Chapitre XXV

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Ilona Lazykwartz

C'est comme un déchirement quand je la revois, une noyade mentale à cause de ces souvenirs que l'on partage et qui s'entremêlent sans me quitter. Ils arrachent chaque bout de moi. Mon cœur, mes espoirs, ma liberté. C'est comme cessé de respirer. Il ne m'a pas touché autant qu'elle. Il m'a frappé. Ma peau, mes muscles, mes os se souviennent encore de la sensation de ses poings entre mes côtes, mes mains, mes cuisses et ma cheville qu'il écrase par moment à force de vaciller comme un ivrogne. Son odeur reste dans mes narines et m'étrangle de l'intérieur. Mes yeux saignent lorsque je revois son visage lubrique et enragé. Alors, la voir ne me fait ni l'effet d'un soulagement de la voir debout et non sous la terre dans un cercueil à moisir. J'ai seulement mal à la poitrine. Un grand frisson, accompagné de ses fourmis parcourent mon corps à cause de son regard sur moi et mes yeux ancrés dans ceux de cette pauvre fille qui ne sait plus où regarder. Elle hésite entre me regarder et se focaliser sur le sol. Je pense qu'à sa place, j'aurai chercher à partir. Il n'est pas bon de rester dans le passé, sans garder les traces. J'ai déjà mes souvenirs à supporter et elle aussi.
- Tu vas bien ? Bégaie-t-elle en se triturant les doigts.
J'acquiesce et de nouveau un blanc s'installe. Mes doigts jouent ensemble sauf que je commence à pincer le bout de mon index lorsque le soupir de mon colocataire parvient à mes oreilles. Je ne sais pas tellement quoi dire. Ce vide me trouble. J'ai très envie de fuir, de rentrer à la maison et de me faufiler sous la couette.
- Je suis ravie que tu ailles bien, lance-t-elle à nouveau. J'ai eu...très peur quand il...
Sa voix s'arrête lorsque je détourne le regard tandis que mes doigts pincent l'intérieur de mon coude cette fois-ci.
- Je voulais te remercier.
Mon cœur s'arrête alors que mes dents commencent à abîmer mes lèvres et que mes rétines commencent à me piquer légèrement et que ma vue devient flou. Je serre les poings avec ses mots qui se répètent en boucle dans mon esprit.
- J'étais désespéré. J'ai cru mourir. J'avais si peur jusqu'à ce que tu arrives et...j'étais si soulagée...
Je lâche un rictus imprévu et je me lève subitement, je crois furtivement le regard d'Axel qui se réveil en sursaut en me regardant sans comprendre ce que je fais.
- Je peux pas rester, bégayé-je alors que ma voix s'apprête à craquer.
Je sors en trombe de la chambre, je ne regarde ni derrière ni devant car mes yeux sont noyés sous mes larmes alors c'est comme demander à un aveugle de voir. Il en est pas capable tout comme moi qui fuit comme une lâche. J'ai mal à la poitrine au point que ma cage thoracique pourrait briser mon cœur. Le rythme de ma respiration saccadée parvient à mes oreilles et soudain tout mon corps tremble. Les visions se bousculent dans ma tête. C'est comme une bataille acharnée où l'un me pousse vers la tolérance et l'acceptation tandis que l'autre me pousse vers l'égoïsme. Dans les deux cas, ils ont un point commun : Je garde ces souvenirs. Elle me remercie ? Je n'ai pas besoin d'être remercier. J'aurai dû la laisser dans sa merde. Lorsque je lève les yeux, ces infirmiers en blanc qui sont tous géants se ressemblent. Un visage ridé et effrayant, prêt à me dévorer. Une main se pose sur mon épaule mais je la repousse brusquement jusqu'à tomber sur le sol, la respiration saccadée qui sort mon âme hors de mon corps. Tout mon être vibre de façon irrégulière jusqu'à l'épuisement. Des gouttes salées éclatent sur le parquet. Moi souffle s'accélère lorsqu'un corps s'enroule autour du mien en me serrant bien fort. Aussitôt que je vois ces mains, je les serre aussi fort que je le peux.
- Ça va aller, me chuchote-t-il à l'oreille tandis que mes yeux se ferment et que le poid de mon corps se laisse tomber sur lui.
Il a une voix, que je reconnais.

Désormais, je suis plus régulière. Les caresses du vent m'ont calmés. C'était comme si j'avais perdu toute l'oxygène réfugié dans mon corps. Il a fallut que je sorte pour aller mieux. Je frotte mes paupières. Sans le regarder je lui dis, faiblement:
- Merci...
- Ce n'est rien. T'as de la chance que je sais quoi faire pendant les crises d'angoisse.
Des petites questions sans importance se baladent dans ma tête et ça réussi à me faire détourner le regard. Il sort un briquet de sa poche et allume la cigarette qu'il tient entre ses lèvres. Je réfugie à nouveau ma tête dans mes bras, cette fois-ci, je laisse ma tête en dehors pour le regarder. Ses cheveux noirs volent dans le vent, une mine sombre et vide, que je n'ai jamais vu, traverse ses yeux. Qu'es-ce que tu as vécu pour savoir gérer ça ? Peu de gens le savent, la majorité sont paniqués ou passe devant sans y prêter attention. Je serai sûrement cette deuxième catégorie de personnes. Trop gênée, trop ignorante, j'aurais laissé là personne croupir à terre et j'aurais continué ma route en vivant pour le restant de ma vie dans la culpabilité. Des souvenirs de notre première rencontre refont surface.
- Pourquoi ? Tu te moquais de moi à notre rencontre avec tes potes, je ne te connaissais même pas...mumuré-je.
Elle inspiré avant de souffler.
- Je te pensais trop immature pour agir comme ça...
De la fumée ressort de ses lèvres tandis que je baisse la tête jusqu'à ce que mon cœur loupe un battement.
- À force de vivre avec toi, je crois que j'ai fini par comprendre que cette rumeur ne te ressemble pas.
Ses paroles brûlent mes yeux à petites flammes en même temps que le passé tourne autour de moi pour me tourmenter alors un rire étouffé sort de mes lèvres.
- Si tu savais, chuchoté-je, amèrement, alors que je pense au passé.
- Dis moi, répond-il alors que ses yeux sont subitement posés sur moi.
Je croise son regard. Une sensation étrange surgit dans le creux de mon ventre, comme un changement que je n'ai pas su voir. La première fois, il agissait comme un véritable crétin. Un gamin puéril qui avait l'air de sortir du collège. Sauf que là, j'ai l'impression d'être face à un homme mature. Cependant, ces traits qu'il porte sur son visage, cette expression que je n'ai jamais vu sur lui me fait dire qu'il cache quelque chose en lui comme si son immaturité était un masque.
- Merci, dis-je à nouveau en ne quittant pas notre échange de regard.
C'est la seule chose que je souhaitais lui dire à ce moment-là. Car ce qu'il m'a dit est la chose que j'aurai aimé entendre. Et que, la moi d'avant aurait aimé être aidé lors de ces crises d'angoisses. C'est comme si le froid de la solitude disparaissait pour laisser place à la chaleur de quelqu'un qui t'aide sincèrement. Du moins, j'espère qu'il est sincère. Je crois, que s'il ne l'est pas, je ne m'en remettrai pas.

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