Chapitre 31

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— Mais c'est pas possible d'être aussi bête !

     C'est la tête encore dans les vapes qu'Anissa sortit de son lit pour se rendre à la salle de bain. Sa tête bourdonnait. Les souvenirs de la veille lui revenaient en mémoire par brides. Elle regarda avec dégoût, dans le miroir, son visage encore maquillé. Sa bouche était totalement endolorie et son corps irrité par le sel de l'eau de mer.

— Qu'est-ce que j'ai foutu !... Pourquoi j'ai été prendre cette pilule de merde ? Ça m'apprendra à accepter n'importe quoi.

     Son énervement cachait en réalité beaucoup de honte. La honte d'avoir ainsi sauté sur Clarke, d'avoir laissé son désir exploser sans y poser de limites. Surtout face à un homme qui n'avait pas envie d'elle dans cette situation.

     Peut-être l'avait-elle dégoûté ? Cette pensée fit mal à la jeune femme. Elle avait l'impression d'être Romuald le lendemain de sa cuite. Rongée par les regrets et la honte oserait-elle le regarder en face de nouveau ?

     Plus elle essayait de se souvenir de la veille, plus de douloureux flash-back lui revenaient en mémoire, effaçant à chaque fois un peu plus son espoir de pouvoir encore se rattraper. Clarke pourrait peut-être faire abstraction de tout ça, mais pas elle. Anissa était trop entière pour faire comme-si de rien n'était.

     Balayant alors les désagréables images, elle entreprit amèrement de faire sa toilette dans le but fantasmé de rattraper les dégâts de la veille. Pour ne pas trop être reconnaissable, elle s'attacha les cheveux en un chignon tiré et mit d'épaisses lunettes noires. Cela ne serait sûrement pas suffisant pour passer inaperçue mais c'était déjà un bon début. Pas le temps de plus se préparer, il fallait faire vite car son travail l'attendait. La motivation n'y était pas mais les jours filaient beaucoup trop rapidement sur cette île.

     Anissa passa alors sa tête par la porte d'entrée de sa chambre, et s'assura qu'il n'y avait pas de trace de Clarke. R.A.S. 12h00 avait sonné, la plupart des clients devaient être en train de manger.

     En descendant les escaliers aux aguets, elle espéra ne pas se retrouver face au jeune homme et accéléra le pas lorsqu'elle entendit la porte d'une chambre claquer à l'étage. Elle traversa le hall et regarda droit devant elle avant d'accéder aux extérieurs. Mais alors qu'elle marchait vers son lieu de travail habituel, elle aperçut Klanine et Iguel au détour du jardin de l'hôtel. Merde, je n'ai pas envie de les croiser eux aussi.

     Elle se déplaça alors de telle sorte à être à l'exact opposé des deux amis autour de la fontaine principale. Lorsqu'elle arriva au bar, elle s'assit à la même table que d'habitude, endroit où elle savait qu'elle ne serait pas dérangée. Cette place commençait à devenir son sanctuaire.

     Elle commanda un diabolo qu'elle sirota tout en évacuant son stress. Mais le répit fut de courte durée car déjà, Romuald apparaissait au bar accompagné d'un groupe de personnes.

— Mais ils se sont tous passés le mot ou quoi ! grommela Anissa. Manquerait plus que Clarke débarque !

     Évidemment, elle savait qu'elle ne pourrait pas rester dans cette situation, et encore moins l'éviter jusqu'à la fin. Mais pour l'heure, Anissa jugea qu'il était encore trop tôt pour avoir une discussion avec le jeune homme sur les événements passés. Sans doute irait-elle lui parler dans la journée s'il ne le faisait pas de lui-même.

     Essayant alors malgré tout de faire abstraction des distractions environnantes, elle sortit son matériel et s'attela à la tâche, malgré son manque d'énergie. La création de tenues était la partie de son travail qu'elle préférait. Des courbes voluptueuses, des traits fins et des textures douces se mélangeaient à des couleurs tropicales et variées. Pour une partie de sa collection, Anissa voulait s'imprégner des vahinés, ces femmes si élégantes et modernes qu'elle avait déjà croisées plusieurs fois sur l'île. Ce qu'elle désirait, c'était abolir le stéréotype de la vahiné classique en la représentant avec un regard contemporain. Il s'agissait en effet d'une femme indépendante et active dans la société en pleine ouverture sur le monde, loin de l'image sexualisée et produit marketing que l'on pouvait en avoir.

     Son travail avançait bien et Anissa tint à mettre au courant Anthony, qui étonnamment se faisait beaucoup plus discret ces derniers jours. Sans pour autant contrarier la jeune femme, loin de là, ce silence était plus qu'apaisant. Leur altercation de la dernière fois l'avait sans doute calmé. Avoir vu ainsi sa supériorité d'homme mise à rude épreuve n'avait pas dû lui plaire. Pauvre de lui...

     Mais Anissa contrairement à Anthony savait faire la distinction entre le professionnel et le personnel. Être conciliante avec ses collaborateurs était important pour elle. Elle mit donc ses différents de côtés et l'appela rapidement en fin de journée. Une discussion courte et polie, qui alla à l'essentiel, mêlée sans doute d'un peu d'hypocrisie. Anissa raccrocha soulagée. C'était une bonne chose de faite.

En corps de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant