~Hundred-two

395 34 20
                                    

Elle ne savait pas quoi faire, passait ses mains sur le corps inerte pour tenter de trouver quoi que ce soit à éveiller, quoi que ce soit à panser mais il n'y avait rien, il n'avait rien, rien que le silence et le souffle déchéant.

Les larmes brouillaient piteusement sa vue, elle tremblait, titubant, balbutiant, cherchant un pouls, un semblant de vie dans ce corps en perdition, dans cet esprit déjà errant.

-"Je t'en prie." Supplia la jeune femme. "Il faut que tu te réveilles, Théo."

Il ne bougeait pas, ne parlait pas.
Elle n'arrivait pas à réfléchir, ses pensées s'embrouillaient et se mélangeaient en une cacophonie à lui faire perdre la tête.

-"Théodore réponds-moi."

Elle se perdait dans ses gémissements pitoyables, affalée sur ses genoux, les bras s'éparpillant au-dessus du corps gisant sans jamais le toucher comme de peur de le briser.

Tout était allé trop vite, tout était partit trop vite, les mots et maux se tordaient et s'arrachaient aux tourments que la vie leurs préparaient, Irène s'abandonnait aux effluves glacées du corps qui se taisait.

-"Tu ne peux pas m'abandonner, tu ne peux pas m'abandonner..."

Elle gémissait comme une enfant sans jouets, comme un parent près de la mer, la voyant s'éloigner du sable sur lequel il reposait.

Elle attrapa son épaule, la balança, poussa et tira son corps de toutes ses dernières forces pour le ramener d'entre les morts, le faire revenir du voyage qu'il s'apprêtait à accomplir en franchissant la rive.

-"THÉODORE !" Hurla-t-elle de toute son âme, de tout son cœur, ses cordes se déchirant, les lambeaux restants s'abandonnant dans les limbes du néant.

Il ne pouvait pas la laisser, lui qu'elle avait tant aimé, lui qui se rappelait de ses goûts préférés, de sa couleur favorite, lui qui lui offrait monts et merveilles rien que pour apercevoir son sourire, lui qui l'avait toujours accepté telle qu'elle était et n'avait jamais tenté de la dissuader de faire ce qu'elle aimait.

Il ne pouvait pas d'un coup l'abandonner, la détester, lui tourner le dos sans jamais se retourner.

Théo ne l'aurait jamais laissé pleurer, ne l'aurait jamais laissé crier son nom au désespoir, ne l'aurait jamais laissé se noyer dans la tourmente de ses larmes.

Qu'aurait-elle pu faire, pu dire ?

C'était de sa faute, elle aurait dû l'écouter parler, aurait dû venir vers lui en premier, l'aurait laissé endeuiller sur son épaule.

Si elle avait fait un peu plus, si elle avait seulement observé un peu plus, elle l'aurait aidé à s'endormir, l'aurait bercé jusqu'à la fin de la nuit, aurait remué ciel et terre pour le protéger des horreurs de la guerre.

Elle voulait parler, le supplier mais de quel droit lui demandait-elle de lui retourner, de quel droit était-elle si égoïste qu'elle refusait qu'il quitte ses côtés ?

Et si tous partaient, et si tous la laissaient, et si tous finissaient par rejoindre Théo et l'abandonnaient pour se moquer depuis là-haut ?

Elle était impuissante, ses bras lourds poussaient piteusement le corps lourd qui restait de marbre sur le plancher froid, le corps avachi elle semblait misérable, ses larmes rougeant ses joues et mouillant son nez coulant.

Elle crût entendre un bruit étouffé mais continuait machinalement de tirer, perdue dans ses propres pensées, dans ses propres souvenirs qu'elle refusait de laisser partir.

Des bruits de pas qui s'arrêtèrent pendant plusieurs instants, peut-être plusieurs siècles, avant que deux bras n'entourent son corps frêle.

Lentement, l'un d'eux s'allongea le long du sien et, prenant sa main, l'abaissa jusqu'à ses genoux, la faisant lâcher le corps qui arrêta de bouger.

Elle sentit la chaleur corporelle de l'inconnue s'insuffler en elle, et ce dernier observa son visage si terne, ses yeux si vides et ses lèvres si trémulantes.

Il la serra alors un peu plus contre lui et elle s'abandonna entièrement, laissant sa tête retomber en arrière sur le torse du garçon, laissant ses toutes derniers larmes rouler d'épuisement, son corps secoués de spasmes éreintants.

Elle n'entendait pas les sons qui se propageaient, ne fixait que le plafond, laissant des gémissements étouffés grogner dans sa gorge asséchée.

L'homme l'enfermait tout contre lui, avec une fermeté tendre, ne laissant aucune parcelle de sa peau translucide ne pas toucher la sienne si chaude.

Le sol trembla une unique fois, d'un unique poing rageur d'un frère de cœur qui se rendait compte que les regrets étaient plus forts encore que les remords, et qui d'un geste d'une douceur mortifiante posa ses doigts de charbon sur les paupières d'un garçon qui n'avait pas eu le temps de les clore pour de bon.

L'homme à la peau noire souleva le corps si lâche, le prenant par les jambes et la taille, avant de se tourner vers celui qui tenait toujours l'enfant au cheveux noirs.

                              *****

-"Draco !"

Draco releva la tête, dans la Grande Salle.

Pansy s'approcha en trottinant, le sourire éclatant.

-"C'est fini. Harry a gagné." Dit-elle en s'arrêtant à quelques pas de lui. "On a survécu à la guerre."

Ils avaient survécus.

Ils étaient encore en vie, malgré plusieurs blessures et Pansy souriait comme si elle n'avait jamais été plus heureuse, malgré sa lèvre inférieure ensanglanté et son visage tout poussiéreux.

Le bonheur de la jeune femme arracha un léger sourire amer au garçon qui hocha lentement la tête, forcé d'admettre sa défaite.

Il laissa son regard trainer de son oeil droit à son oeil gauche avant d'ouvrir là bouche et, d'une voix épuisée, se mettre à parler.

-"Tu vas restée planter là longtemps ? J'attends mon baiser."

Elle laissa échapper un gloussement attendri et s'avança jusqu'à rencontrer ses pieds, avant de lever les siens et de poser leurs lèvres ensanglantés pour les sceller.

Il ferma les yeux, profita du seul instant qui semblait contre balancer tous les mauvais moments, posant ses mains dans sa nuque pour la sentir se cambrer contre lui.

Il entendit des pas, las, à l'entrée de la Grande Salle et ouvrit un oeil curieux.

Il repoussa lentement Pansy, sentant son cœur retomber lourdement dans sa poitrine. La jeune femme se retourna, ne comprenant pas, et posa son regard sur Irène qui marchait au ralenti, Mattheo la tenant fermement d'un bras pour ne pas qu'elle ne s'écroule le regard dans le vague. À leur gauche, à la même allure, Blaise s'avançait, tenant un corps dans les bras, le visage de marbre, la seule larme sur sa joue droite trahissant ses états d'âme.

Pansy posa sa main sur le bras de Draco près d'elle, retenant un hoquet, fixant la scène acerbée tandis que d'un pas second Draco titubait, les jambes engourdis.

Ils n'avaient pas tous survécus.
Ils n'étaient pas tous encore en vie.

Ils avaient gagné la guerre, certes.

Mais à quel prix ?

Nᴇᴍᴇsɪs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant