18 - Marionnette

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       Dans les rues d'Eshren, capitale millénaire du royaume d'Osphariel, le peuple grouillait, chantait, dansait à tue-tête ; des célébrations spontanées naissaient sur toutes les places de la ville et les airs de flûtes rendaient l'ambiance encore plus festive qu'elle ne l'était déjà. Tout le monde, de l'archiduc au palefrenier en passant par le prêtre, tout le monde sans exception, n'était que bonheur et triomphe.
En cette journée historique, le soleil brillait si fort qu'on avait du mal à lever les yeux au ciel sans devoir tendre la main au-dessus du regard, ébloui. Il faisait chaud malgré la fraîcheur des bâtisses de pierre et de marbre, et les enfants, tout aussi heureux que leurs parents, patogeaient dans les fontaines publiques à l'ombre des oliviers. On se prenait dans les bras qu'on se connaisse ou non, et certaines personnes, plus âgées, pleuraient des larmes de joie, levaient les bras très hauts et lançaient :

- Nos enfants sont sauvés ! L'Arkaniel est là ! Nous sommes tous sauvés !

Et ces cris étaient repris partout, par tout le monde et bientôt, Eshren entière se prononçait d'une seule et même voix.

- L'Arkaniel est parmi nous !

- Nous sommes bénis !

- Vive l'Arkaniel ! Gloire à la grande déesse !

Comme un seul corps poussé par ses instincts les plus purs, la foule gravit les pentes raides de la ville, passant sous les fenêtres des demeures nobles en les invitant eux aussi à descendre les rejoindre dans cette communion populaire, et atteignit les marches du Temple.

Cet édifice aux colonnes immenses était encore plus impressionnant que la forteresse royale. Bâti dans le marbre blanc, ce sanctuaire érigé en l'honneur de la déesse Équilibre dominait la ville et faisait la pluie et le beau temps. Pour beaucoup de jeunes citoyens, leur rêve était de pouvoir un jour revêtir la toge des prêtres et de servir sous les ordres religieux en déambulant dans le Temple. Mais aujourd'hui n'était pas un jour de plus passé à s'imaginer un futur proche, car désormais, c'était l'Histoire toute entière qui allait bientôt s'écrire. Bientôt, le visage de l'Arkaniel sera révélé au grand jour ! La paix installée sur le Continent, les forces démoniaques d'Hydralia à tout jamais anéanties ! Tous les coeurs battaient au même rythme, et les bouches criaient les mêmes paroles, et les yeux brillaient d'une même lueur d'espoir.

      Ils l'avaient appris ce matin-même par le biais des hérauts royaux. Puis par le bouche-à-oreille, l'information s'était répandue dans tous les recoins de la capitale, et chacun, instantanément, laissa de côté ses activités pour manifester son bonheur dans les rues.
Mais alors que la foule semblait de plus en plus impatiente, des hommes en armures d'or apparurent au pied du Temple sur leurs destriers blancs comme la neige. Alignés, droits et fiers, on devinait leurs expressions émues dissimulées sous leurs casques en pointe. Depuis la création de l'ordre il y a plus de cinq-cents ans, les Chevaliers Ailés d'Osphariel s'apprêtaient enfin à remplir leur mission originelle : accompagner et protéger le fils de l'Équilibre.

       Deux hommes montés à cheval s'avancèrent alors et enlevèrent leurs heaumes. Le premier était connu de tous ; il s'agissait de l'oncle de la douce reine Magdalen, le commandant et archiduc de Coral. Même à son âge avancé, il faisait partie des hommes les plus doués à l'épée de tout le royaume et possédait une bravoure légendaire, prouvée il y a bien longtemps sur les champs de bataille de la guerre menée contre les souverains du Nord. Son regard calme se posa sur la foule en délire qui l'acclamait et on crut apercevoir un sourire sur ses lèvres. Le second chevalier qui le suivait de près était le comte d'Asthamos, magicien renommé et sous-commandant de l'ordre des Chevaliers Ailés.
D'une main levée, le commandant de Coral demanda le silence, puis d'une voix forte et caverneuse, il cria :

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant