Chapitre XIX

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Axel Grenat

Lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée, lui parler de la soirée.
Je me suis répété ça en boucle, toute la nuit. Et je m'entend encore le penser, c'est un enfer. Je suis insomniaque, mais je n'ai pas eu une minute ou même une seconde de sommeil. Mes yeux étaient grands ouverts, rivés sur le plafond, j'étais concentré sur ma musique en répétant ces mots : Lui parler de la soirée.
En réalité, je suis mitigé. Je n'ai pas envie qu'elle vienne à cette soirée. Pourquoi a-t-elle été invitée ? Je n'arrête pas de me le redemander, encore et encore et je suis certain que si je vais voir Lexie, elle ne me donnera pas la réponse. Ensuite, si j'en parle à Ilona, est-ce qu'elle dira oui ou non ? Je ne vois pas pourquoi elle accepterait.
La voilà qui arrive fièrement et lève les bras pour s'étirer tandis qu'elle part à la cuisine alors que je la regarde du comptoir. Je cesse tout mouvement quand je vois son débardeur dévoilé sa peau. Je regarde ailleurs pendant qu'une faible chaleur grimpe en moi comme la fumée d'une allumette. Trop, gênant bordel.
- Alors ? Demande-t-elle, assise à côté de moi.
- Quoi ? Répliqué-je.
- Tu m'as dérangé cette nuit pour me dire un truc, c'est quoi ?
Ses doigts tapent sur la table, en boucle et sans s'arrêter, tandis qu'elle me toise de son regard matinal alors je déglutis.
- Ah ! Ça ! J'avais oublié...rigolé-je bêtement.
- Je vois ça, répond-elle ennuyée.
- J'ai oublié, bégayé-je aussitôt. Ce n'était rien, je voulais juste t'embêter parce que je m'ennuyais.
Elle soupire.
- Je vois, dit-elle agacé.
Elle s'en va avec son bol. Je crois que j'ai fait un gaffe. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas dit la vérité, mais, d'un côté ça m'arrange. Si je ne lui dis rien alors, elle ne viendra pas. J'aime cette idée alors je souris fièrement puis je finis mes céréales.

~✧~

Je n'ai pas résisté à l'odeur de la boulangerie, encore une fois. J'ai résisté pendant une semaine mais les vitrines, le parfum des petits pains chauds m'ont eût.
- Salut ! s'exclame Lexi en arrivant face à moi subitement.
Je sursaute aussitôt.
- Tu...
- T'as parlé à la fille pour ma soirée ?
- Ouais, ouais je lui en ai parlé, menti-je en levant les yeux au ciel.
- Tu mens comme tu respires, dit-elle les bras croisés.
- Ok, soupiré-je. Je ne lui ai rien dit. Et alors ? Débrouille-toi, ce n'est pas à moi de le faire.
Je la contourne, seulement, elle me poursuit.
- Oh aller.... Je suis curieuse de la rencontrer et surtout de savoir ce qui te séduit chez elle, insiste-t-elle avec une voix mielleuse.
Elle me fatigue.
- Elle n'est personne.
J'ai beau marché loin d'elle, elle me suit tout de même mais elle glousse et ça m'agace. C'est comme un long grincement de vrai que une ardoise, celui qui te fait saigner des oreilles. Je m'assoie, exténué. Et merde. L'ombre de Matthias s'assoit à côté, comme à son habitude. Je viens de penser à la dernière fois où l'on s'est parlé. Je ne sais pas ce qui m'a pris quand j'y pense. Je ne sais pas pourquoi je me suis énervé. Ce froid me saoule. Il est impassible, imperturbable, il ne me calcule même pas.
- Hé, murmuré-je.
Silence. Il m'ignore totalement.
- Je suis désolé pour la dernière fois, je ne sais pas ce qui m'a pris. Je n'aurai pas dû... m'énerver. C'était stupide, déclaré-je.
Cette fois, il me regarde enfin.
- Je te pardonne mec, soupire-t-il. Mais, qu'est-ce qui t'attire, sérieux ?
Je lâche un rictus puis me redresse pour le regarder à taille égale.
- Qu'est-ce qui pourrait m'attirer chez elle ?
- Ton genre, c'est plus Inès, se marre-t-il. C'est vrai qu'elle t'a largué ?
- Non. Pourquoi elle l'aurait fait ? Je suis génial.
- Mytho, pouffe-t-il.
Lorsque le professeur entre dans l'amphithéâtre, le vibreur de mon téléphone arrache ma concentration. Je compte activer le mode avion mais mon souffle se coupe lorsque je vois le message affiché.

~✧~

Je ne perds pas de temps pour enfiler mon casque et monter sur ma belle moto, même quand l'air fait frissonner ma peau et que ma gorge s'étrangle autant que mon sang bouillonne. Je me débarrasse de la béquille et démarre aussitôt pour me propulser le plus loin possible. J'ai trente minutes avant le prochain cours, trente minutes pour accélérer et profiter du vent qui fouette mon corps tout entier, pour décompresser.
J'aurai préféré ne recevoir aucun message. Encore un refus. Je suis convaincue que c'est lui qui joue de sa réputation pour enchaîner son propre fils. Ça ne lui a pas suffit de faire ça envers maman. Il faut qu'il trouve une autre cible. Cette fois, c'est moi. Je cesse de respirer, mon ventre m'étouffe lorsque mes yeux se posent sur le ciel qui vire au gris. Ma montre sonne. Je n'ai plus que dix minutes pour retourner à l'université. Trente minutes, seulement trente minutes. Ce n'est pas assez pour évacuer toute la frustration que je possède.
Arriver, je gare la moto et enlève mon casque et je secoue la tête puis je remets mes cheveux en place avec mes mains. Aussitôt que je la vois, j'arrête de penser à lui. Mes pensées s'arrêtent comme si je n'étais qu'un cadavre, sans âme ni personnalité, simplement vide. Et pourtant, mon cœur vibre, et encore plus vite que ma respiration.
Je lâche un rictus en même temps que je passe ma main sur mon visage. Je dois être fatigué pour regarder cette fille caresser un chat. Mais malgré tout, je n'arrête pas de la détailler pour autant. Ses longues mèches dépassent de sa capuche pour voler et elle semble si sereine. Je ne l'ai jamais vu sourire. Je pourrais dire qu'elle est mignonne, pour une fois.
Sans un mot, je passe à côté d'elle et je ne la lâche pas du regard. C'est comme si le temps s'était arrêté pour moi.
Putain. Je dois être stupide.

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