Chapitre XXIV

59 2 4
                                    

Axel Grenat

Je n'ai pas le temps de prendre mon souffle qu'elle se faufile en vitesse à l'intérieur du bâtiment. Je n'ai eu le temps que de voir ses cheveux se balancer de droite à gauche et le claquement de ses béquilles contre le sol.
Je lâche un soupire avant d'entrer à mon tour avant d'éternuer d'un seul coup. Mon corps frissonne à cause de la différence de température. La première chose que je vois, c'est son corps qui peine à esquiver tous ces infirmiers. Cette vision me fait penser à des robots, qui marchent avec un but bien précis en tête mais sans expression sur le visage. Lorsqu'elle s'approche de la réceptionniste au téléphone, son corps bascule en arrière. Je m'apprête à me lancer vers elle mais mes poumons fonctionnent de nouveau lorsqu'elle retrouve l'équilibre. Il va falloir que je la rejoigne à un moment, je n'ai pas tellement envie de faire plante verte même si l'idée de traverser cette route d'infirmier pressée me donne envie de sortir prendre l'air pour l'attendre.
- Bonjour, c'est à quel nom ? Demande la femme âgé, les cheveux décoiffés avec un chignon sur la tête et ses yeux rivés sur son carnet.
- Ilona Lazykwartz.
Aussitôt, la dame prend une carte pour griffonné un cercle.
- Votre rendez-vous est ici, dit-elle en la regardant enfin.
Mon rictus attise leur regard. L'une me regarde blasé et l'autre lève les yeux au ciel. Mes lèvres se pincent automatiquement tout comme mon regard qui esquive la situation.
Lorsqu'on marche en direction de la salle indiqué, je la suis de près mais en recule. Les infirmiers avancent, se pressent et se bousculent tandis qu'il y a comme un chemin. Une ligne avec seulement, elle et moi. Je n'avais jamais vu ses cheveux en dehors de sa capuche. Je détourne le regard pour observer la file de soignants. Sérieusement. Pourquoi je regarde ses cheveux ?
- Bonjour, vous êtes mademoiselle Lazykwartz.
- Oui, acquiesce-t-elle.
Je décide de m'avachir sur le siège à l'extérieur en attendant ma colocataire, la porte qui se referme sur la dame résonne dans ma cage thoracique alors je clos mes yeux. Seulement, ils s'ouvrent deux secondes après. Un petit garçon qui bat des jambes, la tête rivé sur le sol comme un enfant puni jusqu'à ce que je vois les larmes descendre lentement ses joues joufflues.
- Hé.
Ses petites mains écorchés frottent ses yeux et lorsqu'il lève la tête, il tombe sur moi alors je lui fais signe de venir. Il regarde à droit à gauche avant de se décider, d'un pas hésitant, à venir s'assoir à côté de moi.
- Ça va ?
- J'ai l'air d'être bien ? Rétorque-t-il avec une petite voix.
- Désolé, c'était une question bête. Pourquoi tu pleures ?
- Pourquoi je le dirai ? Dit-il les lèvres tremblantes et déjà les larmes aux yeux.
Alors, sans prévenir, je pose ma main sur le dessus de son crâne pour caresser ses cheveux.
- Ça va aller. Te retiens pas, petit.
Il tombe soudain en sanglot tandis que son corps se recroqueville. Ma tête se repose sur le mur derrière moi tandis que mes yeux se focalisent sur cette porte où ce petit était en train d'attendre en larme.
- Ma sœur, commence-t-il alors que sa voix est noyé par les larmes. On jouait ensemble sur la route mais il y a eu un accident. Elle était...au milieu de la route et là... une voiture est arrivée.
L'entendre me serre le cœur lorsque j'imagine ce qu'il a vu de ses yeux, pour un si jeune âge. Il est si petit, si fragile.
- Quelqu'un est arrivé pour essayer de la récupérer mais...ils ont volés par-dessus la voiture et...c'est de ma faute, j'en suis sûr...
- Ce n'est pas de ta faute. Tu es encore jeune. T'as sœur est où ?
- Là, dit-il en m'indiquant la porte. Elle ne se réveille pas. J'ai très peur...
- Elle se réveillera. Pourquoi elle ne pourrait pas se réveiller ? Elle est dans le coma ?
- Non, bégaie-t-il.
Je sursaute lorsque la porte à ma droite s'ouvre sur Ilona, sans béquille qui me toise du regard.
- Pourquoi tu l'as fait pleurer ? Dit-elle en se retenant de me disputer.
Un sourire maladroit se dessine sur mon visage, je ne sais pas où me mettre ni quoi dire mais soudain la porte du bonhomme s'ouvre sur une dame en larme, le sourire au lèvre :
- Loïs ! Vient ! T'as sœur est réveillée ! S'exclame-t-elle soulagé.
Mes yeux se tournent aussitôt vers le gamin qui a retrouvé le sourire. Il court immédiatement vers sa mère mais se retourne furtivement vers moi pour me faire signe, que je lui rend en retour avec le sourire. Sauf que lorsque je me retrouve face à ma colocataire, des questions se lisent sur son visage.
- Oh, ça va, soufflé-je en riant. Je l'ai pas traumatisé. On a parlé entre adultes, entre hommes.
- Comment ça ? Bégaie-t-elle. Mais c'est un petit garçon...
Je lui lâche un sourire aussi large que possible et elle finit par croire en ce que je veux alors quand mes pas commencent à s'accélérer, j'ai le plaisir de la voir me suivre.
- C'est qu'un gosse ! Tu lui as dit quoi pendant que j'étais pas là ?
- Wow ! Tu sais courir maintenant ? Rié-je en esquivant ses coups.
Je l'entends lâcher un soupir suite à ce que je dis, ce qui me fait sourire. Je ne sais pas pourquoi je ne lui dis pas. C'est assez gênant de dire que j'ai consolé un gamin en pleurs. Enfin, je n'ai rien fait. Je n'ai même pas consolé le petit bonhomme. J'ai juste écouté ses sanglots comme on écoute une musique. Mais ça aussi, je ne sais pas pourquoi je l'ai fait. Pourquoi ai -je attiré ce petit à moi ? J'aurais pu le laisser pleurer mais non, je l'ai amené à moi. D'une certaine façon, il m'a rappelé un vague souvenir. Celui du petit garçon que j'étais qui attendait désespérément des nouvelles. Moi aussi, je crois, j'aurai aimé qu'on vienne me consoler.
Alors que les médecins et infirmiers s'énervent lorsqu'on passe en travers de leur chemin, mon corps n'arrive plus à respirer correctement alors je m'arrête. Ma respiration est saccadée et les battements de mon cœur peinent à se calmer. Lorsque je me retourne pour voir où elle en est et surtout pourquoi elle ne m'a pas chopé, mes yeux s'arrêtent sur son corps en arrêt. À quelques dizaines de pas. Seulement, ses yeux restent figés sur quelqu'un. Une fille avec des bandages, des bleus sur le corps et des yeux qui expriment toute sa douleur. Ça me rappelle quelque chose à moi aussi. Sauf que là, il s'agit d'une femme. Le genre qui doit subir les remarques des hommes et subir leur égoïsme.
J'arrête de rigoler. Je me demande ce qu'il se passe, je suis perdu en les regardant. Mais Ilona fait le premier pas et la surprise doit se lire sur mon visage lorsqu'elle prend cette fille dans ses bras. Des sanglots résonnent dans mes oreilles tandis que ma peau frissonne en les regardant.

GARCE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant