23 - Le conseil royal

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Le conseil réuni en ce jour était restreint ; seules les personnalités les plus importantes présentes à la Cour y étaient conviées, et ce dans un huis clos complet. Il était hors de question que quoi que ce soit n'atteigne trop rapidement les oreilles indiscrètes des fomenteurs d'intrigues et de rumeurs.

Dans le donjon de la Lune, situé dans l'aile privée du Palais royal, se trouvait la salle du conseil.
Le prince Soren, qui dirigeait cette réunion d'urgence, était assis au bout de l'immense table rectangulaire aux splendides gravures d'ivoire. Il y avait à sa droite, pleine de prestance et de charisme, sa mère la reine Kalypso. En effet, même si elle demeurait encore régente et ce d'après le souhait du roi Adorjan, la reine avait pris des libertés et laissait volontiers son fils présider les conseils, étant persuadée qu'à l'âge de vingt ans désormais, il devait être capable d'assumer ses responsabilités de souverain à en devenir. Et puis elle détestait avoir à batailler avec ces hommes qui lui vouaient crainte et mépris, peu habitués à devoir s'incliner devant une si grande puissance magique contenue dans une enveloppe féminine.

À sa gauche se trouvait un homme fier à la barbe couleur argent et au long manteau bleu ; il s'agissait de son oncle, l'amiral du Desmond, le père d'Oswald. Et plus loin, assis face à face, se tenaient les deux conseillers royaux choisis jadis par le roi Adorjan, qui n'étaient autres que l'archiduc d'Halvar et le comte de Carlisle.

Soren et Kalypso s'installèrent en premiers sur leurs chaires puis le prince autorisa les autres à en faire de même.
Il déclara en levant une main :

- Votre Grâce, monsieur l'amiral, messieurs les conseillers, je vous remercie tous d'être présents aujourd'hui autour de cette table. Je sais bien que la fréquence des conseils a drastiquement augmenté ces derniers temps, mais je pense que vous comprenez parfaitement pourquoi. Ne nous attardons pas. M. de Carlisle, dressez le rapport de la nuit dernière je vous prie.

- Oui, Votre Majesté.

Le comte de Carlisle était cet homme d'une cinquantaine d'années qui en faisait bien dix de moins. Chauve, paré de gros sourcils bruns et d'une moustache broussailleuse, il avait de prime abord l'air d'être un bien gentil homme, jovial et plaisantin, mais son attrait pour les femmes et les plaisirs de la chair ne cessaient de lui causer des déboires. On ne comptait plus les fois où l'une des gardes citadines l'avait retrouvé ivre mort dans les bras d'une prostituée, au fin fond d'une maison de plaisir et ce sans même s'en montrer honteux vis-à-vis de sa chère épouse.

Soren ne l'avait jamais aimé et peinait à trouver une once de bon sens en lui, mais pour ses services rendues à la Couronne lors de la dernière guerre, il n'avait eu d'autre choix que de le garder comme conseiller royal.
Ce dernier sortit de son veston une missive décachetée et lut son contenu à voix haute :

- Dans la nuit du jeudi, six personnes ont été retrouvées mortes. L'une au pied du rempart nord, égorgée par un loup géant qui fit une autre victime aux abords du district marchand. Trois autres ont été tuées par des démons d'ombre, dont une fillette de quatre ans. La dernière victime a été retrouvée dans le cours de la rivière, noyée par ce qui pourrait être une créature marine non-identifiée. Le loup géant a été tué par une patrouille armée sans faire de blessés, mais les Ombres et le démon marin n'ont pas pu être neutralisés.

Soren mit quelques secondes à digérer la nouvelle. Six personnes décédées cette nuit..., se dit-il. Cette fillette...Si ma barrière était plus solide, elle serait encore en vie.

- Permettez-moi, Votre Altesse, de vous rappeler que ceci n'est pas de votre faute, ajouta M. de Carlisle quand il eut fini.

- Le contraire serait bien plus agréable mais vous vous trompez, M. le comte. Ceci est bien de ma faute, comme toutes les autres morts survenues les semaines passées. Malgré le renforcement de la barrière et l'aide apportée par une grande partie des ensorceleurs de Desmarid, elle ne semble plus assez efficace face au nombre incalculable de démons qui nous entourent. La seule solution est d'instaurer un couvre-feu général et de les traquer un par un.

Le Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant