Chapitre V

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Ilona Lazykwartz

   Je me sens humilié.
  Quelqu'un, un garçon que je ne supporte pas, m'a vu nu. Complètement à poil ! Enfin, non, pas totalement. J'ai une serviette autour de ma taille. Mais tout de même. Je dois être rouge comme une pastèque. Je ne sais pas comment je vais faire pour sortir d'ici. Ma valise est dans le salon, j'ai pris mes fringues mais… oh merde. Ma culotte, je ne l'ai pas. Putain, je suis dans la merde.
  Je sursaute d'un seul coup et mon cœur arrête de battre soudainement.
— Sors, s'il te plaît.
— Non, bégayé-je.
— D'acc, mais je te préviens, je te sers pas à bouffer, soupire-t-il.
  Je l'entend s'éloigner.
  J'arrive de nouveau à respirer.
— Pas mal la culotte à petit pois.
  Ma mâchoire se serre et mes joues deviennent rouges.
  C'est humiliant.
— Donne-la moi, bégayé-je lamentablement.
— Alors en échange, tu vas m'expliquer gentiment ce que tu fiches chez moi.
— Chez toi ? Mais c'est pas toi que j'ai vu ce jour-là…
— De quoi tu parles ?
— Je devais être chez Sarah normalement.
  Il ne me répond plus et je n'ai plus aucune force dans les jambes. Je m'écroule bêtement sur le sol en serrant mes jambes contre ma poitrine. Il s'en va de ma porte, j'entends ses pas qui s'éloignent mais en même temps, il commence à râler.
  Je crois que j'ai besoin d'avoir une petite explication. Sarah ne peut pas m'avoir berner. C'est quoi l'intérêt sinon ? J'ai besoin d'en avoir le cœur net.
  Mes paupières sont lourdes, je rêve mais j'oublie aussitôt ce dont j'imagine car on toque à la porte
— Hé… je peux te la rendre ta culotte ?
— Si seulement tu pouvais éviter de dire ce mot, lâché-je gêné.
  J'ouvre tout de même la porte pour y passer mon bras et récupérer mon sous-vêtement. Mes mains tremblent encore alors que la porte est de nouveau fermée.
— J'ai appelé ma sœur.
  Je sursaute.
  Je pensais qu'il était parti, que j'étais à nouveau seul et c'est ce que j'aurais préféré après cet horrible incident. Je suis persuadé que ça restera ancré dans ma tête jusqu'à ma mort.
— Pourquoi ?  Demandé-je.
— C'est ma sœur qui a dû organiser ça. Elle s'appelle Sarah.
— Ah…je vois…
  Je me sens horriblement gêné. Un goût amère est bloqué dans ma gorge. Je ne me sens pas bien. Je suis en colère, une boule se forme dans le creux de mon estomac et ne cesse de prendre de la place. Je viens de me faire arnaquer, tromper et le pire c'est que je n'ai rien vu. Elle était si amicale, adorable, gentille. Je n'avais rien vu. Je me déteste. Je suis putain de naïve bordel.
  J'arrête de respirer quand j'entends la sonnette.
  En vitesse, je m'habille et aussitôt prête, je sors de la chambre.
  Dès que je la vois, je ne me contrôle plus.
— Qu'est-ce qui t'a pris de m'arnaquer ?
  Elle me regarde avec des remords, comme si elle regrettait sincèrement son erreur. Cependant, c'est plus fort que moi. Je n'arrive pas à éprouver la moindre empathie envers elle. Je n'en ai pas la force.
— Je suis désolée…
— J'en ai rien à foutre de tes excuses, lâché-je. Je me casse.
  Je fourre ma serviette en bordel dans mon sac à main, je prend ma valise et me dirige à toute vitesse vers la sortie.
  Je me mord la lèvre. Je suis brisée, détruite, humiliée. Je vais encore devoir dormir à l'hôtel, comme une nomade, une putain de SDF. J'ai la sensation que jamais je ne pourrai avoir une vie normale, où je ne me prendrai pas la tête pour trouver un endroit où loger. Je dois les faire mes études, je n'ai pas le choix sinon jamais je ne m'en sortirai et mon avenir sera comme maintenant. Je dois tout supporter. Seule.
  Je m'écroule au sol.
  Ma main serre ma valise pendant que l'autre est contre ma poitrine.
— Tu fais pitié comme ça.
— Dégage, murmuré-je.
  Je me demande ce qu'il fout ici, pourquoi il m'a suivi alors que c'est un connard. Il est incapable de réfléchir ce mec, c'était l'un des premier à me faire chier le premier jour.
— Aller. Viens, insiste-t-il. Tu ne vas pas rester là non plus.
— Pourquoi pas…
  Je l'entend soupirer mais d'un seul coup je crie lorsque son bras s'enroule autour de ma taille pour me faire atterrir sur son épaule.
— Tu fous quoi bordel ? Lâche-moi !
— Ordre de Sarah, tu restes chez moi au moins ce soir.
— Hors de question ! Pose moi par terre abrutis !
  Je n'ai même pas le temps de crier davantage que je me trouve à nouveau dans son appartement.
  Lorsqu'il me pose à terre, je croise le regard triste de Sarah.
— Je suis désolée de t'avoir menti…
— T'as intérêt à t'expliquer, lâche froidement son frère qui s'assoit sur l'une des accoudoirs du canapé.
  Je l'entend déglutir.
  La manière dont elle est positionnée me remémore des souvenirs enfouis que j'aurais préféré ne pas avoir. On dirait une enfant qui se fait engueuler par ses parents.
— J'ai vu sans faire gaffe, l'argent d’Axel. Ce qui lui reste et je me suis dit que vivre en colocation ne serait pas une mauvaise idée… ça pourrait vous aider tous les deux. Toi, si tu continues, tu ne pourras plus payer le loyer. Tandis que toi, Ilona, tu ne dormiras plus à l'hôtel.
— Alors j'avais pas rêvé, murmure-t-il.
  Je ne prends même pas la peine de répondre tellement je suis mal à l'aise.
— Ensuite, je me suis dit que ça ne serait pas si mal si tu vis avec quelqu'un.
— Je suis bien tout seul, qu'est-ce que ça peut te foutre ? Rétorque-t-il.
— Quoi ? Je suis ta sœur, j'ai pas le droit de m'inquiéter ?
— Non.
— Je n'ai pas envie de rester ici, avoué-je aussitôt.
— Tant mieux, se réjouit Axel.
— Pourquoi ? S'enquiert Sarah.
— Il m'a vu presque nu ! Je suis humiliée ! Et il m'a rapporté ma culotte… Je préfère rester loin d'ici pour oublier et…pourquoi tu souris ?
— Rien, je pensais pas qu'il s'en passerait des choses ici.
  Elle m'agace d'un coup.
— Je te permet pas.
— Désolée, se tais-t-elle aussitôt.
— En plus, ton frère est un connard. C'est suffisant pour que je ne veuille pas faire de coloc avec lui.
— D'où je suis un connard ? On a pas commencé sur des bonnes bases mais et alors ? Tu me connais pas.
— Ah oui, et c'est pas mon truc de trainer avec des moutons.
  Sarah soupire.
— Bon, d'accord. J'aurai pas dû comploter une coloc entre vous mais, peut-être que vous pouvez réussir à vous entendre sans vous parlez.
— Hors de question, insisté-je. Je dors ce soir et demain je trouve une autre coloc et pas un mec cette fois.
— Très bien, ça me va, se réjouit-il faussement avant de se retirer dans sa chambre.
— J'imagine que je ne peux vous faire changer d'avis.
  Je bascule la tête de droite à gauche alors elle soupire à nouveau en se grattant la nuque.
— Très bien, on ira à l'agence demain matin alors.

  Lorsqu'elle s'en va enfin, c'est le silence de nouveau. C'est pesant, un vide immense et un sentiment de stress qui m'anime de l'intérieur. J'ai besoin de sommeil mais dormir dans cette chambre inconnu me fait tout drôle. Et j'ai beau tourner dans tous les sens, je ne trouve pas le confort dont j'ai besoin. Les murmures que je pense dans la tête sont incessant.

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