Chapitre LV

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Axel Grenat

  Elle est partie depuis un moment de la chambre, et heureusement d'ailleurs car je suis enfin seul avec moi-même. Je gesticule dans tous les sens en fermant les yeux mais ses lèvres, son putain de regard reste figé dans ma tête. Si je pouvais, je partirai crier dans tout l'appartement pour faire partir mon malaise. Ses lèvres roses et bordel ! Je me suis approché d'elle comme manipulé par ma propre conscience. Je me sens trahi. C'est les hormones ça. C'est sûr. Des sentiments ? Pourquoi y en aurait ? Ça fait combien de temps que je ne l'ai pas fait ? Depuis déjà plusieurs mois. Si je réfléchis bien ça fait depuis qu'elle est devenue ma colocataire. Je suis en manque et ça se répercute sur moi. Ça me gêne tellement que j'aimerais devenir une autruche. Ma main passe sur mon visage jusqu'à ce que je décide de me lever. Lorsque je franchis la porte c'est en étirant mes bras le plus haut possible.
— Elle est partie ?
  Elle acquiesce, toujours sans me regarder. Plus je la regarde et plus j'y vois de la nervosité dans ses gestes. Déjà, elle ne me regarde pas, ensuite elle mange ses céréales avec plus de rapidité que d'habitude. Mon corps souhaite s'approcher d'elle pour la taquiner mais mon esprit désire ses lèvres. Avec une légère once de regret, je pars dans la salle de bain. Et alors que l'eau longe ma peau, j'ai toujours son visage ancré dans ma tête. C'est lorsque je regarde plus bas que je me dis merde.
 
~✧~

  À la fac, ce n'est plus la même ambiance. Matthias me reprochait d'être sur mon téléphone et maintenant ça me reproche de ne pas écouter, d'être trop dans la lune. Et je crois bien qu'il a raison. Depuis qu'on a dormi ensemble, dans ma chambre, ce n'est plus pareil. Je devrais être en colère mais ce n'est pas ce sentiment que je ressens. Je suis plus tendu et complètement à l'ouest. J'ai besoin de me défouler, de perdre la boule sans penser pour autant. Ça fait combien de temps que je ne suis pas allé à la salle ? Je ne perds pas de temps, dès la fin de la journée, je prends ma moto et démarre aussitôt. Lorsque j'arrive, je m'empresse de descendre pour ouvrir la porte. Cependant, alors qu'elle est entrouverte, j'entends une voix familière parler à Franck. Discrètement, je tends l'oreille pour mieux entendre.
— Je vois, tu t'interroges sur Axel ?
  Ma poitrine s'éveille lorsque j'entends mon prénom.
— Oui…et je sais que si je lui demande, il restera vague… Seulement, je suis trop curieuse à son sujet.
— Tu sais, je ne suis pas le mieux placé pour te parler de lui surtout dans son dos et sans son accord.
  Ça c'est clair. Néanmoins, je reste là à écouter. Normalement, chacun sortirait de sa cachette pour arrêter ça. Seulement, je reste curieux.
— Je sais bien…
  Demeure un petit silence avant que la voix de Franck le rompe.
— Je veux bien te dire un truc. Écoute, Axel n'est pas quelqu'un de bavard. C'est encore un jeune adulte qui tente de se défaire de l'emprise de sa famille, de son passé.
— Je comprends mieux le nom de son contact alors, vieux con.
  Mon souffle se coupe aussitôt et sans un mot j'ouvre la porte en grand. Mon sang se glace quand mes yeux tombent sur elle qui lâche un rictus jusqu'à ce qu'elle me remarque.
— T'as pas fouillé dans mon téléphone ? m’écrié-je.
  Franck tente de me calmer mais je repousse sa main aussi sec.
— T'es cinglé ! T'as pas à fouiller dans ma vie comme ça ! Déjà le carnet, ensuite tu invites Lexi sans même m'en parler avant ! Puis tu fouilles mon téléphone ?
  Je lâche un rire jaune tandis que mon sang bouillonne. Ses lèvres hésitent à s'exprimer avant de se refermer.
— Je me casse.
  Mon corps sors en trombe de la salle, je ne perds pas de temps. Je n’enfile même pas mon casque. Je démarre, la tête à l'air libre. Ça me bouffe de l'intérieur, comme si on avait grignoté une partie de moi. C'est parti de mon intimité, celle que je ne voulais pas dévoiler avant d'avoir réglé le souci. C'est elle qui a lu. Sa curiosité me rend fou. Inconsciemment, j'avais confiance en elle mais ce cristal s'est fissuré à l'instant même où elle s'est laissé contrôler par sa curiosité maladive.
  Même si j'ai pris de l'avance, je suis arrivé avant elle. Ma colocataire, cette vilaine curieuse, me suit de près et rentre dix minutes après moi. J'enlève ma veste en cuire avant de la jeter sur le canapé pour ensuite laisser glisser mes doigts dans mes cheveux. Mes yeux refusent de se jeter à ses pieds. Malgré qu'elle soit dos à moi, je sens son regret traverser ma chair. Et c'est de plus en plus insoutenable alors je fonce dans ma chambre pour m'y enfermer. Au bout de quelques minutes, ses pas s'approchent tandis que je suis assis contre la porte. Et même si ses renflements traversent ma porte pour m'atteindre, mon cœur reste fermé.
— Axel…
  Mon cœur se serre au son de sa voix, ma gorge s'étrangle. Dans le fond je me sens perdu. Je ne sais pas si c'est de la déception que je ressens envers elle ou de la colère car elle a fouillé dans ma vie. Ça pèse sur mon âme.

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