Chapitre XLVIII

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Axel Grenat

  Il m'a fallu d'une tape dans le dos pour revenir à la réalité. Je croise aussitôt la tête du blond sauf que mon regard s'attarde sur sa silhouette avec à ses côtés Lexi.
— Lexi a commencé à s'asseoir avec cette fille en début d'heure. Je te le dis, j'ai rien compris.
  C'est vrai que ça m'étonne aussi. D'habitude elle s'assoit avec ses potes. De plus, ce n'est pas dans ses habitudes de changer de place aussi rapidement. Elle n'apprécie pas le changement. Alors, lui et moi on les fixe en continu. Je suppose que les mêmes questions tournent en boucle dans sa tête. Je lâche un soupir lorsque mon téléphone vibre contre ma cuisse alors aussitôt je tourne la tête.
— Arrêt de fixer tes messages sauf si c'est pour une fille.
  Je le foudroie du regard furtivement.
— Je ne suis pas comme toi, moi c'est plus sérieux.
  Soudain il me donne un coup de coude avec un sourire niais sur le visage.
— C'est du sérieux ? pouffe-t-il d'un air taquin. Alors ? Elle s'appelle comment ?
— Ce n'est pas ce que tu crois, soupiré-je.
  Il fait la moue avant d'entourer son bras autour de mon cou.
— Aller, dit moi je suis ton meilleur ami.
— Tu saoul.
  Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. Plus je suis avec lui et plus je remarque ses défauts, son comportement m'exaspère. Avant, je crois bien que je m'en fichais. Au contraire, ça me faisait assez marrer. Je me demande bien ce qui a changé chez moi. Pourquoi je ne rigole plus ? Pourquoi je ne m’extasie plus lorsque je vois une jolie femme ? C'est devenue trop futile chez moi pour que je m'en préoccupe.
  Lentement, je ramasse mes affaires et au moment où je franchis la porte, le temps ainsi que mon corps se figent. Qu'est-ce qu'il fait ici ? Il s'est remis sur pied ? Alors que je compte le saluer, je remarque qu'il semble concentrer sur quelqu'un. Je suis alors son regard sauf que mes muscles se contractent d'un seul coup et je rentre mon ventre sans le savoir. Je distingue son expression de surprise lorsqu'elle le voit à l'entrée de l'amphithéâtre et aussitôt son sourire éblouit son visage pour aussitôt venir vers lui. C'est dans un silence absolu malgré les couloirs bondés que je les observe tous deux partir, le sourire au lèvre.
— Hey, mec ? me réveille Mathias en battant sa main sous mes yeux alors que j'étais dans la lune. Ça va ?
  J'acquiesce rapidement pour partir dans le sens opposé à ce couple souriant qui m'extirpe un sourire forcé suivie d'un soupir. Alors que je passe la porte de sortie, une personne que je reconnais bien vient à mes côtés.
— Salut !
— Yo…
  Elle me sourit avec un air de je sais tout qui m'agace. Seulement, au bout de même pas une minute, je craque :
— Qu'est-ce qu'il y a ? Je vois bien avec ton sourire que tu penses à quelque chose.
  Elle lâche une rictus tandis que j'affiche une moue agacée en tournant le regard. Soudain, elle se met devant moi avec un sourire espiègle et me murmure trois mots qui me font aussitôt vriller.
— Tu déconnes ! Elle a bien le droit de faire ce qu'elle veut.
  Elle acquiesce en se mettant à mes côtés à nouveau, malgré ça je sais qu'elle reste persuadée de ce qu'elle avance.
— Et toi ? Depuis quand tu sors hors de ton groupe pour t'asseoir avec une inconnue ?
— Ce n'est plus vraiment une inconnue, affirme-t-elle.
  Je la regarde, un sourcil levé.
— On est amies.
  Je manque de m'étouffer à cause de sa révélation.
— Ne me dit pas que tu m'en veux encore de ne pas l'avoir demandé de venir à ta soirée.
— Un peu, avoue-t-elle en faisant la moue. Mais ce n'est pas grave, on aura tout le temps d'en faire une.
  Je ne peux pas contenir mon soupir plus longtemps.
— Comme tu veux…

  J'appuie sur la manette à toutes vitesse et crie aussitôt à cause de mon erreur stupide. C'était si bête. Je l'ai laissé gagner gratuitement. Alors que je commence une nouvelle partie, la porte du seuil se déverrouille pour laisser entrer ma colocataire. Je me retiens de lui poser la question qui est sur mes lèvres depuis ce matin. Je les ai vus batifoler au restaurant de l'université, rigoler ensemble et se parler discrètement à l'amphithéâtre. J'ai failli vomir en les regardant. C'était trop, mielleux. Ma peau frissonne lorsque je sens le dos du canapé s'affaisser. Je ne parviens même plus à me concentrer.
— Tu n'aurais pas dû aller par là, murmure-t-elle quand soudain je perds. Tu joues plus aux jeux vidéos que moi et pourtant…
— Oh la ferme.
  Elle devient soudainement muette et moi aussi. Qu'est-ce qui m'a pris de lui balancer ça ? Ces mots sont sortis tout seul. Le pire c'est que je n'ai pas souvenir d'y avoir pensé une seule seconde. C'est sorti de mes tripes
— Désolé, je voulais pas dire ça, bredouillé-je.
— C'est bon.
  Sans un mot, elle s'enferme dans sa chambre. Je suis allé trop loin, mais bon sang pourquoi j'ai dit ça ? Je m'en veux maintenant. Il y a comme un froid désormais, un immense obstacle s'est dressé entre nous deux à cause de ces mots qui se sont échappés de mes lèvres.
  Ce n'est pas dans mes habitudes mais il va falloir que je le fasse. Ma main n'arrive même plus à saisir la manette à cause de ce que j'ai dit, cette scène revient en boucle dans ma tête comme pour me hanter. Je pousse un soupir avant de mordiller mes lèvres. Mes jambes me portent jusqu'à sa porte, je souffle avant de frapper.
  Aucune réponse. Mon sang s'affole et mon cœur part en vrille, alors que je saisis la poignée, je perds l'équilibre et tombe sur ce que je pense être le sol.
— Tu ne pourrais pas te lever ? baragouine-t-elle.
  J'acquiesce sans pouvoir analyser la situation. Et alors que je me redresse, je croise son regard, ses yeux verts foncés qui me scrutent. Ma respiration se coupe quand je prends conscience de la position dans laquelle on est. Seulement, même si ça paraît tordu, je ne bouge pas.
— Aller, se plaint-elle en poussant mon torse. Lève-toi…
— Non.
  Elle fait la moue et force un peu plus mais je reste de marbre.
— Je suis désolé pour tout à l'heure, lâché-je. Vraiment, je m'en veux. C'est sorti…tout seul.
  Ses lèvres poussent un soupir.
— Lève-toi…insiste-t-elle à voix basse en esquivant mon regard.
— Regarde-moi, je suis sincère. Je…
  Je pince mes lèvres. Je ne peux quand même pas lui dire ça. Soudain, son regard cède pour reprendre contact. Alors que je compte m'excuser à nouveau, elle me devance :
— C'est par rapport à ce matin ?
  Son regard est immense, rempli de curiosité et d'innocence. Soudain mes yeux dérivent plus bas mais je reprends mes esprits en tournant la tête pour pousser un soupir.
— Comment ça ?
— Tu restais focalisé sur ton téléphone, déclare-t-elle.
  C'est vrai, j'ai déjà entendu ça. Pas plus tard que ce matin et c'était Matthias qui me le reprochait. Cette fois-ci c'est elle. Je pince mes lèvres quand je repense à son insistance. Depuis hier soir, il continue de forcer.
— Possible, mais je ne dirai rien comme je ne t'oblige pas à me dire ce qu'il se passe entre toi et Enzo.
  Mon corps se redresse et sort de sa chambre pour aussitôt me barricader dans la mienne alors que le souvenir de ce matin lorsqu'ils se souriaient défilent dans ma tête.

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