Chapitre LXX

32 3 0
                                    

Axel Grenat

   Chacun de mes coups résonne dans ma tête tandis que le sac de sable se déforme sous mes yeux, que mes jambes peinent à rester ancrées dans le sol, que mes lèvres ne cessent d'évacuer ce souffle qui m'épuise. Je ne me souviens de rien, seulement d'avoir bu quelques bouteilles de bière. C'est Matthias qui m'a révélé ce qu'il s'est passé. Ça me frustre de ne pas me remettre en mémoire cette soirée. Elle était là, mais qu'est-ce que j'ai bien pu dire ? J'aurai pu dire n'importe quoi, mes pensées les plus intimes, les désirs qui en découlent, la douleur que je porte depuis. Sa main sur ma joue est gravée sur celle-ci comme une cicatrice dont on ne peut se séparer, qu'on se voit contraint de garder malgré la souffrance qu’elle nourrit en nous. Ma mâchoire se serre lorsque deux bras m'éloignent du punching-ball. J'arrache mon bras au sien mais il me retiens aussitôt alors je me tourne vers lui.
— Lâche-moi.
— Non, répond-il sèchement avant de m'emmener dehors en même temps de faire un signe de tête à Franck lorsqu'il lui dit merci.
  Alors qu'on arrive dehors, je réussi à sortir définitivement de son emprise. Ma main passe dans mes cheveux tandis que je me tourne à nouveau vers lui.
— Qu'est-ce que tu veux, bon sang ?
— Tu croyais sérieusement que j'allais te laisser t'épuiser ?
— Fiche-moi la paix.
  J'essaie de franchir la porte mais il saisit à nouveau mon bras pour me ramener devant lui.
— Il se passe quoi avec toi bordel ? Depuis que vous ne vous parlez plus, ça ne va pas.
  Je soupire, la tête baissée.
— Laisse-moi, demandé-je plus calmement.
— T'es amoureux ?
  Cette idée me perce le cœur.
— À quoi bon ? Elle ne m'aime pas. Elle me l'a dit. Et j'ai gâché sa vie…
  Mon corps se pose sur ma moto, les mains dans mes poches de jogging. Ma poitrine se serre dès que je pense à elle, dès que je la vois, dès que sa voix parvient à mes oreilles. Elle est la musique de mon cœur. Seulement, ce ne sont que les paroles qui suivent. La mélodie est absente. Je la comprends dans un sens. Elle doit m'en vouloir à mort d'avoir été un salaud.
— Comment ça ? murmure-t-il.
— On a passé la nuit ensemble…je l'ai…j'étais pompette mais j'ai sûrement profiter d'elle cette nuit-là…
  Enzo demeure silencieux avant d'oser me regarder à nouveau.
— Elle te l'a dit en face ?
  Je déglutis en fermant les paupières. Puis je secoue la tête.
— Ça me paraît évident, lancé-je. Elle doit avoir peur de moi…
  Il masse sa main dans ses cheveux avant de se poser contre le mur pour soupirer. Aucun de nous ne sait quoi dire, c'est le calme insupportable qui s'écrase sur nous mais semble s'appuyer encore plus sur moi.
— Pour une fois, je n'ai rien à dire…
  Un coup d'œil furtif dérive sur lui avant de retourner sur le bitume.
— Tu crois qu'elle va porter plainte ? demande-t-il.
  J’hausse les épaules.
— Si elle le fait, j'accepterai ma peine. Longue ou courte…
  Il hoche seulement la tête. Au bout de quelques minutes, on se redresse tous les deux pour se diriger vers l'autre. D'un regard silencieux, nos deux mains se serrent tandis qu'il part vers sa voiture alors que j'enfile mon casque.

~✧~

  La trace de mes larmes reste collée sur mes joues et mes yeux me piquent malgré moi. Ce n'est pas faute d'être insomniaque. Pour une fois, j'aurai préféré dormir. L'insomnie guette mes nuits, l'ennui comme chaîne pour m'obliger à penser à elle. Ma tête s'enfonce dans mon oreiller quand la sonnerie retentit pour me laisser pousser un soupir d'exaspération. Du mauvais pied, je me lève et aussitôt que j'ouvre la porte pour découvrir qui ose troubler mon silence, ma main claque aussitôt la porte sans lui laisser le temps de parler. Alors, cet individu toque à ma porte en hurlant.
— Quoi ? crié-je en ouvrant la porte tandis qu'un papier s’agite  sous mes yeux.
— Tu ne pourrais pas être hypocrite et sourire ? Je t'ai apporté ton papier.
— Ouais ouais bah on verra ça plus tard, lancé-je dans un soupir.
  Alors que j'essaie de fermer la porte, son pied se glisse dans l'entrebâillement. Son geste me fait serrer la mâchoire alors j'ouvre à nouveau la porte. On se toise du regard, bouillonnant de colère quand soudain on saisit le col de l'autre.
— Dégage de chez moi.
— Allez, soit sympa. Je te donne ta liberté, sourit-il avec un rictus.
  Et alors qu'on lève nos poings, une voix résonne dans nos tympans et nous arrête aussitôt. Je penche ma tête sur le côté tandis qu'il la tourne pour tomber sur la brune à la peau noir, la coupe afro et un regard sévère avec ses bras croisés sous sa poitrine. On n'a pas le temps de dire quoique ce soit que nos mains relâchent notre prise à l'instant où elle s'avance vers nous.
— Vous foutez quoi ?
  Je roule des yeux lorsque Logan fait une remarque.
— Tiens, la demi-sœur est là ?
— Et toi, qu'est-ce que tu fiches ici ? Aux dernières nouvelles, vous ne vous entendez pas.
— Ça tombe bien que tu parles de nouvelles car il a décidé de changer de nom, s'exclame Logan en me tapant l'épaule.
  À sa plus grande surprise, Sarah sourit fièrement pour me prendre dans ses bras.
— Félicitations frangin !
— Quoi ? Pourquoi tu le félicites ? bredouille-t-il.
  Elle frotte sa main dans mes cheveux tandis que j'essaie de m'enlever de son emprise.
— C'est ce qu'il voulait après tout, je l'encourage. C'est mon petit frère adoré.
— Vous n'êtes même pas du même sang, cache-t-il avant qu'elle ne le toise du regard. Je me tire…
  Lorsqu'il part c'est comme le soleil après la tempête, le calme et le silence qui domine l'atmosphère et m'apaise même si ce n'est pas à cent pourcent car je pense toujours à elle. Et alors qu'on franchit la porte, une voix nous arrête. Je m'arrête et moi et ma soeur, on se retourne pour tomber aussitôt sur Lexi cette fois. Qui est essoufflée, les mains sur les cuisses et m'annonce :
— Je dois te parler.

GARCE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant