bien.

- Surtout, ne sortez pas la nuit tombée, Électra, ajouta Lodd. Qui sait ce qui rode dans les ruelles de cette ville...

- Des démons, je suppose ?

- Je ne sais pas. On dit qu'il existe encore pire que les démons ou les ensorceleurs sans jamais donner d'explications valables...Je ne connais pas grand-chose de ce pays, en fait.

- Tout est si différent, ici. Même le soleil paraît moins lumineux que dans le Sud.

Suite à cela, elle grimpa sur Elis qui semblait plus qu'heureux à l'idée de retrouver la terre ferme et partit rejoindre Raphaël qui l'attendait plus loin. Il voyageait à pied, se contentant d'un baluchon en tissu qu'il tenait à la main et qui contenait l'entièreté de ses effets personnels.

- Un noble comme vous n'a même pas pris la peine de se munir d'un cheval ? s'étonna t-elle.

- Je préfère me servir de mes jambes. Après, rien de m'empêche d'acheter un destrier ici...

En quittant le port, Électra lança un dernier coup d'oeil vers le Tigre des Mers qui reprenait sa route vers des lieux plus accueillants et des aventures moins funestes. La nouvelle voile d'un blanc immaculé reflétait les rayons oranges de l'aube et semblait brûler, contrastant avec les toits d'ardoise de la ville qui absorbaient complètement la lumière matinale.

Desmarid était l'une des plus immenses villes du Continent. Jamais Électra n'avait vu une cité aussi tentaculaire que celle-ci, et pourtant, elle venait à peine d'y mettre les pieds. Et dire que je trouvais la capitale des Koraz grande ! se dit-elle.
Desmarid était le nom de la femme du tout premier roi de la dynastie d'Hydralia. On la décrivait souvent comme une reine cruelle et maniaque, mais les locaux la considéraient comme un exemple de bravoure et de dévouement ; en effet, elle se serait suicidée après la mort de son mari pour ne pas que les forces démoniaques qui le tourmentait ne se serve d'elle comme d'une marionnette pour diriger le royaume. Sa mort est restée célèbre et c'est donc en l'honneur de cette femme que la capitale a été nommée ainsi.

La ville était divisée en districts, comme dans toutes les grandes villes du Continent. Ici aussi, il existait un district marchand et une Place Centrale, mais les ressemblances s'arrêtaient là. Desmarid comptait en tout 24 districts distincts et plusieurs lieux publics comme la Tour administrative, cet énorme édifice bâti près du fleuve, ou encore l'arche de l'Équilibre, un monument jadis dédié à la divinité du même nom mais qui tombait aujourd'hui en ruines.