Chapitre 83

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     Lorsqu'il l'entendit arriver, Clarke releva la tête vers elle.

— Anissa c'est toi ? Qu'est-ce que tu fais là ? interrogea-t-il inquiet.

— Je te retourne la question, dit-elle en s'asseyant à côté de lui.

— J'ai besoin de me calmer.

     Sa voix tout comme son regard s'étaient radoucies, bien loin de ce qu'ils étaient quelques minutes avant. Anissa l'observa du coin de l'œil. En plus de sa coupure au menton, son arcade sourcilière était ouverte. Clarke l'essuya de son bras en sentant une nouvelle goutte de sang dégouliner de sa plaie. Le regard d'Anissa se posa sur sa chemise jetée au sol qui avait visiblement servi à éponger tout le sang.

— Tu as foutu un sacré bordel, là-bas.

— Ne m'en parle pas. Je n'ose même pas imaginer. Et encore moins penser ce à quoi ressemblera le reste de mes vacances.

— On se pose la même question apparemment.

— Anissa, souffla Clarke tout en se tournant vers elle. Tu te rends compte de ce que j'ai fait ce soir ? J'ai foutu ma vie en l'air.

     Anissa déglutit, le regard dans le vide.

— Elle était déjà en l'air ta vie, Clarke.

— Plus de retour en arrière possible maintenant. Je ne sais pas quoi faire...

     Il passa la main dans ses cheveux avant de se masser la nuque. Malgré la faible lumière, Anissa constata qu'il avait les phalanges éclatées et couvertes de sang. Un frisson la parcourut. Ce devait surement être très douloureux. Elle releva les yeux vers son visage et le vu prendre une profonde inspiration. Et comme pour se soulager ou espérer mieux faire comprendre son geste, il ne parvint plus à garder le secret.

— C'est avec Aymen que Mélonie... Il y a quelques mois. C'était trop dur à supporter de les voir ensemble après ça. De le voir te tourner autour en plus a été difficile à accepter.

     Anissa ferma les yeux et se prit la tête entre les mains. Elle mit un temps à répondre, sans doute l'avait-elle deviné inconsciemment.

— Voilà qui explique cette guerre d'egos... Je me suis déjà posé la question je t'avoue. Ils sont toujours restés assez proches.

— Je ne te le fais pas dire.

     Son ton était calme, sans doute Clarke était-il lassé par ces histoires. Il s'était déconnecté de la réalité comme pour mieux tenir le coup. Cependant, il ne sembla pas vouloir en parler davantage. Anissa n'insista pas, mais le fil conducteur lui apparaissait maintenant. Mélonie et Aymen, leur façon de se parler, de rester ensemble... C'était d'ailleurs lui qui avait invité le couple sur le bateau, il ne manquait pas d'air. Mais que Clarke ait pu accepter cette situation traduisait le mal-être intérieur qu'il devait vivre et affronter.

— Pour l'instant si tu veux mon avis, rentre te soigner et te reposer. La nuit porte conseil et tu as besoin de dormir. Je pense que l'alcool n'a pas aidé, remarqua Anissa d'une voix douce en se relevant.

— Je n'y retournerai pas, si c'est ce que tu essayes de me faire faire.

— Non. Je te parle de retourner à l'hôtel. Mais je ne sais pas trop comment, c'est sûr qu'il n'y a pas de taxi à cette heure. Merde.

— On peut marcher.

— Marcher ? Ça fait un bout jusqu'à là-bas, non ?

— Non, je ne pense pas. Le motu n'était pas très loin. On a juste suivi le rivage, je m'en souviens. On a dû faire dix minutes de bateau tout au plus.

— Tu te sens de marcher jusqu'à l'hôtel ?

— Bien sûr. C'est plutôt à toi qu'il faut demander ça ! s'exclama-t-il tout en se levant. 

     Il ramassa au passage sa chemise restée sur le sol et un rictus de dégoût traversa son visage en constatant l'état de cette dernière. 

— Fais le malin.

     Ils prirent alors ce qu'il pensait être la direction de l'hôtel tout en suivant le bord du lagon. Les bruits animaliers n'avaient cessé. Mais ni Clarke ni Anissa ne souhaitaient troubler ce doux murmure de la faune malgré leur cerveau au bord de l'implosion et leurs pensées tiraillées. Chacun avait bien trop à réfléchir. Et le silence n'était pas de ceux gênants que l'on souhaite briser, bien au contraire, il apaisait les esprits.

     Le chemin finit par déboucher sur une route dégagée après une demi-heure de marche.

— Tu vois le bâtiment là-bas ? demanda Anissa.

— C'est l'hôtel, tu penses ?

— Ça y ressemble beaucoup. La façade est encore allumée.

     Arrivés sous la lumière de l'entrée, Anissa se retourna vers Clarke.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda ce dernier en s'arrêtant.

     La jeune femme observa son visage.

— Il ne t'a pas loupé non plus.

— Ça va, ne t'en fais pas. Il a pris plus que moi.

— Ne regarde pas la réception quand tu rentres. Et évite les agents de sécurité, tu fais peur à voir, dit Anissa en pénétrant dans le bâtiment.

— Merci ! C'est agréable ça.

— Allez, viens !

     Ils traversèrent le hall sans grand encombre. Il n'y avait qu'un réceptionniste quelque peu étonné toutefois de voir entrer deux vacanciers à cette heure-ci. Les extérieurs étaient vides et ils ne croisèrent personne jusqu'à la porte du bungalow de Clarke. Ce dernier tata ses poches d'un air inquiet.

— Fait chier, je n'ai pas ma clef de chambre. C'est Mélonie qui l'a gardé.

— Et qu'est-ce que tu veux faire ? Vu ta tête, on ne peut pas aller demander les clefs à la réception. Peut-être que Mélonie est rentrée.

— Je ne pense même pas qu'elle soit revenue. À coup sûr, elle se lamente encore dans les bras d'Aymen.

— Bon, c'est bon, viens dans mon bungalow. Il faut que je te soigne de toute manière vu que tu n'as pas l'air de vouloir le faire.

En corps de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant