~Sixty-five

536 48 14
                                    

-"J'ai un garçon à récupérer pour mon paternel."

Mattheo attendit que Blaise, Théo et Pansy soient à l'écoute, sur le canapé de la salle commune.

-"Il est en première année, il s'appelle Raphaël Guedin." Il les fixa tous les trois. "Cherchez-le et ramenez-le moi ce soir."

-"Pourquoi est-ce que tu veux notre aide ?" Pansy leva un sourcil.

-"Parce que ça ira plus vite." Rétorqua Mattheo. "Blaise, j'ai autre chose pour toi."

Il s'avança vers lui et lui balança quelque chose à la figure que le garçon rattrapa de justesse.

-"Offrez-lui ça et excuse-toi." Dit-il alors et, les mains dans les poches, il fit demi-tour pour aller chercher de quoi manger dans la Grande Salle.

Blaise abaissa le regard vers la paume de sa main, fixant un long moment le sac rempli d'élastiques à cheveux.

Il fronça les sourcils, ne comprenant pas. Puis, relevant les yeux, il aperçut Irène qui descendait les escaliers à toute vitesse et scrutait chaque recoin, semblant à la recherche de quelqu'un, avant de soupirer de bonheur en ne l'apercevant visiblement pas.

Blaise se leva alors, alla la chercher.

-"Eh, Irène." Appela-t-il.

La jeune femme sursauta en se tournant vers lui.

Il la regarda, un long moment.

Elle avait calé ses cheveux derrière ses oreilles. C'était la première fois, semblait-il, qu'il apercevait l'entièreté de son visage.

S'il s'y attardait, il arrivait presque à entrevoir la silhouette de sa mâchoire qui était identique à celle de leur mère.

En réalité en les mettant tous les trois à côté, c'était elle qui lui ressemblait le plus.

Au fond, c'était peut-être pour ça que leur mère la haïssait plus que tout.

Parce qu'elle se détestait elle-même malgré tout.

Elle était le parfait mélange entre le monstre qui hantait ses nuits et sa propre âme qu'elle avait salit.

Irène était l'euphémisme de sa vie.

Alors que Blaise, lui, représentait tout ce qu'elle avait tant aimé et qu'elle aurait tant souhaité garder à jamais.
Il avait la même couleur de peau que l'homme qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer, avait le même visage, la même lueur dans le regard.

Il était là, le problème.
Lucrezia ne voyait en ses enfants que leurs parents.
Elle n'arrivait pas à les voir tels qu'ils étaient vraiment.

Elle en détestait une, en adulait l'autre.
C'était le même problème posé différemment.

Il tendit son cadeau, qu'Irène fixa sans comprendre.

-"C'est pour toi." Dit-il alors. "Tu as un beau visage."

Il eut un sourire gêné. Ça n'avait jamais été compliqué, de parler aux gens. Blaise s'en sortait plutôt bien, il était extraverti et sûr de lui.
Alors pourquoi est-ce qu'il avait autant de mal à exprimer ce qu'il ressentait pour elle ? Il n'arrivait pas à lui avouer à quel point elle comptait.

Irène attrapa le sac, souriant pour le remercier.

Blaise abaissa le regard, le posa partout autour d'elle sans jamais oser la regarder, elle.

-"Je suis content que tu sois ma petite soeur." Lança-t-il de façon anodine.

C'était une façon de s'excuser, pour lui. Une façon de lui montrer qu'il avait dit des bêtises.

Mais pour elle, ça signifiait tout autre chose.

Ça signifiait le monde et l'univers en même temps. Ça signifiait qu'il l'aimait non pas parce qu'elle était sa sœur mais que justement il l'aurait aimé même sans l'être. Ça signifiait qu'elle n'était pas un fardeau pour lui parce qu'au contraire il l'acceptait telle qu'elle. Ça signifiait qu'elle avait beau être issue d'une union de terreur, il voyait en elle bien plus que tout ce qu'elle se reprochait.

Ça signifiait que pour lui elle n'avait jamais été autre chose qu'une soeur qu'il aimait.

Blaise n'attendait rien d'elle. Après tout Irène ne parlait presque jamais.
Il voulait simplement le lui dire, puis partir.

-"Je te rendrais fier." Dit-elle alors et il releva la tête, les yeux grands ouverts tandis que le visage d'Irène resplendissait. "Je deviendrais celle dont tu seras fière, Blaise. Pas seulement celle dont tu es satisfait."

Elle aperçut les étincelles dans ses pupilles qui se rallumaient.
Elle ne les avait jamais aperçus avant, elles avaient toujours été présentés mais ce n'était jamais grâce à elle qu'elles brillaient de cet éclat si ardent.

Il sembla vouloir dire quelque chose mais les mots ne sortaient pas, il tentait encore de saisir les informations et elle eût un rire spontané en le voyant ainsi.

Elle lui tendit un élastique avec amusement et il le saisit immédiatement avant de se mettre derrière elle et de prendre ses cheveux.

Il n'arrivait pas à tous les attrapers, ils étaient tellement longs et tellement fins qu'ils glissaient entre ses doigts comme du sable séché.

Après plusieurs minutes où elle fixait le mur face à eux en sentant les mains du garçon s'empêtrer sur son crâne, il serra enfin l'élastique jusqu'au bout et laissa la masse retomber dans son dos.

Il l'attrapa par les épaules pour la retourner et la fixa avec de grands yeux.

-"Tu es très belle." Complimenta le garçon.

Il eut un sourire en voyant le bout de ses oreilles rougirent.

-"Ça ne te donne pas mal au crâne, tout ce poids ?" Il fronça les sourcils en désignant sa tête et elle haussa les épaules.

-"Je ne me les suis jamais coupé." Répondit-elle. "Je suis habituée."

Il ricana, passant sa main sur son crâne chauve.

-"Moi, je n'ai pas ce problème." Il lui fit un clin d'oeil et elle eût un rire.

Ils ne parlèrent plus de ce qu'ils s'étaient racontés. Ne discutèrent plus de cette sombre période de leur fraternité.

Il passa son bras sur ses épaules et l'amena jusqu'au canapé où Théo la complimenta sous toutes les coutures et Pansy refit la queue de cheval de Blaise qui ne ressemblait à rien.

Irène ne pouvait pas les voir, mais les trois amis virent avec précision les immenses scintillements qui éclairaient ses émeraudes silencieuses en cet instant de chaleur.

Nᴇᴍᴇsɪs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant