Chapitre 68

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     Anissa acquiesça. Elle en avait pas mal à vrai dire. Différentes de celles qu'avait traversées Jemma mais elles avaient tout de même eu leur importance dans sa vie et avaient parfois été très dures à surmonter. La mort de ses parents il y a deux ans s'imposa directement à son esprit. Mais impossible pour elle de le raconter à Jemma, le trou béant que cela avait laissé dans sa poitrine ne s'était jamais refermé depuis. Anissa savait qu'elle ne devait pas en avoir honte, mais raconter que sa mère avait été le 26ème féminicide de cette année-là, qui était tombée sous les coups d'un homme trop lâche pour affronter la vie après ça, lui était presque insurmontable. Elle était parvenue à tarir ce triste événement pour que les médias ne s'en emparent pas. Le voir exposé et faire le tour des journaux et plateaux télés auraient fini de détruire ce qu'il restait d'elle. La jeune femme se contenta de parler sa relation passée, qui s'était finie à la même période.

     Grégoire, il s'appelait Grégoire. Il était agent immobilier, de 3 ans son ainé, et Anissa l'avait rencontré dans une soirée sur Paris, organisée par un couple d'amis à l'époque. Cela s'était fait très vite entre eux. Tout était beau, lisse, fantastique au début. Après une année de relation, il l'avait demandé en mariage lors d'un voyage à Santorin. C'était jusqu'à présent l'un des plus beaux jours de sa vie. Mais le mariage avait eu du retard, traîné sur la longueur, pour finir par devenir un projet dans un futur lointain. Entre-temps, la lassitude et la routine s'étaient installées. Et les défauts de l'autre découvert lors de la vie commune n'étaient plus supportables. Il ne la soutenait jamais, ne se remettait pas en question. Leurs emplois du temps étaient devenus difficilement conciliable. Face aux évènements qu'elle avait vécus il n'était pas celui qu'il lui fallait. Une relation qui avait duré trois ans, soldée par l'abandon du navire pour Anissa. Cette décision l'avait beaucoup attristée, car elle avait eu espoir. Mais avec cette fin de relation lui était revenue la liberté.

— Regarde ce que ça a fait de toi Anissa : une femme puissante, belle, intelligente, qui a confiance en elle et est en train de monter un véritable empire.

— C'est vraiment l'image que je t'ai donnée ?

— Je pense que tu le sais pertinemment.

     Anissa lui sourit chaleureusement. Elle se reconnaissait à travers certains des traits de caractère de Jemma et il était rare pour la jeune femme de rencontrer quelqu'un d'aussi optimiste et revanchard qu'elle.

     Anissa aimait voir le meilleur côté d'une personne et en l'espace d'un jour, il lui semblait l'avoir déjà trouvé chez Jemma. Le fait qu'elle n'ait pas peur de se livrer et de dire les choses y était pour beaucoup. Mais on avançait tellement plus vite avec ce genre de personne. C'était des gens comme elle dont Anissa aimait s'entourer. Des personnes qui vous tiraient réciproquement vers le haut et maintenaient votre confiance en vous à son paroxysme.

     Leur conversation s'estompa quand Clara arriva du ponton quelque peu essoufflée.

— Tiens, Anissa, je te cherchais !

     Le court chemin qu'il lui fallut encore parcourir avant d'arriver devant les deux femmes sembla être éprouvant. Ses talons d'une dizaine de centimètres et sa robe blanche serrée devaient en être en grande partie responsable.

— Oui, je te l'ai acheté.

     Anissa sortit alors un paquet de cigarettes de sa pochette qu'elle lui tendit.

— Merci ma puce, c'est gentil, je n'aurais jamais eu le temps de le faire. Je viens tout juste de raccrocher avec David. Enfin bref, je pense que ce soir ça risque de virer au drame !

     Clara s'assit à côté de son amie sous les yeux amusés de cette dernière et de Jemma.

— Au drame ? répétèrent-elles en chœur.

En corps de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant