Chapitre 52

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     Clarke laissa alors s'écouler quelques secondes. Hésitant, son regard fuyait. Il se racla la gorge puis finit par lancer.

- Elle m'a aussi trompé.

     Dans cet aveu, il inspira lourdement, comme si le poids du monde venait de lui être retiré des épaules. Mais même devant son expression tourmentée, Anissa n'en crut pas un mot.

- Arrête je t'en prie. Arrête les mensonges, déclara-t-elle d'une voix tranchante.

- Non pourquoi je mentirais ? Je parie que même Clara le sait.

- Tu me parles de la femme qui ne cesse de te coller et de te regarder amoureusement ? se remémora Anissa sceptique. Ah, voilà qui m'éclaire maintenant, tu t'es servi de moi pour te venger ! Je suis ton petit joker de la semaine !

- Non, ça par contre non. Je...

- Mais quel type de connard non identifié es-tu encore, toi ? s'emporta la jeune femme.

- Et Anissa, c'est bon, arrête-toi, lui murmura Clarke en attrapant ses mains pour la calmer.

- Mais lâche-moi ! Tu entends ce que tu me dis ! Tu as vu ce que tu m'as fait ! s'exclama-t-elle en essayant de se dégager de son étreinte.

     Clarke plongea ses yeux noircis dans ceux d'Anissa.

- Anissa ! Écoute- moi ! ordonna-t-il.

     La jeune femme détourna le regard. Elle ne voulait plus croiser ces yeux qui la chamboulaient tant. Clarke attendit quelques secondes que certains clients indiscrets arrêtent de les observer. Il la prit à bout de bras et continua d'un ton adouci.

- La relation que j'ai eue avec toi n'a en aucun cas servi de vengeance... Quand je te regarde, mes yeux respirent le désir, même encore maintenant. Je n'y peux rien c'est comme ça, tu as ce pouvoir sur moi.

     Anissa ne dit mot. Elle l'observa quelques instants. Il était à la fois si proche d'elle mais si loin. Là, avec ce regard bleu profond posé sur elle, Anissa sentit son cœur se serrer. Il avait réussi à la toucher en si peu de temps. Et maintenant, ils se retrouvaient pris dans cette triste discussion où elle essayait sans grande réussite de paraître froide et détachée. Elle aurait voulu lui sauter à la gorge, l'insulter, le gifler. Comme elle aurait pu l'enlacer, le caresser et l'embrasser.

- Ce pouvoir, apparemment Mélonie ne l'a pas, constata Anissa en se retirant de l'étreinte de Clarke.

     Ce dernier se replaça alors sur la rambarde et ferma les yeux, comme s'il s'avouait vaincu. Son front qui demeurait plissé jusqu'alors se détendit.

- Là n'est pas la question...

- Si. Là est toute la question. Si tu étais sûr de tes sentiments, tu n'aurais jamais eu le besoin d'aller voir ailleurs. Il y a des incohérences dans tout ce que tu dis. Tu ne sais même pas où tu en es. Enfin, de toute manière, je ne parierais pas grand-chose sur votre relation.

- Moi, j'essaye d'y croire encore mais je ne peux pas si tu comptes lui en parler.

- Donc tu n'es pas venu pour t'excuser, déduisit Anissa écœurée.

     Elle n'osait même plus poser les yeux sur cet homme. Comme elle aurait voulu être ailleurs... Ce motu à l'autre bout du lagon lui semblait alors être l'endroit le plus désirable sur Terre.

- Bien sûr que si ! C'est avant tout pour ça que je suis là. Tu crois que je vais bien après t'avoir fait endurer ça ?

     S'en était plus qu'elle ne pouvait supporter. Elle puisa alors dans le peu d'énergie qu'elle avait encore pour détacher son regard de l'horizon et observer l'homme en face d'elle, les yeux remplis d'amertume et de douleur.

- Tu as joué avec moi durant une semaine entière, à me dire ce que je voulais entendre et à me bercer d'illusions. Tu as profité de moi pour te rassurer sur ton pouvoir de séduction et pour satisfaire tes envies. Et maintenant tu oses venir me voir pour me demander de la fermer sans même essayer de t'excuser. C'est bon, j'ai compris. Je pensais vraiment que t'étais quelqu'un de bien Clarke, conclut Anissa les yeux embués de larmes avant de tourner les talons.

     Le jeune homme l'avait écouté sans sourciller. Du moins en apparence, car son cœur s'était retourné devant la véracité de ses propos et face à la peine qu'il lui causait. La blesser était la dernière chose qu'il aurait voulue. Mais dès le départ il savait que cela allait se terminer ainsi. Comment s'attendre à une autre fin quand on se mettait dans ce genre de situation ?

     Cependant, il l'avait voulu. Il l'avait désiré et s'en était délecté même, car cette histoire, il l'avait vécue avec Anissa et pas une autre. Il la rattrapa alors avant qu'elle ne soit hors de portée.

- S'il te plaît, reste. Je n'ai pas fini, lui demanda le jeune homme en lui prenant le bras.

- Moi si, dit Anissa le souffle court. On n'a plus rien à se dire Clarke.

     Il la décala alors en dehors du chemin passant et jeta un coup d'œil vers l'endroit où était censé se trouver Romuald. Pas de signe de son ami. Clarke continua alors.

- J'appréhende beaucoup la semaine à venir...

- Tu t'es mis tout seul dans cette situation. Si Mélonie doit l'apprendre, elle l'apprendra.

- Tu vas donc lui dire ? demanda Clarke en relâchant le bras d'Anissa.

- Si j'avais voulu parler, je l'aurais fait dès le début.

     Au même moment une goutte tomba sur la bouche du jeune homme. Anissa l'observa attentivement couler sur sa lèvre inférieure charnue, sans doute préférant mettre son attention dans quelque chose d'autre que cette discussion décousue. Mais cette partie du visage de Clarke n'était vraiment pas la meilleure pour ça. Elle sentit un courant électrique parcourir intégralement chaque parcelle de son corps et embraser son sang. Putain comment c'est possible...

- Et comment savoir si tu ne changeras pas d'avis ?

- Je ne suis pas comme ça. Si ça se sait tout de même, tu auras eu ce que tu mérites.

- Ce que je mérite ?

     Anissa sentait l'air lui manquer. Ses narines se dilatèrent et sa bouche se tordit. Elle ne pouvait endurer plus. Les yeux de Clarke, emplis de craintes, scrutaient le visage de la jeune femme dans l'attente de sa réponse. Elle prit alors une profonde inspiration.

- Oui, Clarke. Tu pourras autant que tu le souhaites essayer de nous oublier, tu ne réussiras pas. Tu le sais bien et c'est pour ça que tu es là devant moi à me demander de rester. Mais rester pour quoi au juste ? Pour me convaincre de ne pas parler ou pour ne pas me perdre ? Tu es une personne bien culottée, conclut la jeune femme avant de partir.

     Clarke sentit son sang vider son corps. Elle avait vu juste sans même qu'il se soit clairement prononcé. Il était bien tiraillé entre ces deux femmes. L'une représentait aussi bien la stabilité, l'avenir, que l'enfermement et la contrainte. L'autre était le désir, le bonheur et la fougue comme le péché.

     Et s'il se trompait ? Et s'il restait avec Mélonie par simple habitude ? Lui qui aimait côtoyer sensations fortes et plaisirs inopportuns. Était-il réellement prêt à accueillir l'idée qu'il ne pourrait plus jamais jouir de sa vie comme il l'entendait en restant avec sa fiancée ?

     Tromper Mélonie avec une femme qu'il connaissait depuis peu semblait clairement énoncer le contraire. Mais cette attirance pour Anissa, cette compatibilité et ce désir mutuel... En quelques jours, elle semblait avoir détruit toutes ses certitudes.

     Il la regarda disparaître de son champ de vision sous la pluie s'intensifiant. Son cœur se serra plus fort... Oh Mélonie, qu'est-ce que je suis en train de faire ?

En corps de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant