Chapitre XXXVI

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Axel Grenat

 
  La musique à fond, à m'en faire saigner les oreilles, jouent dans ma tête en boucle tandis que mon pied cogne le sol. Et si jamais le voisin hurle, ses mots ne parviendront pas à moi comme une bulle d'isolement. Soudain, la musique s'éteint pour laisser place à une sonnerie agaçante. Lorsque je décroche, je suis à deux doigts de hurler mais sa voix m'arrête.
— Yo mec, ça te dit qu'on se voit ? Lexi est bizarre.
  Ma main passe dans mes cheveux.
— Ok.
  Je raccroche aussitôt avant de sortir en trombe de ma chambre. Aucun son. Je regarde les alentours. Elle n'est pas là. Un grognement de sortie de nul part m'empêche de marcher quand soudain une tête décoiffée s'extirpe du canapé.
— C'est quoi cette tête, lâché-je en contenant mon rire.
  Ses yeux se plissent d'un coup et un frisson me parcourt l'échine.
— Pourquoi était-il là ?
— Qui ? Mon frère ?
— T'as dit que personne ne devait savoir pour notre colocation ! S’écrit-elle en bondissant hors du canapé. Alors pourquoi lui été là ? T'as oublié que tu m'as foutue dehors pour une soirée ? Si j'avais su, je serais resté ici ce soir-là.
  Elle est furieuse et ça commence à peser sur mon estomac. Lorsqu'elle lâche un soupir, ma main gratte ma nuque et mes yeux ne savent plus où regarder.
— Mon frère, ça me dérange moins, avoué-je.
— T'as honte de moi quand c'est t'es pote ?
  Elle se pince ses lèvres et c'est lorsque je regarde ses yeux qu'une fissure se déclare en moi. Ses yeux vitreux ne regardent que moi. Mes yeux changent de cible.
— Peut-être bien, murmuré-je avant de prendre la porte.
  J'ai vraiment besoin de me saouler là. Juste histoire d'oublier ma connerie. Seulement, ce n'est pas le moment de défaillir. Demain est un jour important. Je ne dois pas me perdre, surtout pas pour une colocataire. Tout ça n'est qu'éphémère. Rien ne dure, c'est bien connu.
  Une main me fait signe. Je reconnais bien Matthias, avachi sur la chaise extérieur qui est assis comme un père. Mieux vaut ne pas lui dire ça. Il risquerait de se vexer et de me faire la peau. Même si concrètement, il n'a aucune chance.
— Salut, dis-je alors que nos deux mains se saluent. Alors ? Raconte.
— Tu veux pas commander plutôt ?
  Je le regarde avec les mêmes sourcils que Dwayne Johnson à cause de son esquive foireuse.
— Tu m'as appelé pour rien alors ?
— Non, bredouille-t-il.
— Bien. Alors, à toi l'honneur.
  Il soupire alors que mes bras sont fièrement croisés.
— Et bah, elle… je ne sais pas ce qu'il s'est passé ! On était au skate park et tu sais combien on kiffe cet endroit ! Puis d'un coup, une bombe se met sur la piste. J'étais aveuglé, elle était magnifique !
— Attends, attends, l'arrêté-je. Tu m'as appelé pour Lexie, pas pour une autre nana.
— Oui, oui. Justement, écoute la suite !
  J'acquiesce, peu sûr de lui.
— Bon, j'ai décidé de voir cette fille. Le courant marche super bien. J'ai même son numéro, regarde ! Elle est incroyable et rigole à toute les vannes !
— Lexi aussi, non ? Murmuré-je sans qu'il le remarque.
— Mais je ne sais pas pourquoi, Lexi s'est énervée. Elle m'a tapé la tête avant de se barrer en furie. Mec, je sais pas quoi faire. Je ne comprends vraiment rien aux femmes.
— T'as de la chance, tu as en face de toi un expert ! Me vanté-je.
— Tu déconnes ? Tu t'es fait larguer en beauté par Inès je te signale.
  Il glousse avant d'éclater de rire tandis que mes bras tombent littéralement de chaque côté de mon corps et que mon sourire s'efface.
— Oh attend ! Continue-t-il. Il y avait Ava aussi puis Lucie, Marine, Laurie, Maewenn...
— Oh je t'en prie, m’exclamé-je en soupirant longuement. Tais-toi, vraiment. Pourquoi tu m'as fait venir alors ?
— Parce que tu es le seul type en qui j'ai confiance.
— Hmm, rétorqué-je peu convaincu par son sourire angélique de mythomane.
  Nos deux corps retombent lourdement sur nos chaises, exténués. Ça me tue de l'avouer mais il n'a pas tort. Quand je repense à toutes les anciennes relations, je me dis que ce n'était pas terrible. Peut-être pas forcément à cause d'elle. Peut-être bien que c'était moi qui était trop con. La tronche de mon père me revient en tête et mes doigts se resserrent aussitôt sur la paume de mes mains. Mon corps se redresse et alors je lui sors :
— Pense à elle. C'est le seul conseil que je peux te donner.
— Comment ça ? Bégaie-t-il.
— Met toi à sa place. À ton avis qu'est-ce qu'elle a ressentie quand tu t'es rapproché de cette fille et après demande toi qui est-elle pour toi.
— A…attends !
— Désolé, j'ai d'autres choses à faire mais tiens moi au courant, sourié-je avec un clin d'œil et un pouce en l'air.
  Pourquoi personne ne me l'a dit à moi ? Il a fallu que j'en prenne conscience avec Matthias. Pense à elle. Se mettre à sa place et prendre connaissance de ce qu'elle a pu ressentir pour mieux régler la situation. C'est plus facile à dire qu'à faire. J'ai dix minutes pour me mettre à sa place, sinon je serai en face d'elle à la fixer bredouille. Elle s'est réveillée sans savoir que Logan serait là. Avec une dégaine horrible en plus. Mes mains masquent ma bouche quand je pense à hier même si ça me fait doucement rire de l'avoir vu dans ces fringues. Je l'avoue, c'est entièrement de la faute. Bon sang, je dérive là. Plus que cinq minutes. Le temps passe trop vite, c'est aberrant. Ça y est j'ai trouvé !
  La clé déverrouille la porte tandis que mon corps se hisse à l'intérieur. Merde. Je ne sais plus ce que je dois dire quand mon regard se pose sur l'horloge. Soudain, je presse les pas pour toquer à sa chambre qui s'ouvre subitement sur ma colocataire qui me regarde avec les yeux ronds. Mon regard la scrute de haut en bas pour admirer sa tenue et ses formes mises en valeur par sa robe à bretelles, à carreaux, cintrée sur sa taille.
— Je crois que je ne t'ai jamais vu avec autant de couleur en plein jour, bredouillé-je.
— Tu veux quoi ?
  Sa voix me ramène brutalement à la réalité et me rappelle que l'horloge tourne, qu'il faut y aller avant d'arriver à la bourre. Je saisis brusquement sa main avant de la tirer jusqu'à la sortie.
— Court ! On est à la bourre !
  Lorsqu'elle regarde l'heure à son tour sur son téléphone, elle me dépasse pour dominer la course à toute vitesse jusqu'à la moto.

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