Chapitre XVI

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Axel Grenat

  Ce matin, je me suis levé tôt. Ce n’est pas dans mes habitudes mais j’ai fait un sacré cauchemar cette nuit. J’ai rêvé d’elle. Elle était affreuse, elle me pourchassait. On aurait dit le diable en personne, avec des yeux et des ongles plus longs qu’elle. Alors, je me suis levée en sursaut et j’ai pensé à ce qu’elle pouvait me faire subir à son réveil. Elle a été trompée, c’est pas rien. D'ailleurs, même moi je n’en serai pas capable. Ce gars n’a peur de rien. Je n’avais pas envie de subir ses humeurs, alors j’ai fait des recherches sur internet. C’était long et chiant mais c'est pour ma survie. Sauf que, ça n'a servi à rien car elle est partie comme une flèche. J'avais le cœur qui battait à mille à l'heure quand je l'ai vu sortir de la chambre.
  Je flâne quelques minutes avant d'aller à la fac, les étudiants me dépassent et certains cours déjà pour ne pas être à la bourre. Personnellement, je redoute surtout mes potes. Depuis vendredi, je ne leur ai pas adressé la parole. J'ai supprimé les notifications, ils étaient trop insistants par rapport à la soirée. Ils veulent que je leur fournisse une explication. J'ai un peu la flemme pour ça.
  Je décide de prendre une grande inspiration pour entrer dans l'enceinte de la fac avec ma moto que je place avec les autres, en prenant le soin de bien la positionner. Seulement, lorsque je verrouille la chaîne, je suis emporté dans un coin isolé du bahut à toute vitesse.
— C'était quoi ça ?
— Matthias ? Qu'est-ce qui te prend ? Demandé-je en enlevant sa main de mon col.
— C'est à moi de poser les questions. Tu nous as laissé en plan pour cette…chau-
— Ilona. Elle s'appelle Ilona, prononcé-je agacé.
— Ouais. Et alors ? Je m'en tape de son blaze. Tu connais la rumeur ? C'est une meuf pas fréquentable. Qu'est-ce qui t'a pris de lui courir après ?
  Mon sang bouillonne en moi comme un volcan en éruption. Je ne contrôle plus mon corps. Mes mains se serrent, j'étouffe mes émotions sans en connaître la raison. Cette fille me rend chèvre. Ou plutôt, cette foutue rumeur à la con. La fille de la rumeur et elle, sont comme deux personnes différentes. Je doute que ce soit une chaudasse.
— Si c'est pour dire ce genre de connerie, je me casse.
  Il ne cherche pas à me retenir, je fonce en classe et aussitôt je m'allonge sur ma table, bras croisés et tête rentrée, comme si mon corps était devenu trop lourd à porter.
— Hey, s’exclame une blonde que je ne connais pas qui s'assoit sur la chaise d'à côté, sa tête sur sa main et ses yeux qui me dévore du regard. T’as pas l’air en forme, toi.
— J’ai envie de dormir, murmuré-je entre mes bras.
— Comme d'habitude, j'imagine…
  Je ne l'écoute pas, c'est comme des brouhahas qui planent. Soudain, je pense à ma colocataire. Je fouille l'amphithéâtre du regard à sa recherche tandis que cette fille me saoul avec ses questions.
  Elle est partie avant moi ce matin. Ce n’est pourtant pas dans ses habitudes de sécher. Ou alors, il lui est arrivé quelque chose ? J’arrête de respirer. Je ne dois pas penser à ça mais mes pensées imaginent déjà les pires scénarios. Je me demande où elle est. Est-elle en danger ? Bon sang, pourquoi je m’inquiète d’un coup ? À force de m’interroger, je commence à perdre le contrôle de moi-même. Mes pieds cognent le sol tandis que mon souffle s'accélère.
— Tu fous quoi ? Le cours va bientôt commencer, cri-t-il tandis que je me dirige à toute vitesse vers la sortie.
  Aussitôt dehors, j’enfile ma veste et démarre le moteur de la moto. J’explore chaque rue de la ville et lorsqu’arrive un feu rouge, je cogne mon poing sur ma cuisse. La frustration prend peu à peu possession de mon corps car les scénarios défilent toujours dans ma tête. Je ne sais pas ce qui me prend de sécher à mon tour. Ce qui est sûr, c’est que je ne tarderai pas à recevoir un appel de mon père d’ici ce soir.
  Soudain, des cris m’interpellent. Je fonce direct vers cette dispute et j’arrive à peine dans la rue que mon sang se glace.
— Je t'en merde ! Sale connard ! Menteur !
  Une femme, que je reconnais , sort de la maison en rogne. Elle est suivi d’un mec en caleçon et quand je regarde à l’entrée, je remarque une femme enveloppée dans une couverture. Elle aussi je la reconnais. C'est celle qui l'embrassait cette nuit-là. Elle ne s'est pas gênée.
  Mon sang bouillonne quand je vois ce type saisir sa main mais elle riposte par une gifle. Mon rire imprévu m'étouffe aussitôt qu'il sort. Mon corps s'extirpe hors de ma moto alors que je regagne mon souffle. Mais je ne perds pas de temps car avant qu’il ne la saisisse à nouveau, je prends son poignet.
— Axel ?
— Désolé mec, fallait réfléchir avant de faire ta connerie, me moqué-je avec le sourire en coin.
— T’es qui toi ? Non, laisse-moi deviner, t’es son coloc ?
  Il s'apprête à frapper mais je plaque directement son bras dans son dos avant de le pousser vers sa nouvelle copine. Ou plutôt, la prochaine victime de tromperie.
— Eh, j’interpelle la fille encore sur le pas de la porte qui observe toute la scène. Je te conseil de voir ailleurs, c’est pas un mec pour toi.
  Lorsque je me tourne face à ma colocataire, ses bras sont croisés et elle a un sourcil levé plus haut que l’autre. La seule chose que je fais, c'est sourire comme un abrutis. Je ne me suis jamais autant éclaté.
— Qu’est-ce que tu fous ici ?
— Et toi ? Pourquoi t’es pas en cours ?
  Elle rit maladroitement avant de rétorquer :
— T’es mon père ?
Oh putain, non. Je me mets à rire aussi surtout lorsque j'imagine être son paternel. Je ne veux surtout pas être comme le mien d'ailleurs, même si je ne me vois pas vraiment avoir des enfants un jour.
— J’avais des choses à régler, répond-elle. Et, je n’avais pas la patience d’attendre.
— J’ai vu ça, affirmé-je en me retenant de rire. Il a prit cher…
— C’était plutôt mérité, rigole-t-elle.
  Je me joins à elle en trottinant. Jamais je n’aurai pensé qu’on rirait ensemble un jour. Si on me l'aurait dit, je serai sûrement en train de rire.
— Si j’avais su, je n'aurais pas préparé ton petit déjeuner, me plaigné-je.
— Et moi je me demande pourquoi ce n'était pas gratuit, se plaint-elle.
— C’est un honneur d’être servi par moi !
  Elle lève les yeux au ciel mais après lui avoir lancé mon casque, elle est choquée.
— T’avais une moto ? Depuis tout ce temps ?
— Bah… ouais.
— C’est pour ça que tu prends ton temps le matin ! Dire que depuis tout ce temps, tu aurais pu m'accompagner à la fac. Tu sais combien de minute je me tape rien qu’à l'aller ?
  J’hausse les épaules.
— Trop la flemme pour ça. Et en parlant des cours, on devrait peut-être y aller.
  Alors que j’enfile mon casque, elle me bouscule légèrement en souriant pendant que mon cœur sursaute.
— Accroche-toi.
  Je la vois de nouveau acquiescer et s’accrocher à l’arrière de la moto. Quand je démarre, ses bras se serrent autour de moi immédiatement. Je la vois flipper sur les rétros, ça me fait doucement sourire tandis que ma peau frissonne, que je cesse de respirer et que mon ventre s’écrase subitement.
  Je me demande quand même une chose : Comment lui dire que j’ai osé m'inquiéter pour elle ?

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