Chapitre LVII

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Axel Grenat

  Je me défonce sur la manette de jeu. J'espère oublier, ne penser à rien mais c'est tout l'inverse qui se produit et résultat : je perds.
  La porte d'entrée s'ouvre sur Ilona. J'essaie de l'ignorer mais c'est plus fort que moi lorsque je la vois trempée jusqu'aux os. Au moment où je compte démarrer une autre partie, la deuxième s'active. C'est elle qui l'a tient dans la main, sans même me jeter un seul regard. Mon envie de parler est aussi élevée qu'un petit pois alors sans un mot, je commence la partie. Aucun son, seulement celui des boutons qu'on massacre avec nos doigts.
— Je suis désolé.
  Ses paroles fonctionnent bien sur moi. J'ai failli perdre à nouveau. Par chance, j'ai esquivé de justesse. Elle veut jouer à ça ? Très bien. À mon tour de la déstabiliser.
— Je m'en fous de tes excuses. Tu n'avais pas à fouiller dans mes affaires.
  Je lâche un petit râle lorsqu'elle manque mon attaque.
— Je t'ai dit que j'étais désolé, insiste-t-elle. Ce n'était pas mon attention de regarder ton téléphone.
— Tu vas me dire que t’as pas su contrôler ton regard ? me moqué-je mais soudain elle me lance une attaque.
— C'est pas toi qui a dit que nous étions amis ? Pardon d'être curieuse mais quand c'est ton père que tu traites de vieux con avoue que ça t'intrigue !
  Je suis déstabilisé. Elle l'attaque de plein fouet, je ne parviens pas à lui rendre la monnaie de sa pièce. Mon personnage est bloqué par son attaque. Je dois réfléchir vite, ma jauge de vie diminue de plus en plus.
— Ça ne regarde que moi ! crié-je en stoppant ses coups. Tu te prends pour qui a fouillé dans mes affaires ? Le carnet ça passe encore même si ça me soule. Mais ma vie privée ? Je devrais aussi regarder la tienne, tu ne parles jamais de rien. Je ne connais même pas ton passé ni ta passion ! Et cette foutue rumeur de début d'année ? On n'en parle même pas.
  Cette fois-ci, c'est elle qui se retrouve en mauvaise position. Je serre les poings et pince mes lèvres alors qu'elle se défend. C'est une bataille acharnée où nos coups ne cessent de défiler sous nos yeux pour tenter d’évincer l'autre. Soudaine ma poitrine se serre.
— Et le jour où tu étais sur ton téléphone toute la journée ? Tu étais bizarre. Je n'ai rien dit ce jour-là mais tu te rends pas compte à quel point j'étais… je me posais énormément de questions ! Tu semblais absent. Complètement absorbé par tes messages. Alors oui, quand j'ai vu ce message je me suis dit que ça avait peut-être un lien. Je m'en suis voulu aussitôt de l'avoir vu…
— Alors pourquoi tu es allé voir Franck  ! rétorqué-je.
  Un long silence où elle se laisse faire par mon personnage qui enchaîne les coups.
— Je n'arrêtais pas d'y penser…je crois qu'au fond j'avais besoin d'être rassuré…
  Mes doigts arrêtent d'écraser les boutons. Puis, il y a ce silence qui vient à son tour où seule la musique du jeu plane dans le salon. J'ai le cœur qui bat vite comme s'il allait exploser. Je ne sais pas quoi dire, ni quoi penser.
— C'est à moi de gérer ma vie, tu n'as pas à t'inquiéter…
— Je suis désolé…vraiment…
  Une larme coule le long de sa joue alors qu'elle renifle la tête baissée. Je lâche un soupir.
— Je suis désolé de t'avoir ignoré. J'étais déçu…
  Elle s'excuse à nouveau, fuyant mon regard alors que le mien est posé sur elle. C'est une sorte de paix qui se diffuse dans mon corps, un sentiment d'apaisement qui m'aide à respirer. Je suis déçu, c'est vrai mais plus autant qu'avant. C'est comme si, à mesure que je la regarde, la colère et la rancœur s'évaporent. Je tends ma main et efface ses larmes rebelles. À ses lèvres pincées, je décide de saisir son menton pour redresser sa tête vers moi.
— C'est bon. T'as gagné je te pardonne l’hamster.
  Je vois le bout de ses lèvres qui se redresse légèrement après avoir baissé sa tête à nouveau, se battant entre rire et tristesse.
— Aller, souris, l’imploré-je en essayant de voir son visage tandis qu'elle me repousse en rigolant.
— Je culpabilise trop pour sourire…
  Je fais la moue avant de prendre sa tête entre mes mains. Mes pouces touchent les pointes de sa bouche pour les redresser.
— Souris, j'ai dit, insisté-je. Aller, s'il te plaît. Je t'en veux plus.
  Elle lâche enfin un petit rire avant de me repousser. On rigole encore un peu puis je remarque qu'elle ne s'est pas séché en arrivant et elle est légèrement pâle. Alors ma main s'approche de son front.
— Je suis désolé. T'aurais pas dû marcher sous la pluie, murmuré-je. Tu devrais aller te changer et… te reposer.
  Elle acquiesce avant de se lever mais elle se retourne avant d'entrer dans la salle de bain.
— Je suis désolé…encore une fois…vraiment…
  Puis elle entre dans la salle d'eau tandis que ma poitrine se serre. Elle le regrette, je le sens et je le vois. Néanmoins, j'ai beau lui dire que je lui ai pardonné, c'est comme si ses excuses résonnaient en un écho de culpabilité. Elle m'entend sans se pardonner. Je crois qu'elle s'en veut au point de s'excuser cent fois jusqu'à diminuer sa déception envers elle-même.

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