~Fifty-five

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-"Je te l'ai déjà dit, je suis venu parce que je m'ennuyais."

Rogue fixa Mattheo, n'étant pas convaincu par son raisonnement.

-"J'ai du prévenir ton père." Alarma l'homme et Mattheo se tendit quelque peu.

-"Pourquoi ? C'est pas comme si je faisais quelque chose de mal." Se défendit le garçon.

-"Que ce soit mal ou non, je me dois de lui rapporter tout ce qui te concerne." Réprimanda le professeur. "Après tout, tu es le fils du seigneur des ténèbres."

Oui, il le savait déjà. Il n'avait pas besoin qu'on le lui rappelle sans arrêt, il l'apercevait déjà bien assez. Chaque regard qu'il croisait, chaque épaule qu'il frôlait, chaque élève qu'il rencontrait ne voyait en lui que le fils du plus puissant des monstres.

Son père était un abominable sorcier, et il était son enfant préféré.

Alors, ça faisait de lui, sûrement - non, certainement- à son tour, un monstre.

Il fixa ses mains comme si elles étaient déjà couvertes de sang.

-"Mattheo." Rappela une énième fois le professeur que le garçon avait arrêté d'écouter.

L'adolescent releva la tête mais Rogue ne le regardait pas, mais fixait quelque chose derrière par dessus son épaule.

Mattheo se tourna, suivit son regard pour apercevoir Irène qui, debout près des rambardes de pierre des couloirs de l'étage, caressait les oiseaux qui avaient sauté de leur nid pour s'approcher.

Il pencha son corps pour mieux la regarder.

Rogue détailla Mattheo, aperçut immédiatement le regard du garçon s'adoucir.

Elle aimait la nature qui le fuyait.
Alors qu'il tentait désespérément de se faire entendre des hommes, elle se reposait entièrement sur tous les autres êtres. Les oiseaux allaient certainement s'enfuir s'il tentait de s'approcher, parce qu'elle était leur lumière et qu'il était leurs ténèbres.

Après tout, il était le fils du seigneur lui-même.

La lumière du soleil pénétrait entre les feuilles des grands arbres près des rambardes et éclairait le visage d'Irène qui souriait en laissant son index caresser avec tendresse les plumes des oisillons qui se laissaient faire.

Elle était une ombre parmi les hommes mais rayonnait pour le reste du vaste monde.

Il était une bruyante accalmie parmi les hommes mais s'effaçait pour le reste du vaste monde.

Ils étaient juste deux faces d'une même pièce. Ils ne s'accordaient pas sur la même fréquence, ne jouaient pas du même instrument mais désiraient pourtant le même morceau.

Rogue le fixa silencieusement, ayant compris une chose que l'enfant lui-même n'avait certainement pas encore saisi.

Il se releva, reculant petit à petit pour mieux apercevoir le tableau qui se dessinait devant lui.

C'était évident. C'était affolant.

Le visage d'Irène se tourna alors vers eux sur le banc, s'écartant du soleil, et elle aperçut Mattheo qui la regardait sans un mot.

Elle déglutit, le voyant alors glisser vers les colibris qu'elle frôlait.

-"Viens." Dit-elle lentement d'une douce voix. "Ils ne sont pas méchants."

Ce n'étaient pas eux qui étaient méchants, c'était lui. Il déglutit, hochant la tête de gauche à droite en refusant.

-"Je n'aime pas les oiseaux." Il se détourna de l'image mais elle n'en resta pas là.

-"Tu es peureux, Mattheo." Le provoqua-t-elle.

Était-ce de la provoque, en réalité ? Ses yeux ne semblaient être remplis que de vérité.

Il grinça des dents, se leva alors.

-"Ils vont s'envoler de toute façon."

-"Que si tu leur fais peur."

Elle tendit sa main de libre et attendit qu'il la saisisse. Il fronça les sourcils, s'apprêta à faire demi-tour lorsqu'il se rendit compte qu'elle avait quelque chose dans sa paume.

Il attrapa alors les petits encas et leva les yeux vers elle sans savoir quoi faire.

-"Approche-toi et tend ta main." Intima Irène.

Il s'avança d'un pas, sentant petit à petit la chaleur du soleil piquer sa peau.

Les oiseaux le fixaient, intrigué par l'individu qui venait les déranger. Ils allaient s'envoler, Mattheo le savait.

Irène attrapa son bras pour le lui tendre un peu plus et il s'arrêta, attendant.

Elle retira sa main des colibris qui ne bougèrent pas.

Mattheo retint sa respiration sans s'en rendre compte et attendit.

Alors l'un des colibris, d'un battement d'ailes, s'agrippa au doigt de Mattheo et picora dans sa main.

Le garçon ouvrit grand les yeux, sentant son cœur s'alléger.

Il leva les yeux vers Irène, pétillants, et elle retint un rire qui la fit sourire. Il ressemblait à un enfant, ainsi.

L'autre oiseau s'approcha à son tour et s'agrippa à un autre doigt.

Irène tira légèrement Mattheo vers le rebord pour que les colibris aient du soleil et s'écarta pour le laisser faire.

Il ne bougeait pas d'un pouce comme de peur qu'ils ne s'envolent loin de lui.

-"Je t'avais dis qu'ils ne partiraient pas." Murmura Irène.

Il n'osa même pas bouger la tête pour la regarder, admirant les ailes qui se rangeaient, signe qu'ils appréciaient.

-"D'habitude, ils partent toujours."

-"D'habitude, je ne suis pas là."

Il tourna les yeux vers elle, surpris par ce qu'elle venait de dire mais elle continuait de sourire.

-"La prochaine fois, tu pourras même caresser une biche, il y en a qui se promènent près de la forêt interdite. Il suffit de savoir devenir leur ami."

-"Tu deviens amie avec les bêtes, Zabini ?" Se moqua-t-il. "Et puis quoi, tu leur tapes la discussion ?"

Elle pencha sa tête sur le côté, amusée par ce qu'il disait.

-"Tu fais bien la même chose avec les humains, pourquoi en serait-il autrement pour le reste des animaux ?"

Il referma sa bouche, n'ayant pas la réponse à cette question.

Mattheo continua finalement d'admirer les oiseaux qui gazouillaient dans sa main, ne ressentant même pas les crampes qu'il avait tant il semblait déborder d'une excitation enfantine.

Et tandis qu'Irène l'admirait en souriant sur le côté, Rogue les fixait depuis le bout du couloir, la mine sombre.

Nᴇᴍᴇsɪs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant