~Eighty-six

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Elle n'arrivait pas à croire qu'elle s'était portée volontaire pour le faire.

Après tout, elle l'avait fait dans l'unique but de protéger ses amis si elle se faisait attraper, mais avec du recul elle aurait mieux fait de se taire.

Malheureusement, elle se retrouvait là, face au Terrier comme une malpropre.

Les mains levées vers le ciel, elle marchait lentement pour être sûre d'être aperçue avant d'arriver sur le bord de leur sort de protection.

Elle venait en paix.

Molly fut la première à l'apercevoir.

Elle sortit de la maison, baguette en main, ne la connaissant pas.

-"Qui es-tu ?" Hurla-t-elle. "Montre-moi tes bras !"

Les ayant déjà levés, Irène retira lentement ses manches pour les dévoiler. Molly, toujours méfiante, continua de s'approcher.

-"Qui es-tu ?" S'écria-t-elle une nouvelle fois tandis qu'au fond son époux accourait.

-"Je m'appelle Irène." Répondit calmement la jeune femme en forçant sur sa voix pour être entendue.

Irène, cela sonnait creux à leurs oreilles. Évidemment, elle leur était méconnue.

-"Je la connais."

Un jumeaux Weasley sortit du terrier, les mains dans les poches.

-"C'est une amie d'Harry." Dit-il. "Je crois."

Molly, ne baissant pas sa baguette, jaugea la jeune femme de haut en bas.

-"Je ne passerais pas la barrière magique." Rassura Irène. "Même si, sans marque, je le pourrais facilement."

Elle détestait tout ce qu'il se passait.

Elle, seule devant des adultes, des inconnus.
Elle, parlant à ces adultes, ces inconnus, sur leur territoire.
Elle, le centre de l'attention depuis déjà plusieurs minutes.

-"Je viens vous transmettre une information importante." Continua-t-elle néanmoins la gorge serrée. "Le seigneur des ténèbres a récupéré la baguette de Sureau, qui était dans la tombe du directeur. Il a récupéré l'une des reliques de la mort, et il est à la recherche des deux autres."

Au fur et à mesure, Molly avait abaissé son arme et écoutait, attentivement, la jeune femme qui parlait dans les hautes herbes.

-"Si jamais vous êtes en possession de la pierre de résurrection ou de la cape d'invisibilité, ou si vous savez où elles se trouvent, je vous en conjure." Supplia Irène. "Protégez les au péril de vos vies."

-"Pourquoi est-ce que tu viens nous dire ça ?" Demanda soudainement le jumeau qui s'était avancé depuis. "Aux dernières nouvelles, tu es une Zabini."

À la mention de son nom de famille, la baguette de Molly frétilla de nouveau et le cœur d'Irène se serra.

-"Je ne suis pas une Zabini." Refusa la jeune femme les mains toujours levées. "Je suis simplement Irène."

Elle n'avait pas besoin de nom de famille pour savoir qui elle était. Elle n'avait pas besoin de savoir son sang, pas plus que de connaître ses parents, pour savoir de quoi son âme était faite et la couleur des étoiles de son coeur.

La mère sembla trouver, en elle, une enfant qui avait pendant trop longtemps été perdue en elle-même. Elle abaissa une dernière fois sa baguette, la rangeant dans sa poche.

Du coeur de la femme au coeur de la fille, un fil incertain mais pourtant rempli d'une certaine nostalgie se tissa.

-"Je crois que moi aussi, j'ai quelque chose qui pourrait t'aider, juste Irène." Annonça-t-elle en un sourire chaleureux, laissant ses mains retomber lourdement sur ses jambes. "Entre donc, je préparais du thé."

C'était imprudent. C'était risqué, et elle devait être rentrée avant la tombée de la nuit.

Mais pour une fois, elle avait envie d'entrer. D'entrer et, éventuellement, de voir de ses propres yeux une grande famille.

Comment est-ce que des parents arrivaient à aimer leurs enfants, comment est-ce que des frères et soeurs arrivaient à s'entendre et se sentir compris au sein d'un groupe si nombreux d'individus si différents.

Ginny était restée à l'étage mais elle l'apercevait l'observer depuis la fenêtre de leurs escaliers. Était-ce les vacances scolaires ? Irène avait perdu toute notion du temps.

Elle avança alors d'un pas, franchissant la barrière.

-"Merci." Souffla-t-elle en un grand sourire.

Et Molly le lui rendit.

                                *****

-"Tu vas bien ?"

Irène hocha la tête et esquissa un sourire vers Mattheo qui s'approchait de la porte d'entrée.

-"Irène, nous t'attendions."

La voix glaçante de Voldemort la fit frissonner et Mattheo lentement se décala, la mâchoire contractée, pour qu'elle puisse apercevoir celui qui venait de parler.

Ils étaient tous au beau milieu d'une réunion, et elle se faisait violence pour ne pas regarder le corps pendu la tête en bas au-dessus de la grande table.

-"Mattheo m'a dis que tu étais partie présenter tes hommages à la tombe de ton père." Dit-il avec une fausse sympathie.

Blaise se figea, près de sa mère qui se tendit, et se tourna très lentement vers elle.

D'un mouvement presque imperceptible, il hocha la tête de gauche à droite, la suppliant de ne rien dire.

Parce qu'il était là, le hic, et Lucrezia le savait pertinemment : Irène haïssait son père de tout son cœur et, dans tous les cas, son père n'avait pas de tombe.

Semblait-il que Voldemort était suspicieux, car il se tourna vers Lucrezia, attendant qu'elle fasse quoi que ce soit, qu'elle prononce le moindre mot pour que tout déraille.

Le regard d'Irène ne croisa pas celui de sa mère, et restait enfoncé dans celui de Mattheo, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine qui se soulevait beaucoup trop.

Mattheo ne savait rien. Mattheo n'avait pas été tenu au courant de ce qu'elle avait fait, parce que Mattheo aurait refusé qu'elle le fasse.

Les seuls au courant était Blaise et Pansy, et désormais Lucrezia, bien qu'elle ne sache pas exactement de quoi.

C'était fini. Un seul mot, il lui suffisait d'avouer la vérité à son maître et Voldemort n'aurait même pas la clémence de lui accorder un dernier souhait.

Elle se savait fautive, se savait condamnée, alors elle restait là à fixer le pauvre garçon qui ne savait pas de quoi il en retournait mais qui la voyait bien, elle, toute retournée.

Les secondes passèrent, qui paraissaient minutes.

Puis, éventuellement, Lucrezia lâcha des yeux la jeune femme qui n'avait pas bougé, et serra fort la main de son fils dans la sienne.

Visiblement déçu, Voldemort eût un tremblement de sourcils mais n'en laissa rien paraître.

-"Remonte dans ta chambre, nous parlons affaires." Ordonna-t-il d'une voix glaciale sans même daigner regarder l'enfant une seconde de plus, ayant perdu tout intérêt.

Le soupir d'Irène se fit entendre jusque dans les cuisines.

Elle hocha la tête, lâchant Mattheo du regard avant de prendre la fuite.

Et ce dernier retourna à sa place, quelque peu perdu mais pas assez stupide pour ne pas comprendre que quelque chose se tramait.

Et qu'il n'était, visiblement, pas au courant.



Nᴇᴍᴇsɪs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant