Chapitre LXIII

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Ilona Lazykwart

  Les bras croisés, j'affiche une moue.
— Sa fille n'aurait pas dû faire ça.
— C'est vrai, répond Lexi en gobant une fraise décorée de sucre blanc. Elle ne se rend pas compte des peurs de Yikyung.
  J'acquiesce puis l'écran de fin apparaît alors j'en profite pour piquer une fraise à mon tour.
— À suivre ? s'exclame Lexi qui bondit sur le lit avec une mine choquée. Ça va être trop long d'attendre la suite.
  Mon corps bascule en arrière pour tomber sur le matelas doux et moelleux de Lexi.
— Ça va être long, soupiré-je.
  C'est son corps qui bascule cette fois-ci pour se poser à mes côtés. Mes yeux se perdent dans les petites étoiles fluorescentes qui brillent sur son plafond. Mes cheveux sont éparpillés sur le lit et deux mèches sont posées sur la poitrine et descendent jusqu'à la naissance de mon ventre. Mes doigts en saisissent une des deux puis je me tourne vers Lexi.
— Ils ne sont pas un peu trop longs ?
— Un peu, songe-t-elle. Pourquoi ?
  Je repense à cette héroïne de film. Ses cheveux étaient si longs et ils devaient être si lourds. Ça a dû être un soulagement lorsqu'ils ont été coupés. Je n'ai jamais essayé les cheveux courts jusqu'au cou. J'ai toujours eu les cheveux longs ou bien mi-long mais jamais je n'ai osé faire plus court. D'après les gens, se couper les cheveux c'est supprimer une partie de sa vie. On en garde les souvenirs évidemment mais on décide de tirer un trait pour aller de l'avant. Je les trouve courageux.
— Tu en veux ? propose-t-elle en me montrant le récipient de fraise. Il en reste seulement trois.
  Je me redresse et coupe celle du milieu en deux avant de saisir l'une des parties pour la manger.
— Il se passe quelque chose entre toi et Axel ?
  J'arrête aussitôt tout mouvement. Comme paralysé. Elle me regarde, je le sens bien mais parler de lui me ramène à cette soirée où j'ai su la vérité. Et, rien sur ça, j'en ai honte. Alors je la regarde avec un sourire.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Il ne se passe rien, tout roule.
  Mais même si je souris, ça n'arrange rien. Et c'est une évidence. Elle sait que j'utilise ce masque dès qu'on parle de lui, dès que je le croise. C'est comme si je changeais tout d'un coup lorsqu'il est là, lorsque sa voix parvient à mes oreilles, lorsque son prénom est cité. Que ce soit un acteur qui porte son prénom, un personnage, un héro, une personne, tout bascule dans ma tête et je change complètement pour faire l'ignorante. Le pire c'est que j'en ai conscience mais je n'en fais rien. Je garde ce poid en moi, je l'engloutis au plus profond de mon estomac. 
  Son regard peiné me ramène à la surface puis elle poursuit sur un soupir.
— Ça me rend triste de vous voir comme ça, avoue-t-elle. Il est mon meilleur ami et tu es ma meilleure amie. Vous n'êtes plus aussi heureux qu'avant…
  Ma poitrine se serre à ses paroles puis elle ajoute :
— Je connais Axel depuis longtemps, il se sentait bien avec toi. Et toi, je te connais depuis moins longtemps mais c'est une évidence pour moi. Je te connais depuis l'année dernière, j'ai vu comment tu es passé de fille réservé à une fille cool. Parlez-vous…
  J'acquiesce rapidement de la tête. Mon esprit est rempli mais mes idées sont claires. J'ai fait une erreur, à cause de moi il a vu son père. Je l'ai incité à y aller subtilement. C'était de la manipulation. Je croyais que ça allait s'arranger. Je n'aurai pas dû m'en mêler.
  C'est avec mon sac sur mon épaule que je salue la réceptionniste avant de monter dans ma chambre. Je saute aussitôt sur le lit deux places, exténuée quand soudain mon téléphone vibre alors lorsque je lis la notice, je fronce les sourcils. Il va falloir que j'aille faire les magasins mais je n'ai plus d'argent…alors je réponds à son message avec une petite condition.

~✧~

  J'étire mes bras alors que j'arrive à l'université mais une moto s'approche pour venir se poser près de moi. Ma poitrine se bloque aussitôt, mes doigts serrant la lanière de mon sac.
— Faut qu'on parle, dit-il à travers son casque.
  Je soupire avant de reprendre ma marche alors que mon cœur n'arrête pas de cogner ma cage thoracique à toute vitesse. Il a beau être derrière moi, le son de sa moto me fait frissonner quand d'un coup le moteur s'arrête. Mon corps compte s'arrêter mais je persiste quand soudain sa main se dépose sur mon avant bras. Ma poitrine se serre.
— Ilona. Il faut que je te parle.
— Tu me veux quoi bon sang ? Fiche moi la paix.
  Ces mots sont si pénibles. Sortant de ma bouche, ils me dégoûtent et fissurent l'oiseau qui chante dans ma cage thoracique. Il se pince les lèvres avant de continuer.
— Je sais que tu as vu Logan. Je sais tout et… tu n'as pas à t'en vouloir de quoique ce soit.
  Son sourire me transperce la poitrine.
— C'est un vrai manipulateur, ce type. Tu l'as cru, c'est pas grave. C'est de ma faute… j'aurai dû te parler de moi avant, je pense. Alors si tu veux bien qu'on…
  Puis le ventre…
— Redevienne comme avant ? Ce n'est pas pour ça que je suis partie…
  Je déglutis.
  Ces mots vont être atroces à sortir mais c'est pour son bien je pense. Ça sera juste le temps d'une seconde… Je lève la tête et croise pour la première fois depuis longtemps ses yeux bleus océan qui, je l'avoue, m'ont manqué même si bientôt ils seront noyés.
— Axel. Je suis parti parce que je ne t'aime pas. Je te déteste.
  Ça y est, c'est dit. Je peux désormais me morfondre dans ma chambre d'hôtel même si je dois déjà passer cette journée en écoutant en boucle ces mots que j'ai prononcés de ma bouche et qui m'étranglent déjà. Puis nos mains se détachent et mon cœur se brise à mes pieds comme la grêle qui congèle la peau autant qu'elle griffe.

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