Chapitre XXXII

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Axel Grenat

J'étire mes bras aussi haut que je peux tout en bâillant à plein poumon alors que je sors de la chambre. Mon pied sort à peine que je croise le regard de ma colocataire qui sort, elle aussi, de son cocon. On se regarde tous les deux sans un mot.
  — Salut, lancé-je avec un signe de main qu'elle me rend aussitôt avant de se diriger en première dans la cuisine.

J'entre à mon tour et vient à ses côtés pour verser les céréales tandis qu'elle verse le lait dans son bol. Puis sa tête se tourne vers moi.
  —Tu peux me passer mon paquet, s'il te plaît ?

Sans regarder, je lui passe un des deux paquets. Une fois prêts, on s'assoit toujours à côté dans un silence de marbre qui m'empêche de déglutir au risque de faire trop de bruit. Du coin de l'œil mon regard s'attarde sur sa mèche, plus fine et petite que les autres, qui trempent presque dans le lait. J'hésite mais sa main me devance. Je tousse aussitôt avant de boire un coup pour enlever la sensation désagréable qui me pique la gorge.
  —T'as avalé de travers ?

J'acquiesce avant de cogner mon poing contre ma poitrine. Le silence revient quand soudain une deuxième question s'extirpe d'entre ses lèvres :
  — Pourquoi ce n'est pas elle que tu as raccompagnée hier ?
  — Qui ?
  — Emma, insiste-t-elle. D'ailleurs, quand est-ce que tu lui as proposé de venir à la salle ?
  — Ça fait trop de questions, m'étouffé-je.
  — Seulement deux.

  Mes yeux l'observent attentivement. Elle est concentrée sur son petit déjeuner. Sa tête est blasée, un regard sérieux mais surtout infranchissable. Son regard me lance soudain comme des éclairs qui se déchargent comme un long frisson sur mon épiderme.
  — Je l'ai croisée hier, vite fait sur la route en partant de la fac.
  —Je vois, murmure-t-elle. Et pour la première question ?

  Je manque de m'étouffer une deuxième fois. Alors je presse le pas en sautant presque hors de ma chaise pour aller mettre à laver la vaisselle.
  — Prépare toi ! On doit y aller, bégayé-je à moitié.

  Ma porte se ferme puis je me demande qu'est-ce que je fou. On a large le temps. Quoi que, lorsque je pense à tous ces matins où elle se pressent... se préparer avec vingt minutes d'avance ne lui fera pas de mal. Je glousse tout seul dans la pièce quand je l'imagine paniquer en se changeant de en vitesse mais j'arrête de rire lorsque mon imagination part un peu trop loin. Si je pouvais, je me giflerais sur place. Seulement, je me prendrai pour un fou si j'avais un double.
  Je finis ma dernière gorgée quand elle finit par sortir en trombe de sa chambre.
  — Enfin, crié-je soulagé.

  Elle me lâche un regard furieux alors je déglutis avant de la suivre hors de l'appartement. Je retourne seulement en vitesse en arrière pour fermer à clé.

~✧~

  Son petit corps bondit hors de la moto pour se faufiler en vitesse à l'intérieur de la salle. Mon corps parle de lui-même en laissant échapper un long soupir. Je ne sais pas pourquoi mais depuis avant-hier il y a comme une gêne entre nous. Peut-être que je n'aurais pas dû me coller à elle quand je lui montrais les mouvements. Ça lui a peut-être rappelé ce vieux con de la ruelle. Un vide s'installe dans le creux de mon ventre quand je pense à ce fossé que j'ai créé sans le vouloir.
  Casque sous mon bras, j'entre à mon tour. La porte des vestiaires se claque, sans avoir vu sa silhouette, au plus profond de moi je sais que c'était elle. Ça me fout mal du coup.
  — Hey !

Je le retourne et je tombe nez à nez sur Emma qui à le sourire aux lèvres et visiblement déjà en tenue, t-shirt large avec un cargo et ses cheveux courts attachés en une petite queue de cheval.
  — On y va ? s'exclame-t-elle impatiente.

  J'acquiesce. Cependant, en même temps que l'on s'approche des punching-ball, je décroche un regard derrière moi sur cette porte à la peinture abîmée.

Après quelques minutes à s'entraîner, lui montrer les mouvements, une silhouette s'approche alors par réflexe je jette un coup d'œil. J'arrête mes mouvements, seuls mes yeux ainsi que mes pensées fonctionnent pour détailler ses formes de haut en bas. En passant par son visage rivé sur le sol jusqu'à sa poitrine mise en valeur par une brassière de sport puis ses hanches larges habillé d'un jogging. Ma tête se secoue dans tous les sens pour se concentrer sur la petite devant moi qui cogne le sac avec ses petits poings. Son corps passe derrière moi, j'ai beau ne pas la regarder c'est comme si elle était en face de moi et que je voyais sa silhouette marché sous mes yeux. Je peine à me concentrer sur mon rôle de coach. Je pince mes lèvres puis soudain une autre silhouette plus baraquée s'avance, mais vers ma colocataire. Du coin de l'œil, je les observe pour tomber sur leur sourire niais. Quel beau tableau. Un vrai petit couple. Sans que je le vois venir, sa main touche les siennes pour la guidée. Ma lèvre inférieure commence à me piquer alors je lâche un petit gémissement de douleur en même temps que je croise le regard inquiet d'Emma.
  —Ça va ?

Je n'ai pas le temps de libérer ma voix qu'elle tourne la tête avant de se retourner face à moi avec cet air de : J'ai compris, tu n'as pas besoin de me le dire de vive voix.
  — Tu l'aimes ?

  Ma poitrine se serre aussitôt. Mes pensées dérivent dans tous les sens, je ne sais pas où donner de la tête. Sa question me perturbe mais pourquoi ? Je connais déjà la réponse pourtant alors pourquoi j'ai autant de mal à lui répondre comme si la vérité était bloquée dans ma gorge.
  — Non, bégayé-je en me grattant la nuque. On reprend ?

Elle lève un sourcil avant de continuer :
  — Axel, je ne suis pas débile. Regarde toi dans un miroir. Tu ne la regardes pas comme une amie. Tu n'as même pas fait attention que je te posais des questions.
  — N'importe quoi, pouffé-je.

  Je détourne le regard d'Emma et de ma colocataire. Elle a tort. Je suis... seulement inquiet à l'idée qu'il lui fasse du mal. C'est tout. Ce gars part tellement en voyage que la distance pourrait lui briser le cœur. Puis ce type est un de mes rivaux, je refuse qu'il vole ma futur fan.

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