~Twenty

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-"Bon nouvel an."

Blaise embrassa le front d'Irène devant lui tandis que les elfes des Malfoy descendaient ses bagages.

En effet s'il avait pu passer Noël avec ses amis, c'était à l'unique condition qu'il passe le Nouvel An avec ses grands-parents et sa mère.

Il laissait Irène seule mais il ne se faisait pas de soucis, elle était bien entourée.

Elle le regarda descendre les dernières marches pour remercier Narcissa et Lucius puis enlacer d'une étreinte se voulant virile Draco et Théo qui était sur le côté.

Il regarda les deux filles une dernière fois, les salua d'une main avant de finalement sortir du manoir et refermer la porte après son passage.

Le salon se fit silencieux quelques instants.

-"Mattheo."

Ce dernier, jusque-là resté à l'écart, sortit de la pénombre pour s'approcher de Bellatrix.

-"Le seigneur des ténèbres veut que tu restes ici en attendant ses ordres directs. De mon côté, je pars effectuer une mission." Elle se tourna vers sa sœur et son beau-frère. "Cissy et l'autre ont la bonté de t'héberger, alors ne fais pas de vagues."

Il hocha la tête, contractant la mâchoire.

Lucius roula les yeux, appréciant peu l'égard qu'elle lui portait tandis qu'elle courait enlacer Narcissa.

Elle salua son neveu en caressant sa joue de ses mains sales et partit à son tour.

Il leva les yeux vers les escaliers et Pansy qui les descendait pour rejoindre ses amis. Puis ses yeux se posèrent sur celle qui restait sur la marche, le fixant avec la même intensité.

Il laissa échapper un souffle railleur par le nez.

-"Ça doit être fascinant, d'observer ce que tu ne peux pas comprendre." Il pencha sa tête sur le côté. "Observer une mère parler à son enfant en se souvenant de son prénom."

Draco passa sa langue sur ses dents, soupirant longuement.

-"Mattheo." Appela-t-il en s'avançant vers lui pour lui intimer d'arrêter.

Mais ce n'était que lui et elle. Lui en bas, sur le marbre, elle en hauteur, dans sa splendeur. Elle dominait la scène et aurait pu faire fi de sa position dominante comme il l'aurait fait à sa place.

Qu'allait-elle faire ?

Qu'allait-elle dire ?

Les paupières d'Irène se mirent à trembler, comme si elle avait ressenti avec bien trop d'émotions ce qu'il avait lancé pour la provoquer.

Elle baissa le regard, vers le bord des escaliers, se rendant compte qu'encore une fois elle avait manqué une occasion de se terrer dans un coin et de se faire invisible au lieu de rester tout en haut comme si elle tentait de prouver au monde qu'elle existait.

Car chaque fois qu'elle essayait de se faire une place, le monde la rejettait de bien de cruelles façons.

Elle fit demi-tour, retournant dans sa chambre, et Draco posa une main dissuasive sur l'épaule de Mattheo.

Ce dernier laissa échapper un ricanement de pitié.

Elle avait beau détenir les clefs pour se faire entendre et écouter, elle préférait se taire et retourner se cacher comme une lâche.

-"Elle est vraiment misérable." Murmura-t-il pour lui-même et il retira son épaule d'un coup sec avant de jeter un regard mauvais à Draco qui n'en parut pas affecté le moins du monde.

                              *****

-"Tu as envoyé les hiboux ?"

Théo hocha la tête de haut en bas frénétiquement.

-"Et j'ai même parfumé les lettres de mon doux parfum." Il lui fit un clin d'œil.

Pansy roula les yeux, cochant la mission sur son parchemin. Elle vérifia celles qui restaient et se tourna encore vers le garçon.

-"Qu'en est-il des boissons et nourritures ?"

-"Les elfes s'occupent de tout, je leur ai fait une liste." Il émit un son sec avec sa bouche en un sourire satisfaisait et elle eût une moue tendre avant de cocher de nouveau.

Elle soupira, regarda d'autres elfes s'occuper d'accrocher les guirlandes entre les poutres du haut plafond.

Son regard se posa sur Draco qui les observait depuis le premier étage, les mains dans les poches, le buste penché sur la rambarde.

Il semblait la regarder depuis déjà longtemps et elle déglutit, ses pupilles se dilatant au contact des siennes.

-"Où est Irène ?" Théo passa devant elle pour qu'elle le regarde. "Elle devait nous aider."

Elle haussa les épaules, les deux se tournant vers Draco en hauteur.

-"Je lui ai demandé de faire le tour des jardins." Répondit le garçon. "Pour vérifier qu'il n'y avait pas de déchets."

-"Pourquoi ne pas avoir envoyé un de tes elfes ?" Répliqua Pansy mais Draco leva un sourcil.

-"Vous les avez tous réquisitionnés, je te signale. Et puis, elle avait l'air d'avoir besoin d'air."

Il haussa les épaules, se voulant nonchalant.

Il faisait froid, dans le brut de l'hiver.

Irène prenait sa mission à cœur, sage enfant.

Elle se penchait pour regarder entre chaque buisson s'il n'y traînait pas quelques papiers ou déchets à jeter.

Les fleurs des rosiers avaient fanés, attendaient la nouvel saison pour repousser.

Tout était mort silencieusement, et repousseraient tout aussi doucement.

Rien ne perturbait l'écosystème, pas le bruissement d'une feuille ni l'agonie des bourgeons congelés.

Elle se sentait parfaitement chez elle, dans cet endroit si silencieux.

Ce n'était pas que les autres à l'intérieur étaient trop bruyants, ils ravivaient les frêles flammes qu'elle gardait en vie au fond de son âme.

Mais le silence lui permettait de se ressourcer : de revenir à son état naturel.

Parce qu'elle avait été créé dans le but de faire taire les cris d'une femme qui se débattait pour sa vie, et qu'elle avait été mise au monde dans le but de faire taire ceux qui souhaitaient de nouveau s'emparer d'un corps meurtri.

Sa nature profonde était le silence.

Le silence des mots, le silence des cris, le silence des morts.

Le silence de l'âme qui pleurait bien trop fort.

Comment pouvait-elle être autrement alors que le bambin qu'elle avait été n'avait jamais pleuré lorsqu'il avait faim et se laissait consumer par la peur de voir le visage de celle qui devait le nourrir ?

Mattheo, debout dans la chambre qui lui avait été attribué, fixa la femme devant sa grande fenêtre qui gâchait le paysage qu'il admirait.

Les mains dans le dos, il la regarda s'avancer entre les buissons et rosiers, se penchant comme une idiote, ne laissant pas même ses pieds faire craquer les branches sur le sol.

Sa silencieuse présence le faisait à son tour retenir son souffle, ayant peur de briser cette symbiose qui étrangement le dérangeait.

Les hommes n'étaient pas fait pour se taire.

Et pourtant elle se taisait chaque fois qu'elle avait l'occasion de parler.

C'était ce qu'il haïssait le plus chez ceux qui avaient le pouvoir de lever la voix.

Sans doute parce que lui n'avait pas le droit de le faire.

Nᴇᴍᴇsɪs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant