Chapitre XXXVII

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Ilona Lazykwart

 
  Je n'arrête pas de réajuster le bas de ma robe. J'ai beau avoir mis un collant et un petit short de course, je ne me sens pas à l'aise. Il faut dire que je ne suis pas habituée à être aussi apprêtée. J'ai toujours ce même frisson qui parcourt mon corps depuis que je suis sortie de l'appartement. Et mes pieds ne cessent de gigoter. Mon corps est comme figé sur ce banc, celui près de la porte de sortie. Il y a tellement de monde ce soir. Et beaucoup de femme mais également des hommes. J'ai besoin de prendre l'air. De toute manière, il ne va pas me chercher. Je ne sais pas ce qu'il fabrique, mais il en met du temps dans les vestiaires. Un musicien à besoin d'autant de préparation. Mon souffle se dérobe dans l'air sous forme de fumée blanche, celle qui sort de mon corps et non venant d'une nicotine. Celle de la cigarette est grise comme un poison tandis que le souffle d'une personne qui expire est blanc comme la vie.
— Tu t'es bien habillé ce soir, ça te va bien, affirme-t-il avec un sourire.
  Je me retourne en sursaut face à Enzo qui sourit de toutes ses dents avant de s’affaisser contre le mur à mes côtés.
— Merci, murmuré-je en croisant les bras.
— Je n'ai pas envie de rentrer…
  Je tourne alors mon regard vers lui, intrigué.
— Pourquoi ?
  Il me rends un sourire avant de claquer gentiment ses paumes de mains contre ses joues.
— Je ne sais pas si je suis près pour ce soir.
— Comm…
  Mes mots n'ont pas le temps de tous s'évader que de la musique émane de la salle.
— Ah ! S'exclame-t-il. Ça commence, tu viens ?
  Ma main saisit la sienne puis nous franchissons tous deux la porte. Aussitôt, des lumières colorées m’aveuglent puis des cris de joie et d’encouragements viennent taper mes oreilles.
— Vous êtes près à vous éclater ce soir !
  Sans m'en rendre compte, je lâche peu à peu sa main tandis que mes pieds sont comme hypnotisés par cette voix qui m'est familière. Des filles s'agitent et m'empêchent de passer mais je parviens tout de même à me faufiler pour me figer instantanément parmis tout ce troupeau. Sa peau et sa sueur rayonnent comme des cristaux, provoqués par le jeu de lumière des projecteurs. Son sourire est resplendissant et aussi mon cœur palpite puis se serre. La musique s'enfonce dans mes oreilles pour faire vibrer tout mon être. D'un coup, c'est comme si tous ces gens n'existaient plus. Il ne reste plus que moi et lui, dansant sur scène et chantant à plein poumon tout en grattant sa guitare rouge métallisée. Puis lorsque nos regards se croisent, il me tend un clin d'œil furtif comme un déclic qui me ramène brusquement à la réalité. Aussitôt, tous les gens réapparaissent.
  Deux sons passent puis la dernière se termine. Les musiciens ainsi que le chanteur sont essoufflés mais ce dernier saisit le micro.
— Et maintenant, êtes-vous prêt pour le combat ?
— Ouais ! Crient tous les gens en chœur dans la salle.
— Plus fort !
  J'applaudis en silence parmi tous ces gens jusqu'à ce que l'un d'eux crie :
— Axel ! T'as intérêt à tout donner !
  Mes mains se figent puis un rictus m'échappe.
— Comment ça ? Murmuré-je.
  Quand ils quittent la scène, il me faut plusieurs minutes avant de réagir. Mon corps fonce jusqu'au vestiaire. Essoufflé, je croise le regard de Axel. Les sourcils froncés, il cherche à me déchiffrer mais moi non plus je ne comprends pas mon geste. Et pourtant, ma voix parvient à l'exprimer plus vite que mes propres pensées.
— Tu vas te battre ? Lancé-je.
  Sa mine s'assombrit pour baisser la tête vers son casier et à l'instant où ses mains saisies le bas de son t-shirt, mes yeux regardent ailleurs.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ? Rétorque-t-il.
— Je…j'en sais rien, bégayé-je après un silence.
Mes dents pincent mes lèvres. Je n'arrive plus à penser. J'ignore pourquoi mais ça me met hors de moi.
— N'y vas pas, murmuré-je en me retournant face à lui. Ne va pas te battre.
  Nos regards se croisent dans un silence absolu avant qu'il ne le rompe avec un rictus. Son corps se rapproche du mien. Bien décidé à lui faire obstacle, mon corps fait barrage entre lui et la porte. Mais le résultat n'est pas là car il fronce les sourcils, énervé par mon geste. Je le vois bien, il se retient de soupirer. Soudain, sa tête se rapproche de la mienne. Je déglutis mais d'un coup je me retrouve sur le côté. Je n'ai pas le temps de riposter qu'il est déjà parti.
  Il me faut un moment avant de me remettre debout pour oser le voir se battre. Mais le temps passe sans que mon corps ne veuille bouger.
— …CONTRE AXEL GRENAT !
  Il n'en faut pas plus à mon cœur pour s’étrangler et à mon corps pour foncer jusqu'au ring pour y retrouver Axel contre Enzo. Tout mon être se fige d'un seul coup. Alors lui aussi se bat ? Je me souviens alors de ses paroles et rien que ça, me provoque de légers tremblements. Le coup de sifflet retentit comme un coup de poing contre ma cage thoracique.
  À chaque coup donné, mon corps sursaute un peu plus et ma poitrine se bloque et se comprime le plus possible. Au bout de quelques secondes, mes yeux ont quitté le ring pour fixer mes bottes en cuire. Les gens hurlent et crient à plein poumon dans mes oreilles tandis que ma poitrine se serre. Je l'admet, ça ne m'amuse pas. Pas du tout même. Je ne sais pas pourquoi mais je ne supporte pas ça, je n'arrive pas à l'encourager. C'est même difficile de se faire une idée quand les deux combattants sur le ring sont deux personnes que je connais. Je ne déteste aucune des deux, je n'ai pas envie d'encourager l'un et délaisser l'autre. L'un m'a accueillie, hébergée malgré les manigances de sa sœur et il m'a empêché de retourner à l'hôtel. Tandis que l'autre m'a sourit chaleureusement et m'a empêché de paniquer dans la rue. Comment puis-je délaisser l'un d'eux ? Dans ce combat, qu'un seul vainqueur. Je ne supporte pas ça car j'ignore où me placer. Je reste entre les deux. Puis d'un coup, des cris d'affolement réveillent mon cœur fissuré par les craintes. Ma tête se redresse puis d'un coup ma vue se brouille lorsque je vois seule une personne debout tandis que le coach et l'arbitre foncent vers le corps du concurrent. Mes yeux remontent lentement vers la personne encore debout pour y découvrir Axel, les yeux effarés, les dents serrées et les bras tremblant sur le ring.

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