En corps de toi

Chapitre 26

     L'appréhension n'apparaissait pas sur son visage qu'il gardait fermé. S'asseyant à la table réservée à son nom, il feuilleta la carte des boissons pour patienter. L'air humide était encore pesant et il commençait à avoir chaud avec cette chemise crème.

     Clarke jeta un rapide coup d'œil à sa montre : 19h02. Elle ne devrait plus tarder, elle savait bien qu'elle n'avait pas besoin d'arriver en retard pour être désirée.

     Il regarda alors autour de lui, et tenta de focaliser son attention sur la beauté du lieu. Chaque table, isolée les unes des autres, était disposées concentriquement autour d'un luxueux bassin dont l'eau bleu clair berçait doucement quelques fleurs de Tiaré à sa surface. Chacune des tablées se trouvait abritée par une coupole de plantes grimpantes qui donnaient de la couleur à la décoration. La place que Clarke avait réservée se trouvait à quelques mètres au-dessus du niveau du lagon sur lequel elle offrait une vue magnifique. Le soleil qui n'était plus très haut dans le ciel y était pour beaucoup. Le crépuscule opale et aigue-marine était absolument somptueux et venait achever le tableau.

     Un décor de rêve pour une charmante femme qui faisait maintenant son apparition à l'autre bout du restaurant sous le regard appréciateur de Clarke. Les deux jeunes gens se jaugèrent de loin avant qu'Anissa n'arrive à sa portée, conduite par un serveur. Clarke se leva alors, la complimenta, et l'invita à s'asseoir.

— Je nous ai réservé un plateau de fruits de mer avant de venir, c'est la spécialité du restaurant. Mais on peut changer si tu n'aimes pas ça, il n'y a pas de soucis.

     Merde c'est pas lui au menu ?

— Oui, très bon choix, approuva Anissa d'un sourire naturel.

     Sentir le regard perçant de cet homme sur elle la rendait nerveuse. Sans alcool dans le sang, elle se sentait soudainement moins à l'aise mais essaya de n'en rien laisser paraître. Je fais plus la maligne d'un coup bordel.

     Un serveur parfaitement ajusté parut pour prendre les commandes ce qui permit à Anissa de retrouver une respiration stable et un peu d'aplomb.

— Qu'est-ce que tu souhaites boire, lui demanda Clarke.

— Quelque chose de fort !

     Elle se rendit compte de l'empressement dont elle venait de faire preuve pour répondre. Clarke leva un sourcil, visiblement amusé. Merde, n'importe quoi que je sois plus à l'aise !

— Barolo Granbussia, ça te dit ?

— Je n'y connais pas grand-chose en vin, mais je te suis.

— On va vous prendre une bouteille, de 2006 si vous avez.

     Le serveur acquiesça et disparut aussitôt.

— La soirée d'hier t'a-t-elle été agréable ? demanda Clarke, en s'avançant sur son siège.

     À quoi fait-il référence exactement ? Quand il m'a mangé le coup ?

— Agréable est bien le mot. Le lieu était magnifique en plus, comme ici d'ailleurs.

— C'est vrai, je n'avais jamais vu un cadre pareil. C'est le plus bel endroit de l'hôtel j'ai l'impression.

— La piscine à débordement est sympathique également. Mais je ne t'y ai pas vu aujourd'hui. Tu as eu du mal à te remettre d'hier soir ? questionna Anissa amusée.

— À vrai dire, je me suis réveillé assez tard. Et puis je suis allé à la salle de sport, elle est vraiment fonctionnelle. Je te la conseille si tu n'y es pas encore allée.

— Non, je n'ai pas eu l'occasion. Et puis, en vérité, je ne sais même pas où elle est, avoua Anissa.

— À côté du bar de l'entrée, il faut descendre les escaliers sur la droite. Mais le bar, ça, tu sais très bien où il est non ?

     Anissa se mordit la lèvre pour ne pas rire tandis qu'un sourire railleur s'était formé sur le visage du jeune homme. Elle fut alors déconcentrée par sa bouche et sans savoir pourquoi, se sentit obligée de détourner les yeux.

— Ah oui ? Non je ne connaissais pas non plus son existence. C'est toi l'expert ici il me semble, tu me l'as démontré à plusieurs reprises déjà, rétorqua-t-elle d'un ton malicieux.

— Ce n'est pas faux, je te le concède. Mais je pense réellement que le plus qualifié reste Romuald.

     Anissa approuva. Le serveur reparut au même moment une imposante bouteille dans la main. Il la posa sur la table, l'ouvrit et versa du précieux breuvage dans chacun des verres à vin en cristal. Il se posta à côté du couple et attendit. Clarke porta le verre à sa bouche sans quitter des yeux Anissa et but une gorgée.

— La cuvée vous plait, monsieur ?

— Délicieuse, merci.

     Anissa se tortilla sur sa chaise sous ce regard troublant. Les paroles de Clarke semblaient résonner comme tout autre. Le serveur partit, sans qu'aucun deux ne lui jette un regard.

— Tu aimes ?

— De quoi tu parles ?

     Clarke jeta un regard au vin qui remplissait le verre d'Anissa. La jeune femme tenta alors de se ressaisir et laissa le liquide tiède couler dans sa gorge. Des arômes agréables de prune et de cerise vinrent finement caresser son palais. Exquis.

     Sûrement un des meilleurs qu'elle ait bu de sa vie. Peut-être que l'homme qui se tenait devant elle influençait son jugement.

— Tu as très bon goût. J'aime beaucoup, dit la jeune femme.

     Clarke lui sourit discrètement.

— De quoi parlions-nous déjà ? demanda Anissa.

— De la vodka comme philosophie de vie de Romuald. En parlant de lui d'ailleurs...

     Clarke avait une question qui lui trottait dans la tête depuis un moment déjà. Il se lança alors.